Le 4 mars 1789, les habitants de la paroisse Saint Vincent de Pussay rédigent leur cahier de doléances « en l’assemblée tenue en exécution de la lettre de Sa Majesté du vingt quatre janvier dernier et du réglemens y annexé en présence de Maître Pineau de Villeneuve prévost dudit lieu « . Leur première requête concerne les impôts qui doivent être payés par tous, sans distinction de classes.
L’impôt sur le sel, indispensable pour nourrir hommes et bêtes, doit être supprimé.
Les habitants demandent que les colombiers soient fermés pendant le temps des semailles et de la récolte pour éviter que les pigeons ne leur mangent toute la semence ou le grain récolté ou tout au moins qu’il n’y en ait qu’un seul dans chaque paroisse. Ils réclament également le droit de chasse, comme le seigneur, afin de pouvoir tuer les animaux qui viennent se nourrir de la récolte.
Ils veulent convertir les droits de champarts et de dîmes en une prestation annuelle d’argent ou de grain sec, pour que les pailles et fourrages servent à fumer les terres.
Les droits de banalité doivent être abolis, de même que les droits de corvée, et pour finir ils souhaitent une administration plus directe et mieux réglée.
C’est un cahier très simple et très court, il ne comporte que six articles. D’autres cahiers dans les cantons d’Angerville et de Saclas seront plus complets et plus revendicatifs (Cf annexe plus détaillée). Il porte la marque des laboureurs fermiers et des cultivateurs qui ont de l’importance à Pussay. Il n’oublie pas de parler de la disette des grains, de la subsistance, grandes peurs de l’époque, et de la faiblesse des récoltes qui pourraient être améliorées si les pailles et fourrages pouvaient amender les sols.
Il est à remarquer que les signataires de ce cahier, au nombre de 16, ne sont pas que cultivateurs. Le premier d’entre eux, Delanoue, probablement Jean-Pierre, est cultivateur, mais aussi marchand de bas et nous allons avoir l’occasion d’en reparler. Le second signataire est bien connu lui aussi, puisqu’il s’agit de Pierre Paul Dujoncquoy, fabricant de bas, dont nous avons déjà relaté l’altercation avec un mendiant, dans l’histoire de cette fabrique, en novembre 1791. Le manque de subsistance, conjugué à l’accroissement de la population, jetait alors sur les routes beaucoup de pauvres gens.
Louis Chaudé, Jacques Davoust, Pierre Buret sont marchands de bas, Cochin, probablement Antoine, et Jacques Buret sont fabricants et marchands de bas. Et donc, tout naturellement, nous trouvons parmi les signataires des apprêteurs de bas ou ouvriers en laine, comme François Blin, Jacques Colas, Vincent Chaudé ou Charles François Séjourné. Restent trois véritables cultivateurs : Louis Gry, François Thomas et François Delaporte, receveur en partie de la seigneurie, et deux maçons couvreurs : Denis Drot et Charles Lemoine.
LA SEIGNEURIE DE PUSSAY
Au moment des Etats généraux, la seigneurie de Pussay est partagée entre Jacques François d’Archambault pour un tiers et le marquis de Lathanne pour les deux autres tiers.