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Tutelle
A l’époque, les gens meurent jeunes, laissant très souvent des enfants mineurs. La famille se rassemble alors et décide de nommer un tuteur aux enfants, souvent l’un d’entre eux.
Jean Piault, cabaretier à Méréville, comparaît le 3 avril 1792, sa femme, Catherine Andrieux, étant décédée le 12 décembre dernier lui laissant Jean Tranquil Alphonse âgé de 5 ans et Léon âgé de 2 ans et demi qu’il est nécessaire, pour la conservation de leurs droits de pourvoir d’un tuteur et d’un subrogé tuteur, le tuteur ayant la charge de faire dresser un inventaire des biens meubles de la communauté.
Bail à pension ou à nourriture
Une fois la tutelle établie, il n’est pas rare de voir se profiler un bail à pension ou bail à nourriture adjugé au rabais.
Le 3 frimaire an 3, Jean Baptiste Gudin manouvrier à Congerville, tuteur de Marie Catherine LeClair, fille mineure de feu Léger Leclair, fouleur de bas et de feue Agathe Gudin, fait assembler devant le juge de paix, les parents et amis de la mineure, pour régler ses pensions nourriture et entretien, jusqu’à ce qu’elle soit en état de jouir de son bien et d’y pourvoir elle-même. Louis LeClair, l’un de ses parents, offre de prendre la mineure « pour la nourrir, élever et gouverner tant en santé que maladie, l’entretenir de tous habits, linges et hardes et lui faire donner l’éducation convenable « , moyennant 100 livres par an à compter de ce jour jusqu’à l’âge de 16 ans accomplis. Jean Baptiste Gudin offre de même pour 88 livres 15 sols par an. Aucun de ses parents n’offrant mieux, ils adjugent le bail à Jean Baptiste Gudin, le montant du bail lui étant payé sur les biens et revenus de la mineure.
A la même époque, de frimaire à germinal an 3, les baux diffèrent sur l’âge des mineurs, 14, 15, 16 ans accomplis, et sur le montant qui peut varier de 80 livres pour « le nourrir, chauffer, coucher, blanchir, chausser, éclairer et l’envoyer aux petites écoles « , jusqu’à 150 livres.
Dans ces conditions, il est fréquent de voir vendre les effets et meubles des mineurs pour payer le bail. Un bail à nourriture est consenti le 14 ventôse an 3, aux deux enfants Charpentier, dont les parents décédés étaient charron à Angerville, pour un montant de 150 livres chacun. La famille s’assemble à nouveau le 17 pluviôse an 6, pour procéder à l’évaluation de la maison et boutique de charron qu’elle estime à 1510 livres et la décision est prise de les vendre au plus offrant.
Grossesse
Il n’est pas rare à l’époque pour les filles de se trouver enceinte en dehors du mariage. Marie Anne De la Plaine demeurant à Saclas explique le 18 avril 1791 au juge de paix, qu’elle a séjourné chez Gabriel Cartault, marchand de foin demeurant à Bossenval, paroisse de Méréville, en qualité de domestique, « qu’elle a eu le malheur de se laisser aller aux passions brutales dudit Cartault par les promesses qu’il n’a cessé de lui faire qu’il l’épouserait si elle devenait enceinte de ses œuvres et effectivement elle l’est de trois mois elle a requis ledit Cartault d’exécuter sa promesse mais pour sa récompense il l’a mise à la porte de chez lui vendredi matin « . Elle fait donc cette déclaration de grossesse pour obtenir de Gabriel Cartault une réparation proportionnée au déshonneur qu’il lui cause. Il ne s’agit là que d’une déclaration, mais il y a parfois des jugements qui vont plus loin.
Ainsi, le 26 messidor an 1, Marie Anne Baillard, fille mineure âgée de 19 ans, de Henry Baillard, manouvrier à Boissy, est enceinte d’environ 6 mois des œuvres d’Antoine Rousset laboureur à Fontaine, alors qu’elle était à son service. Tous trois comparaissent devant le juge de paix, pour statuer sur les frais de « gesines » (accouchement), dommages et intérêts envers la fille Baillard, pension et éducation de l’enfant à naître. Le juge déclare que Antoine Rousset ou ses héritiers payeront annuellement à Baillard ou sa fille quand elle aura atteint l’âge de majorité, au jour de la Saint Michel, 29 septembre, la somme de 200 livres en monnaie ayant cours, pendant le temps de 6 années consécutives, tant pour « les frais des couches de ladite fille Baillard dommages et intérêts que pour la pension éducation et élèvement de l’enfant » et cela même si l’enfant vient à mourir.
Emancipation
Bien souvent, dès qu’ils ont l’âge de raison, les jeunes mineurs sont émancipés. Thérèse Gager, mineure âgée de 16 ans et fille des défunts Cantien Gager charron à Guillerval et Jeanne Séjourné, rassemble ses parents et amis le 16 décembre 1792 devant le juge de paix. « S’étant bien comportée et désirant jouir de ses biens et meubles et du revenu de ses immeubles », elle les prie de donner leur avis sur son émancipation. Ses parents et amis déclarent avoir une parfaite connaissance de l’âge de la mineure et de sa bonne conduite ; ils n’empêchent, et au contraire consentent, qu’elle jouisse de ses biens meubles et du revenu de ses immeubles, de même que si elle avait atteint l’âge de majorité, à la charge néanmoins qu’elle ne pourra vendre aliéner ni hypothéquer ses biens immeubles qu’elle n’ait atteint l’âge de 25 ans accomplis. Pour l’assister en cas de besoin, ils nomment un curateur en la personne de son oncle Pierre Gager, charron à Pussay qui accepte la charge et prête serment.
C’est le décret du 20 septembre 1792 qui détermine le mode de constater l’état civil des citoyens et réorganise les registres de baptêmes, mariages et sépultures tenus jusque là par les prêtres. Il fixe l’âge de la majorité civile à 21 ans. Il était de 25 ans sous l’Ancien Régime.
Cette émancipation peut intervenir pour cause de succession à venir. Ainsi, le 13 floréal an 6, la famille de Marie Vrament, âgée de 17 ans accompli, fille mineure de défunt Pierre Vrament cultivateur à Arrancourt et de Julienne Sergent, requiert son émancipation. Après le décès de son père, sa mère avait été nommée tutrice par acte du 20 novembre 1791. Aujourd’hui, âgée et toujours convalescente, la famille craint qu’elle ne vienne à mourir avant que Marie ait atteint sa majorité, ce qui leur susciterait des formalités pour recueillir la succession de Julienne Sergent. Aussi, pour les éviter et comme Marie s’est toujours bien comportée depuis le décès de son père, notamment depuis qu’elle à l’âge de raison, ils sont tous d’avis de l’émanciper et ils nomment Dominique Vrament, l’un de ses frères pour curateur.
Pension alimentaire
Les personnes âgées font fréquemment des cessions de leurs biens à leurs enfants en contrepartie d’une pension alimentaire. Si les enfants acceptent souvent de verser cette pension, cela leur arrive aussi de la contester ou de préférer prendre leurs parents chez eux. Le 11 floréal an 8, Louis Michau ancien maçon et couvreur demeurant à Angerville, fait citer ses enfants et gendre à comparaître devant le juge de paix, pour se concilier si possible et voir dire que vu son grand âge et ses infirmités qui le réduisent à l’impossibilité absolue de continuer son état et attendu qu’il n’a ni biens ni revenus pour vivre, ses enfants et gendre seront tenus de lui payer une pension viagère et alimentaire telle qu’elle sera fixée par le jugement à intervenir.
Mais l’un de ses enfants conteste car, il y a environ six mois, son père a vendu une maison et dépendances sises à Louville moyennant une somme de 1250 francs, qu’il a en outre vendu son mobilier pour 250 francs et qu’il n’est pas possible que depuis ce court espace de temps, il ai consommé ce qu’il a reçu, que d’ailleurs la somme de 1250 francs ne devant lui être payée qu’en six ans c’est à raison de plus de 200 francs par an, ce qui est suffisant pour vivre surtout pour un homme très valide et que lorsque cette somme sera épuisée il consent de venir au secours de son père.
Par contre, sa fille et son gendre s’en rapportent à la pension qu’il demande à la justice, le père ayant répliqué que le prix de la vente de son mobilier a été employé par lui à payer les dettes de sa communauté et qu’il est maintenant sans argent et hors d’état de pouvoir en gagner.
Parfois, les personnes âgées n’ont plus de famille. Le 5 vendémiaire an 3, les citoyens François Pannetier, François Rousseau et Pierre Boudier résidant à Angerville se présentent devant les officiers municipaux et leur expliquent qu’ils se trouvent dans ce moment, hors d’état de travailler, vu leur grand âge et les grandes infirmités qu’ils ne cessent de supporter journellement, que ne pouvant travailler à aucun travaux, ils supplient la municipalité de vouloir bien leur accorder la permission « de rechercher leur vie dans l’étendue de cette commune « . L’autorisation est accordée.
Les appositions de scellés faites lors de décès ou de demande de divorce, il y en a quelques unes en particulier pour injures et outrages, nous renseignent sur les biens que possèdent les particuliers et force est souvent de constater l’extrême dénuement dans lequel ils se trouvent. Le 26 pluviôse an 2, lors du décès de Marie Anne Rabaudry, maîtresse d’école à Pussay, il s’est trouvé chez elle un oreiller de couty remply de plume, un lit aussi de couty rempli de plume, une petite couverture bleu un coffre de bois de noyer fermant à clef dans lequel partie des pauvres effets décrits par ailleurs sont renfermés, un très mauvais coffre et une petite table, huche, déclarant lesdites parties que ladite défunte Marie Anne Rabaudry ne possédait aucun autre effet et que tous les ustensiles de ménage dont elle se servait ainsi que le bois de lit sur lequel elle couchait appartiennent à Cécile Thomin sa nièce avec laquelle elle demeurait depuis environ vingt ans.
Certains renoncent même aux successions. Le 12 frimaire an 6 Philippe Robert et Angélique Ingrain sa femme se mettent en communauté et se font donation mutuelle entre vif, réciproque et irrévocable l’un à l’autre et au survivant d’eux de tous les biens meubles et immeubles qui se trouveront appartenir au premier mourant d’eux au jour de son décès. Le 8 germinal Philippe décède sans enfant après une longue maladie. Les époux sont si peu fortunés que le peu qui leur reste, après les frais de leur mariage, n’est pas suffisant pour couvrir la dépense occasionnée par la maladie. Le décédé ne laisse aucun bien immeuble et le peu de bien meuble qu’il laisse n’est pas suffisant pour acquitter les dettes de la communauté. Angélique Ingrain sa veuve prétend donc renoncer à ladite communauté et donation.
Travail artisanal
Entre les enfants et les personnes âgées, il y a l’immense masse des travailleurs dont la condition n’est pas non plus toujours brillante, hormis pour les cultivateurs qui possèdent leur terre et pour les aubergistes, en particulier à Angerville où le passage de la route Paris Orléans apporte un flot important de voyageurs et de convois de marchandises. Les ouvriers viennent souvent du centre de la France, de la Creuse en particulier, jusqu’en Beauce pour se faire embaucher le temps d’une campagne de travaux et repartent ensuite. Ils ne sont payés qu’à la fin de la campagne quand le patron lui-même se fait payer, ce qui parfois peut prendre un ou deux ans. Le 15 novembre 1791, Médard Chapart maçon en gros murs à Saint-Cyr, engage une action contre le sieur Bagnol chirurgien à Saclas. Dans le courant de l’année, il a effectué pour ce dernier, des ouvrages de maçonnerie, dont le montant s’élève à 92 livres. Les ouvriers de Chapart veulent s’en retourner en leur pays et il a besoin de toucher lui-même son argent pour pouvoir les payer. En attendant il doit nourrir ses cinq ouvriers à ne rien faire, payer leurs journées et vu la cherté des vivres la dépense est onéreuse. Le juge de paix condamne le sieur Bagnol, s’il ne règle pas immédiatement, à payer à Chapart la somme de 6 livres par jour pour le temps et la nourriture des 5 ouvriers et ce jusqu’au paiement des 92 livres.
Alexandre Seignant est lui scieur de long à Saint-Cyr et travaille en communauté depuis environ 22 mois avec François Duval également scieur de long, domicilié chez Beaufrère cabaretier à Saint-Cyr. Il souhaite recouvrer leurs créances dues par différents particuliers depuis tout ce temps et s’adresse au juge de paix pour obliger François Duval, qui s’y refuse, à prendre un jour, ou plusieurs si les affaires l’exigent, pour se rendre chez toutes les personnes pour lesquelles ils ont travaillé durant ces 22 mois, et arrêter leur compte. François Duval s’y résout et les deux dimanches suivants, 7 et 14 octobre 1792, ils iront chez tous leurs débiteurs « toucher de ceux qui voudront les payer chacun leur moitié et ceux qui demanderont du temps il leur sera accordé sur leur consentement « .
Il est très fréquent que les gens demandent des délais de paiement alors même qu’ils doivent des sommes importantes depuis longtemps. Tout comme il y a beaucoup de jugement pour non paiement de gages ou de marchandises.
Le 19 prairial an 6, Pierre Bagenne aubergiste à Fleury dans le Loiret, réclame à Charles Menault cabaretier à Angerville, la somme de 572 F : prix de vins qu’il lui a apporté dans le courant de la présente année. Charles Menault le reconnaît, mais ne peut quant à présent payer cette somme. Il offre de donner un acompte de 100 F le 4 thermidor prochain, 100 F le 15 brumaire an 7 et le reste sur un an à compter du second paiement, ce que refuse Bagenne. Il y a ainsi de très nombreux jugements pour non paiement de marchandises de toutes sortes, d’honoraires de médecin et aussi de loyer.
Travail agricole
Le commerce et l’artisanat ne sont cependant pas les activités prépondérantes dans la région qui reste essentiellement agricole, hormis à Angerville où les aubergistes sont nombreux en raison du passage intense sur la route Paris Orléans et à Pussay où les fabriques de bas de laine commencent déjà à prendre une certaine importance. Quelques propriétaires cultivateurs exploitent la terre et emploient une multitude de journaliers, batteurs, charretiers, bergers. La condition de ces derniers n’est guère enviable et ils se louent de ferme en ferme au gré des besoins et des saisons. Les différends qu’ils ont avec les fermiers sont nombreux et portent presque toujours sur les salaires.
Le 6 fructidor an 1, Grégoire Fournarie, Etienne Lardillé et Anicet Pepou demeurant à Saint-Hilaire dans la Creuse, terminent la moisson chez Georges Gillotin fermier à Estouches. Nos trois Creusois viennent dire au juge que Gillotin les a arrêté pour couper ses blés sur environ 45 arpents, qu’il n’a passé aucun marché avec eux, mais leur a dit qu’il paierait l’arpent comme les autres fermiers du canton. Une fois la moisson terminée, il n’a voulu les payer que 9 livres l’arpent comme Cartault ; mais ce dernier a fait faucher ses blés, alors qu’eux ont tout coupé à la faucille, ce qui est un travail bien plus long et pénible que de les couper à la faux ; et lui Gillotin ne peut ignorer que le prix ordinaire du lieu et de ses environs est de 11 livres l’arpent. Cependant, ils veulent bien transiger et se contenter de 10 livres.
Gillotin, quant à lui, persiste à dire qu’ils se sont arrêtés sur le prix de 9 livres, bien qu’il leur ait représenté que d’autres payaient davantage, mais que lui ne paierait que 9 livres et que sinon il irait chercher d’autres moissonneurs à Pithiviers. Comme ils avaient commencé et fini sa moisson, il pensait qu’ils étaient d’accord sur le prix de 9 livres. Le juge de paix ordonne que les parties se conforment aux prix moyens et ordinaires des laboureurs d’Estouches, qu’elles fassent comparaître chacune, deux laboureurs pour connaître les prix. L’enquête n’a finalement pas lieu, les parties s’étant arrangées à l’amiable.
En floréal an 3, André Cannet, Louis Cannet et Pierre Poussard tous trois batteurs en grange demeurant à Chalou Moulineux, se mettent d’accord avec Marin Lambert cultivateur à Chicheny, pour battre ses grains : savoir le blé à raison de 3 livres le sac et l’avoine à 18 sols le sac, sous la condition que Lambert leur fournirait le blé nécessaire pour leur consommation et celle de leur famille à raison de 43 livres le sac. Malgré cette convention, Lambert leur fait payer à chacun le dernier sac de blé qu’il leur fournit, la somme de 50 livres et comme il refuse d’augmenter le prix de leur travail, ils quittent ses granges.
Lambert soutient qu’il n’a jamais convenu de donner aux batteurs tout le blé nécessaire pour leur consommation, mais seulement un sac de blé à chacun, par mois, pendant tout le temps de leur battage et il reconnaît qu’il leur a fait payer à chacun le dernier sac qu’il leur a fourni la somme de 50 livres, ce qui est bien en dessous de la valeur actuelle du blé. Comme il a fourni à chacun un sac de blé au delà de ce qu’il s’était engagé à leur fournir et qu’ils ont quitté le battage de ses granges, il demande à qu’ils soient condamnés à lui payer les derniers trois sacs de blé au prix actuel. Le juge de paix renvoie les batteurs de la demande formée contre eux par Lambert, qu’il condamne aux dépens.
Les jugements donnent souvent tort aux fermiers et soutiennent plutôt les journaliers dans leur demande. Les différends entre fermiers et employés n’ont d’égal que les différends entre fermiers eux-mêmes. Ces derniers se disputent allègrement surtout au moment de la passation de la ferme entre fermier entrant et fermier sortant. Celui qui part doit laisser sur place les pailles, fourrages et fumiers, ce qu’il s’empresse d’emporter avec lui ne laissant rien au fermier entrant pour faire son ouvrage, ce qui donne lieu à de très nombreuses contestations. Beaucoup de jugements portent également sur des demandes de restitution de raies de terre (entre-deux des sillons) enlevées à des champs.
Glanage et gardes champêtres
Pour survivre ou se faire un appoint, les petites gens glanent ou emmènent paître leurs bêtes sur des pièces de terre ensemencées. Les gens plus aisés ne se privent pas non plus d’y envoyer leurs enfants ou leurs domestiques. Le 2 septembre 1791, Charles Lefebvre laboureur à Saint-Escobille porte plainte contre Sureau manouvrier à Paponville, dont la femme et le fils ont glané le 31 août dernier sur ses terres ensemencées en orge et en blé, sur les 5 heures et demie du matin. Le juge de paix donne tort à Sureau d’être allé glaner sur ladite pièce de terre avant l’enlèvement du grain et le condamne pour cette fois seulement et sans tirer à conséquence à 55 sols d’amende.
Le 26 prairial an 2, Rousset agent national d’Angerville, cite Jacques Mainfroy cultivateur et aubergiste à Angerville pour se voir condamner, pour dommages causés sur plusieurs champs de pois par 5 vaches et un mouton gardés par sa fille et sa domestique, à une amende de 6 livres et aux dépens 3 livres 10 sols, ces derniers étant parfois plus chers que l’amende.
Beaucoup d’autres condamnations sont prononcées pour être allé cueillir de l’herbe, avoir traversé des champs ensemencés à la poursuite d’abeilles ou avec des voitures attelées de chevaux. Le juge de paix lui-même est verbalisé le 12 thermidor an 3 par le garde champêtre pour avoir envoyé sa voiture dans un champ ensemencé en avoine et appartenant au citoyen Rousseau. Le charretier aurait répondu au garde champêtre qu’il allait chercher du seigle. Le citoyen Hardy sera en conséquence tenu de payer la somme de 3 livres pour amende et de payer au citoyen Rousseau les dégâts et pertes qu’il aurait pu causer sur la pièce d’avoine. Ce dernier, maître de poste à Angerville, ne se privait pas non plus de faire des dégâts et s’était fait surprendre alors que sa voiture attelée de quatre chevaux passait par la corne d’un champ ensemencé en blé ou seigle appartenant au citoyen Rousset.
Il arrive parfois que le propriétaire des lieux endommagés se fasse justice lui-même. Ainsi, le 24 mai 1791 le juge de paix se rend avec son greffier à Moulineux pour trouver Jean Mazure au lit, lequel leur dit que sur les 11 heures du matin il fit rencontre de Pierre LeCoz meunier du moulin de Moulineux qui lui dit « tu es bien hardi de venir cueillir mon herbe. Elle m’appartient et non à d’autres » et sans autre raison Pierre LeCoz lui a donné plusieurs bourrades de fusil dont une particulièrement à l’estomac qui l’a fait tomber par terre. Ce seul coup suffisait pour lui ôter la vie, mais non content de l’avoir donné, il a réitéré par différents autres sur toutes les parties du corps. Pareille menace n’étant point à tolérer ledit Mazure a demandé acte de la présente plainte. Plusieurs jugements pour coup sont ainsi rendus pendant l’année 1791 et les suivantes.
Parfois, c’est un troupeau entier qui va paître sur des lieux interdits. Ainsi, le 1er avril 1792, Paul Butet laboureur à Saint-Cyr-la-Rivière, se plaint que Louis de la Cour laboureur au petit Villiers paroisse d’Estouches, ait fait conduire son troupeau par son berger, sur les terres vaines et en jachères du territoire de Saint-Cyr et l’y ait fait paître pendant deux jours quoique de temps immémorial aucun troupeau ne s’est transporté sur ce territoire, sans la permission des propriétaires des troupeaux de Saint-Cyr selon l’usage. De plus Delacour fait conduire journellement son troupeau sur les chemins allant d’Estouches aux autres villages circonvoisins, à l’effet de le faire paître sans observer les limites desdits territoires, ce qui fait un tort considérable au sieur Paul Butet qui demande en conséquence que le sieur Delacour soit condamné en deux sacs de mouture, pour réparation du dommage, sacs qui seront répartis entre les pauvres de Saint-Cyr. Delacour reconnaît les faits et le tribunal le condamne à livrer un sac de mouture mesure d’Etampes aux officiers municipaux de Saint-Cyr pour être réparti et distribué aux plus pauvres de la paroisse.
Une fois la récolte effectuée, c’est le chaume qui attire les convoitises. Il est ramassé le soir au clair de lune, au lieu du matin, ce qui fait que les citoyens qui arrivent normalement le matin ne trouvent plus rien à chaumer. A la moisson de l’an 3, Eloy Lesage laboureur demeurant à Ezerville, coupe ses chaumes plus haut qu’à l’ordinaire et les marque par des raies à la charrue, afin de se les réserver pour entretenir les toits des bâtiments des fermes qu’il exploite ainsi qu’il y est tenu par ses baux. Le 30 fructidor sur les midi François Petit, Jean Pierre Petit et Germain Bouché avec leur femme se sont permis de ramasser les chaumes qu’il s’était réservés. En conséquence Eloy Lesage leur demande : soit de restituer chacun 100 bottes ou gerbes de chaume, soit de remettre une somme de chacun 300 livres, valeur des 100 bottes de chaume. Les accusés rétorquent que dans l’Ancien Régime, aucune loi n’empêchait le public de ramasser du chaume où il le jugeait à proposer. En raison de l’usage, le tribunal les condamne à restituer au citoyen Lesage, chacun la quantité de 15 gerbes de chaume de grosseur ordinaire, c’est à dire gerbes de couvreur, ou à en payer la valeur à raison de 20 sols la gerbe.
Les abus ont dû être tels, qu’en fructidor an 5, les municipalités jugent bon de rappeler qu’il est fait défense à toutes personnes de marquer ni ramasser le chaume avant l’époque fixée, avant soleil levé, après soleil couché. L’époque sera fixée dans chaque commune par l’agent municipal mais ne pourra être avant l’enlèvement total des grains de la commune ni après le 2ème jour complémentaire (18 septembre 1797) de l’an 5.
C’est pourquoi les communes, bien avant la loi du 20 messidor an 3 qui ordonne leur établissement, nomment des gardes champêtres. C’est ainsi que le 16 nivôse an 2, le citoyen Jacques Lacheny est établi garde champêtre par la municipalité de Monnerville pour veiller à la conservation des grains quelconques et empêcher les dégâts qui pourraient se commettre. Il prête serment devant le juge de paix et sera payé 6 sols par arpent plein comme vide tous les trois mois.
Le 1er messidor de l’an 2, Zacharie Gatineau, établi garde champêtre par la municipalité et le conseil général de Pussay en vertu de la délibération du 10 floréal dernier, accepte la commission de messier sur toute l’étendue du territoire de Pussay et prête serment devant le juge de paix.
Un an après en messidor an 3, vu les diverses réclamations faites par les propriétaires et les cultivateurs, Angerville nomme à son tour Jean Charles Lagesse et Nicolas Alleaume pour garde champêtre. Ils commenceront ce jour jusqu’à la fin de la récolte des avoines ou jusqu’au 30 septembre, 9 vendémiaire an 4. Il leur sera alloué la valeur de 4 sacs de blé méteil (i.e. un sac de seigle, un sac d’orge, deux sacs de blé boulanger) chacun, payable à la fin de la moisson plus un billet de 50 livres. Un arrêté porte que tout propriétaire de biens de la commune d’Angerville payera 5 sols 6 deniers par arpent de terre pour le paiement des gardes champêtres. Le secrétaire greffier est chargé du recouvrement.
Leur tâche n’est pas facile et deux mois après, les gardes champêtres s’aperçoivent que plusieurs glaneuses se permettent à leur insu d’arracher, couper et emporter des grains. Comme les cultivateurs leur en font reproche, ils invitent la municipalité à faire, si elle le juge nécessaire, des visites domiciliaires chez toutes les glaneuses dans les 24 heures ou plus tôt si faire se peut, afin de découvrir les vols qui peuvent s’être commis jusqu’à présent.
A partir de l’an 5 des gardes champêtres sont régulièrement nommés par les municipalités. Leur traitement est fixé à 400 F numéraire par an à Saclas, Saint-Cyr, Guillerval et Boissy-la-Rivière, 300 F à Marolles et 275 F à La-Forêt-Sainte-Croix. Ils n’ont encore reçu aucun acompte en brumaire. En l’an 7 les gardes champêtres du canton d’Angerville ont tous un traitement de 400 F et cette année-là la date fixée pour le ramassage du chaume est le 1er jour complémentaire de l’an 7 car la récolte a été tardive.
Certains particuliers nomment également des gardes pour veiller à la conservation de leurs propriétés tel le maître de poste Jean Henry Rousseau à Angerville qui le rétribue 60 F.
Maladies et accidents
Au milieu de cette vie surviennent fréquemment les maladies et les accidents, maladie comme celle qui a régné à Méréville, Saclas, Guillerval, Fontaine et autres lieux des environs, vers la fin de l’hiver, durant le printemps et une partie de l’été de l’an 1 et dont 22 citoyens de la commune de Méréville sont morts dans l’espace de 4 semaines. Autant ont succombé à Saclas et Guillerval et beaucoup sont dangereusement malades. Les citoyens Engaz médecin et Filleau chirurgien, nommés par le directoire du district d’Etampes pour en suivre le traitement, ont rencontré des convalescents très exténués, presque tous en proie à des engorgements des glandes, à la fièvre lente ou à la diarrhée. Le défaut de traitement méthodique et le régime échauffant, tel que le vin sucré dont on faisait usage, avaient beaucoup contribué à rendre la maladie aussi meurtrière ou à la faire dégénérer en d’autres maladies.
Les médecins nomment la maladie fièvre scarlatine anginale putride vermineuse et expliquent qu’elle a touché environ les deux tiers de la population. Les enfants au-dessus de 3 ans jusqu’à 12 ans, disent-ils, en étaient principalement atteints et ceux peu favorisés de la fortune y étaient plus sujets. La malpropreté, le froid, l’humidité et les aliments grossiers et de mauvaise qualité sont les causes les plus apparentes de cette maladie. Le tartre stibié, le kermès minéral, l’ipécacuanha, comme vomitifs, la saignée pour les adultes chez qui les symptômes inflammatoires avaient lieu, les boissons tempérantes, diaphorétiques, les lavements émollients simples ou laxatifs, la coralline de Corse, les fomentations émollientes sur le ventre, les gargarismes adoucissants résolutifs ou vulnéraires, les purgatifs minoratifs, le camphre, le quinquina et les vésicatoires ont parfaitement satisfait aux diverses indications qui se sont présentées. Tous les malades que nous avons soignés durant tout le cours de leur maladie, dans les différentes paroisses où nous avons été mandés, ont échappé à la mort et ont fait d’heureuse convalescence à l’exception d’une fille de Saclas, âgée de 3 ans, qui a succombé faute de s’être prêtée aux moyens qui très vraisemblablement lui auraient sauvé la vie.
La même maladie a régné dans notre ville au printemps (Etampes) ; elle y est même assez ordinaire dans cette saison. Beaucoup d’enfants y sont morts pour avoir suivi un régime échauffant. Les exhalaisons corrompues que fournissent les amas de toutes sortes d’immondices dont beaucoup de ruelles de cette ville sont remplies et les carcasses hideuses et fétides jetées au hasard sous ses murs développées par la température chaude et humide de la saison, sont bien capables de porter le germe de cette maladie chez les jeunes individus et chez les adultes, suivant le tempérament et les dispositions de chacun, un principe de fluxions, de rhumatisme et de paralysie qui est plus fréquente dans ce pays que partout ailleurs. Chacun soigne la propreté de son appartement. La ville et ses promeneurs sont-ils autre chose que le grand appartement qui influe sans cesse sur tous ?
La maladie peut parfois conduire à des accidents. A 4 h 1/2 du matin le 12 pluviôse an 6 le citoyen Valentin Savouré, marchand épicier demeurant à Angerville, se précipite dans le puits appelé le puits du bœuf situé au milieu de cette commune. Le juge de paix se transporte sur les lieux et somme Novice, ouvrier en laine présent sur les lieux, de descendre dans le puits pour en retirer Savouré. Le mort est vêtu seulement d’une chemise, d’un gilet et d’un bonnet. Le chirurgien d’Angerville Louis Claude Serveau appelé sur place déclare qu’il était depuis cinq à six jours tombé malade d’une fièvre maligne et que probablement il n’y a que l’effet de la fièvre qui l’ait porté à se précipiter dans le puits, qu’examen fait du cadavre ledit Serveau nous a déclaré que la cause de la mort de Savouré procède des coups qu’il s’est donné à la tête en tombant, qui lui ont ouvert le crâne.
Les puits semblent très dangereux à l’époque. Le 12 thermidor an 8, Marie Madeleine Janson femme de François Victor Lasne menuisier à Angerville, étant allée chercher un seau d’eau au puits de l’auberge du renard, y est tombée. Là encore, le juge de paix et le chirurgien se rendent sur place. Ce dernier constate une plaie moyenne au bras droit de la longueur de 54 millimètres sur autant de profondeur environ, plusieurs contusions en différentes parties du corps et une luxation de la troisième vertèbre du cou qu’il estime être à l’origine de la mort. Voulant aller tirer de l’eau au puits, la pauvre femme se serait coincée la main droite entre la chaîne du puits et l’anse de son seau. Elle aurait alors voulu se dégager avec sa main gauche et déséquilibrée serait tombée dans le puits. Une femme présente au puits aurait voulu la retenir par ses jupons qui lui ont manqué dans la main, ensuite elle l’aurait saisie par les jambes n’ayant pas la force de la retenir elle aurait été obligée de lâcher et serait tombée à la renverse.
La description détaillée de sa tenue vestimentaire présente de l’intérêt : elle portait « une camisole de toile de coton brune à carreaux, un jupon de toile d’orange à fleurs fond brun, un autre jupon de coton rouge rayés, une mauvaise paire de bas de coton blanc, une très mauvaise paire de poche de coton à carreaux bleus et blancs dans laquelle s’est trouvé un couteau à ressort, une petite paire de ciseaux, une petite pelote de fil retord, une petite paire de gants de soie jaune, un mouchoir de coton blanc, un bonnet à plis, une petite paire de boucles d’oreilles d’or et un petit anneau en or « .
Mais les accidents de charrette ne sont pas en reste, de même que les noyades aux abords des moulins. Quant aux maladies, elles n’affectent pas non plus que les hommes, les animaux aussi sont atteints.
Un troupeau de moutons appartenant à Grégoire Poisson, marchand de moutons à Etampes et gardé par des laboureurs de Marolles, étant atteint depuis plusieurs semaines de la maladie du claveau, le propriétaire aurait dû, conformément à la loi du 6 octobre 1791, en faire la déclaration à la municipalité de Marolles, afin de trouver un terrain pour y faire paître exclusivement son troupeau malade, ainsi qu’un chemin pour y accéder et ce, afin d’éviter toute contagion aux autres troupeaux, ce qui n’a pas été fait, selon les dires de Louis Babault laboureur à Marolles qui craint pour ses propres bêtes et demande des garanties à Poisson pour le cas où son troupeau se trouverait atteint.
Grégoire Poisson explique, quant à lui, qu’il ne connaît pas encore la loi existante à ce sujet, qu’il n’a regardé en cela que l’ancien usage et règlement, qu’aussitôt après s’être aperçu de la maladie de son troupeau, il a fait faire une ouverture à l’arrière du jardin de la ferme, pour que son troupeau ne passe plus dans les rues de Marolles et qu’il en a prévenu ledit Babault. Cependant il s’oblige à la garantie de son troupeau pendant un mois, délai suffisant pour savoir s’il sera atteint de la maladie. Il va demander à la commune de Marolles de lui assigner un terrain pour son troupeau malade et un chemin pour y aller. Mais Louis Babault rétorque que la garantie d’un mois n’est pas suffisante en pareille maladie et requiert que Poisson soit responsable de son troupeau pendant trois mois. Grégoire Poisson réplique que chaque partie prenne un expert qui se mettront d’accord sur un temps.
Violence
Nous avons déjà constaté que les gens en viennent vite aux mains pour une dispute ou une contestation quelconque. Le 3 septembre 1791, Jean Baptiste Richard, nommé le Bourguignon, conducteur de moutons demeurant à Bressieux mène un troupeau à Etampes pour le compte de M Poussin, quand Jean Baptiste Petit boucher à Dommerville, lui demande à acheter un mouton noir marqué de rouge sur le dos et le bout de la queue blanche. Ils conviennent du marché de ce mouton pour la somme de dix livres, mais Le Bourguignon observe à Petit qu’il ne veut point de billet parce qu’il ne sait pas lire. Cependant Petit insiste à vouloir lui en donner et croise les pattes du mouton, ce que voyant, Bourguignon lui dit « allons à Angerville faire voir si les billets sont bons « . La dispute s’échauffe entre eux. Petit lâche plusieurs coups de bâton, tant sur la tête que sur le bras gauche du Bourguignon qui en ressent de très vives douleurs, le prend aux cheveux, le terrasse par terre et le tout se termine chez le juge de paix.
Une autre plainte est déposée le 13 messidor an 1 auprès de François Reydy lieutenant de la gendarmerie nationale à Etampes, par François Patureau terrassier demeurant à Jubert, paroisse de Saint-Cyr et Catherine Lambert sa femme. La veille au soir, revenant de Saclas, ils rencontrent Mathurin Langlois, dit Langluchon de Saclas, qu’ils auraient traité de voleur pour les avoir dépouillés de leurs meubles et auquel ils auraient lancé des pierres, selon des témoins. Langluchon ayant un paquet d’herbes et une faux à la main, jette son herbe à terre et frappe les plaignants avec sa faux, lesquels sont atteints de plusieurs coups, tant à la tête que dans plusieurs autres parties de leur corps. Ils se rendent donc à l’hôtel Dieu d’Etampes pour s’y faire guérir et c’est là que le lieutenant de gendarmerie vient prendre leur plainte, accompagné de Filleau chirurgien et de deux notables.
Patureau a une plaie superficielle au sommet de la tête, une contusion avec meurtrissures sur l’épaule gauche et plusieurs contusions à l’avant bras droit. Sa femme a une plaie accompagnée d’une forte contusion avec engorgement formant une tumeur grosse comme un œuf de pigeon pénétrant jusqu’à la calotte crânienne, une autre plaie sur l’omoplate gauche, une à l’avant bras gauche ; plaies pouvant être guéries en 8 à 10 jours pour Patureau, mais en 4 à 6 semaines pour sa femme. Pour sa défense Langluchon reconnaît avoir frappé les plaignants, provoqué par les injures et traitements qu’il recevait, et utilisé sa faux sans réfléchir aux conséquences car c’était le seul outil qu’il avait à sa disposition. Il est condamné à 65 livres de dommages et intérêts envers les plaignants, 100 livres d’amende et 15 jours d’emprisonnement. La peine maximale qu’il encourrait était de 1000 livres d’amende et un an d’emprisonnement.
Le 6 prairial an 8, Thérèse Gry veuve de défunt François Duguet demeurant à Pussay attaque Joubert fermier et laboureur de Pussay, car sa femme l’a frappée à grands coups de bâton sur toutes les parties du corps sous le prétexte qu’elle enlevait, par ordre du citoyen Gandrille fermier sortant de la ferme présentement occupée par ledit Joubert et sa femme, des bourrées que ledit Gandrille avait fait mettre et placer aux différentes brèches des murs du jardin dépendant de ladite ferme qu’il occupait. Joubert et sa femme sont condamnés à 30 francs de dommages et intérêts envers la veuve Duguet Il y a beaucoup de jugements de ce type pour injures et mauvais traitements.
Vols, brigandage, circulation sur les routes
Les routes sont peu sûres et les bandits de grand chemin ont vite fait de détrousser ceux qui reviennent de la foire de Méréville ou de piller les églises, comme à Guillerval dans la nuit du 18 au 19 avril 1791 ou les sacristies, comme à Marolles en mai 1792, pour y prendre calices, ciboires, croix d’argent, encensoirs et autres objets précieux.
La grande route qui relie Paris à Orléans n’est pas à l’abri des voleurs. Le 27 mars 1792, deux chevaliers de Saint-Louis demeurant à Romorantin font route ensemble. Ils ont pris à Etampes deux autres personnes dans une voiture attelée de deux chevaux, derrière laquelle il y a une malle couverte en cuir noir, fermant à clé et attachée avec des cordages. Arrivé à Bassonville près d’Angerville, l’un des chevaliers s’aperçoit que sa malle n’est plus là. Ils reviennent donc à l’auberge du Roi David à Angerville, font battre la caisse sur le champ et requièrent les gendarmes pour arrêter les voleurs. La malle contenait des papiers, des assignats or et argent et des effets pour environ 2000 livres. Le lendemain, un charretier retrouve la malle dans un champ et la rapporte au chevalier à l’auberge. Les papiers et les titres étaient épars dans les champs, mais les assignats et la monnaie avaient disparu.
D’ailleurs, en avril 1792, le procureur syndic requiert le commandant de l’escadron du 6e régiment de déférer aux réquisitions des maires et officiers municipaux et des juges de paix et de prêter tous les secours requis pour mettre tout ordre légal à exécution et maintenir l’exécution des lois sur les brigandages, délits et attroupements.
Le problème ne se résoudra pas si vite car en nivôse an 6 l’administration centrale du département, « pénétrée des malheurs qui arrivent journellement sur différents points de son arrondissement, suites funestes des attroupements de voleurs et de brigands qui se multiplient d’une manière effrayante, croit devoir user de tous les moyens qui sont en son pouvoir « .
En même temps qu’il veut réprimer le brigandage en avril 1792, le procureur syndic veut également réglementer la circulation sur les routes et demande au commandant de l’escadron du 6e régiment de s’entendre avec le commandant de la gendarmerie nationale pour « envoyer journellement sur les grandes routes autant de cavaliers que les circonstances le nécessiteront et enjoindre aux voituriers d’être exactement à leurs voitures de ne leur faire tenir que la moitié du pavé pour que celles qui les croisent puissent passer sans danger ni accident « .
Ces recommandations sont loin d’être inutiles car les accidents sont nombreux, hommes et chevaux y perdant parfois la vie. En thermidor an 4, Jean Charles Lambert, dit Cadet, aubergiste à l’enseigne du cheval noir au port de Marly, part avec sa voiture pour aller décharger des marchandises à Orléans et en recharger d’autres. Arrivé près de la ferme de Guestreville, une voiture publique passant trop près de la sienne heurte l’essieu de sa voiture et par la secousse le fait tomber de la voiture, la roue lui passant sur le corps. Le voiturier, « vêtu d’une mauvaise veste bleue et un gilet de drap rouge une culotte de velours rayé une paire de guêtres, des souliers, d’un chapeau rond et d’une paire de boucle d’argent fermant le jabot de sa chemise une montre à boîte d’or « , est conduit chez le citoyen Laigneau aubergiste à Angerville, où le citoyen Louis Claude Serveau officier de santé est appelé en urgence. Ce dernier le trouvant dans un état grave, la citoyenne Aimée Langlois est appelée pour le garder et soigner à la charge de son salaire et le citoyen Gourier, avec les 17 livres 9 sols trouvés sur le voiturier, est chargé de conduire les marchandises à leur destination à la charge par lui de rendre compte du prix de la voiture.
En germinal an 8, Joseph Pommier cultivateur demeurant à Saint Germain en Charente, passe à Angerville avec 16 bœufs qu’il conduit à Paris. A la sortie d’Angerville, sur la route entre la maison des citoyens Maillard et Fouet, un voiturier conduisant une voiture attelée de trois chevaux ne veut pas arrêter sa voiture, quoique Pommier l’en eusse prié à différentes fois et la roue passe sur le pied d’un des bœufs qu’il conduit, lui fracassant le pied et le mettant hors d’état de pouvoir marcher.
En plus, la route est mal entretenue. Les pertes de marchandises, vins, riz, café, en provenance d’Orléans ou de Bordeaux, pour cause d’essieu cassé sont nombreuses, les barils et tonneaux ne résistant pas aux chaos de la route.
Les citoyens Brice et Dubacq, conducteurs des travaux publics du district d’Etampes, dressent de nombreux rapports sur l’entretien de la route Paris Orléans : elle est jonchée de terres, de bois déposés et les fossés sont labourés par les cultivateurs. De nouvelles injonctions sont faites aux communes, dont Angerville et Monnerville, de surveiller et faire respecter la loi.
Ils se plaignent aussi de l’enlèvement continuel des pavés placés sur les routes pour leur entretien. L’administration demande donc au commandant temporaire de la force armée d’ajouter à la consigne des patrouilles et sentinelles placées aux entrées et sorties de la ville, celle d’arrêter tout voiturier ou porteur de pavés qui ne justifieraient pas par une lettre de voiture, avoir une destination fixe et de traduire les contrevenants devant les juges de paix de chaque arrondissement. Le citoyen Dubacq constate d’ailleurs que dans la cour du citoyen Hallopé aubergiste demeurant en la commune de Monnerville, côté de Paris, il y a une quantité considérable de pavé de rebut qui sont utiles pour l’entretien de la route. Le directoire arrête que le citoyen Hallopé sera tenu de replacer sur la route et aux endroits qui lui seront indiqués par l’ingénieur, les pavés dont il s’agit et qu’il sera passible de l’amende de 100 livres prononcée contre ceux qui enlèvent des matériaux provenant des routes, outre la confiscation.
Le citoyen Aubert, instituteur à Guillerval, est poursuivi quant à lui, pour avoir enlevé sur la 3ème partie de la route de Paris à Orléans, avant Mondésir et près de la 30ème borne, environ 200 pavés de rebut.
Ces enlèvements de pavés sont fréquents et certains en font même commerce. Le citoyen Brice, toujours lui, déclare le 9 floréal an 3, que différents voituriers ont ramassé des pavés sur la grande route de Paris à Orléans et les ont : ou vendus à des citoyens domiciliés à Angerville, ou déposés à leur porte et dans leur cour. Aussitôt le directoire arrête que le juge de paix du canton d’Angerville se transportera, en présence de deux notables de la municipalité, dans tous les lieux et cours des maisons des particuliers d’Angerville, constatera les endroits où il y trouvera des pavés de routes déposés, en déterminera le nombre, requerra le dépositaire au nom de la loi, de déclarer le nom de l’individu qui les a déchargés et livrés, sa demeure et le prix que lesdits pavés lui auront été payés et pour empêcher la dilapidation desdits pavés le juge de paix déclarera à ceux qui en seront nanti qu’il s’oppose au nom de la loi qu’ils en fassent aucun emploi jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné.
L’entretien de cette route pose tant de problèmes qu’une taxe finit par être instaurée pour y contribuer. Pour ce, des barrières sont établies sur la route. Il y en a par exemple à toutes les entrées d’Angerville, tant sur la route de Paris à Orléans que sur celle qui va à Dourdan. Mais tous les voituriers ne sont pas d’accord pour payer la taxe. Le 26 brumaire an 8, le citoyen François Pailleau, aubergiste à Angerville et fermier des droits de passe des barrières de Toury en Eure-et-Loir, voit passer trois chariots et deux voitures sous la conduite de voituriers qui lui refusent le droit de passe, en disant que l’on ne payait plus. Il vient donc les devancer à Angerville où il aura main forte pour les faire payer. Il requiert le juge de paix et l’emmène à la barrière dite du centre, où les cinq chariots et voitures encombrent le passage de la barrière, les voituriers étant à l’auberge de la fontaine. Comme ils ne veulent toujours pas payer les droits et vu l’embarras et le nombre des voitures qui se trouvent en avant et à l’entrée des barrières d’Angerville, le juge de paix enregistre leurs noms et qualités, dresse procès-verbal et donne acte du tout au citoyen Pailleau.
Cinq autres voituriers d’Etampes sont poursuivis pour le même délit. Pour sa défense l’un d’eux affirme qu’il n’a point payé le droit de passe à la barrière du nord à Angerville, car 30 à 40 voituriers lui avaient dit à l’entrée d’Angerville que le droit de passe était supprimé, qu’il ne fallait donc rien payer et que s’il s’avisait de payer, ils lui mettraient le col sous la roue. Il offre de payer les droits qui lui sont demandés et en outre les frais, quant à l’amende il demande à en être déchargé. Les autres accusés n’étant pas présents sont condamnés à payer chacun la somme de 1F 80c pour la restitution du droit de la taxe et 50 F d’amende.
La taxe étant proportionnelle au nombre de chevaux attelés à la voiture, des petits malins essayent de frauder. Ainsi Jacques Fouet maréchal à Angerville est condamné au nom et comme civilement responsable du fait de Girard son beau fils. Le 8 frimaire Verdy, voiturier à Orléans, conduit une voiture attelée de 3 chevaux et, pour se soustraire à la taxe du droit d’entretien des routes, détache un cheval de sa voiture et le remet au beau fils dudit Fouet qui lui fait quitter la route pour prendre un chemin de traverse et revenir ensuite rejoindre la voiture de Verdy sur la grande route, ce qui est constaté par le procès verbal des employés à la perception.
Il y a une activité intense tout le long de cette route et à Angerville même qui fourmille d’auberges. Cela provoque un jugement comique entre deux cafetiers situés face à face le long de cette route Paris Orléans. Le 1er messidor an 6, le juge de paix voit arriver Ambroise Truelle et Pierre Barrat, cafetiers à Angerville, qui le prient de recevoir leur arrangement afin d’ » éviter les bisbilles continuelles qui ont lieu entre eux parce qu’ils vont offrir des rafraîchissements aux voyageurs qui se trouvent dans les voitures publiques et en poste « : ils conviennent qu’à compter de ce jour et jusqu’au 10 messidor prochain, Barrat offrira les rafraîchissements à tous les voyageurs qui viendront de Paris et Truelle fera de même pour ceux qui viennent d’Orléans et qu’ils changeront alternativement de côté, de décade en décade. Dans le cas où l’un des comparants viendrait à enfreindre les conditions du présent accord il sera tenu de payer à l’autre une somme de 50 F. Il a de plus été arrêté qu’ils ne gêneraient pas les voyageurs qui viendraient à descendre des voitures publiques et en poste venant soit de Paris soit d’Orléans pour les engager à entrer dans leur café, mais les laisseraient libres d’aller dans l’un ou l’autre des cafés.
Mendicité et indigents vagabonds
Sur ces routes, il y a aussi beaucoup de mendiants. Nous avons déjà relaté l’altercation entre un mendiant et Pierre Paul Dujoncquoy dans l’histoire de cette fabrique. Cette situation n’est pas unique.
Marie Achille Gagnier est arrêté le 25 germinal an 4 à Méréville. Il a 16 ans ou environ et n’a pas d’état (de métier). Il est né à Versailles et en est parti à l’âge de 7 ans, ayant perdu ses parents, avec une femme, mendiant ensemble leur pain pendant environ deux ans. Elle l’a quitté pour s’en aller dans la Brie et lui a parcouru la Beauce mendiant son pain de village en village et toujours seul. Il n’a aucun papier ni passeport, il n’en a jamais eu et jusqu’à présent jamais personne ne lui a rien dit. Il faisait la moisson chez des fermiers, puis la vendange du côté d’Orléans et de Blois, pour gagner de l’argent pour se vêtir, mais pour le moment il ne fait rien. Ce n’est qu’hier qu’il a rencontré Thérèse Croisée avec laquelle il était quand on l’a arrêté.
Thérèse Croisée, quant à elle, a 22 ans ou environ et est fileuse de laine. Elle est née à Orléans et a quitté son pays natal à l’âge de 7 ans pour aller chez son oncle en Berry (Bourges) qui l’a reçu chez lui par charité pendant environ 10 ans comme domestique. Ensuite elle est allé en service chez un chanoine de Saint Euverte à Orléans où elle est resté un an. De là elle est allée chez le citoyen Grandmaison à Bois-Herpin filer la laine pendant neuf mois puis chez le citoyen Martine à Saclas pendant deux mois à s’occuper des foins. Ensuite elle a été faire la moisson à Palaiseau et garder les vaches. Elle en est partie car c’était de petites gens qui n’avaient pas les moyens de garder une domestique. Depuis environ deux mois elle n’a pas trouvé de travail et a perdu son passeport ; elle demande du pain, toujours seule.
Parfois cela se termine de façon tragique, ou … peut-être heureusement. Le 5 février 1793 vers 5 heures du soir, Jacques Gache, garçon meunier du moulin d’Angerville, voit arriver à son moulin une fille mendiante de 19 à 20 ans, mal vêtue de haillons, qui lui demande le gîte parce que, lui dit elle, elle est très malade de la fièvre. Il n’a aucune place pour la loger, si ce n’est dans une cave où il met le son et afin qu’elle ait plus chaud, il lui fait un lit dans le son avec des toiles du moulin. Elle lui demande à boire, il lui en donne, ferme la porte de sa cave et la laisse là. Le lendemain quand il ouvre la porte, il s’aperçoit qu’elle est morte. Elle n’avait que 2 sols et 4 liards dans ses haillons et aucun papier si bien qu’il fut impossible de savoir le nom de ses père et mère, le sien ni son domicile. Elle fut inhumée au cimetière d’Angerville.
Le 26 brumaire an 5, le juge de paix se rend avec le médecin d’Etampes, dans un bois de Bois-Herpin où il a été trouvé un cadavre, par deux femmes qui ramassaient des bûchettes. La tête était séparée du corps en pourriture et mangé en partie par les oiseaux de proie. Il portait encore un gilet de drap marron et une veste d’étoffe couleur vert brun foncé et raccommodée de pièces blanches. D’après le médecin il s’agit d’un enfant d’environ 12 ans et la mort remonterait à trois ou quatre mois. Son état est tel qu’il ne peut dire de quoi il est mort. Cantien Godefroy manouvrier à Bois-Herpin, se rappelle avoir vu un jeune homme, vers la Saint-Jean dernière, vêtu de même, qui a joué avec les enfants de Bois-Herpin, se disant le fils d’un compagnon charron d’Orléans et qui mendiait son pain.
En ventôse an 4, après avoir reçu l’aumône chez le citoyen Paris, cultivateur à Menil Girault à Boissy, un mendiant part vers Bois-Herpin pour coucher et, prenant ce chemin, butte sur un cadavre qu’il trouve étendu et déjà à moitié recouvert de neige. Il revient à la ferme et demande du coup à coucher là. L’homme était jardinier à Paris et allait voir sa famille à Orveaux. Il n’était pas mendiant habituellement, mais sa situation actuelle l’y avait contraint. Quant au cadavre c’était celui du citoyen François Penot, charretier de labour chez le citoyen Rechault cultivateur et aubergiste à Etampes et domicilié à Marolles, où il avait sa femme et quatre enfants en bas âge. Il était mort de froid sur le chemin d’Etampes à Marolles.
En l’an 4 toujours, deux quidams sont amenés, par ordre de l’agent municipal de Méréville, sous la conduite de quatre gardes nationaux de Méréville, en lieu de sûreté à Angerville et mis en arrestation pour cause de mendicité et défaut de passeport. Le premier Jean Baptiste Hypolite, environ 40 ans, natif de Paris, est manouvrier. Il y a environ vingt ans, il a été conduit aux galères de Toulon pour vol. Il en est sorti il y a six mois et n’ayant rien pour vivre « j’ai été obligé de mendier « . Il n’a pas d’autre papier qu’un congé de forçat délivré à Toulon le 16 brumaire. Il a cru que le congé devait lui tenir lieu de passeport.
Le deuxième Pierre Fiot 35 ans, natif de Blâru district de Mantes en Seine-et-Oise, est vigneron. Il a quitté son pays natal depuis au moins 25 ans. Il a travaillé aux vignes pendant environ cinq à six ans chez le citoyen Delain aubergiste à Epinay et chez d’autres citoyens. Il a toujours travaillé aux vignes, excepté depuis dix jours qu’il a quitté Epinay, car il n’y avait plus d’ouvrage et pour en chercher ailleurs. Depuis il mendie dans les environs de la Beauce en cherchant de l’ouvrage dans les fermes où il a couché toutes les nuits. Il était dans le dessein de retourner à Epinay chez ledit Delain. Il n’a ni papier ni passeport. Il s’en serait bien procuré mais il ne croyait pas s’écarter si loin. Les deux sont prévenus d’être en contravention avec la loi du 10 vendémiaire dernier relatif aux passeports. Le juge de paix renvoie l’affaire auprès du tribunal de police correctionnel où ils sont entendus le 18 floréal. Le juge condamne Hypolite à un an d’emprisonnement à Dourdan et Fiot à deux mois en la maison d’arrêt d’Etampes.
Des arrestations de ce type, il y en avait toujours eu, mais la loi du 10 vendémiaire an 4 a renforcé la surveillance, demandant aux administrations municipales, et par là au citoyen commandant la gendarmerie nationale en résidence à Angerville, et aux commandants des gardes nationales du canton, d’arrêter tout individu qui voyagerait sans être muni d’un passeport (délivré par la municipalité). Ils étaient de plus invités à veiller journellement aux deux extrémités de la commune d’Angerville, aux voyageurs qui y passeraient, à leur demander leur passeport, notamment les jours de marché.
S’il y a autant de mendiants sur les routes, c’est certes par manque d’ouvrage, par manque de subsistance, tout particulièrement en 1792, comme nous allons le voir plus loin, et en raison d’une certaine désorganisation ; mais surtout car le mode d’assistance a complètement changé. La Révolution est passée par là et les lois qu’elle a mise en place ont du mal à exister.
Sources : Archives Départementales de l’Essonne – Série L
L 727 à 729 Justices de paix du canton d’Angerville
L 858 à 866 Justices de paix du canton de Saclas
L 93 et 98 Délibérations d’Etampes
L 106 Affaires diverses
L 129 Registre des délibérations du canton d’Angerville
L 709 Tribunal correctionnel d’Etampes
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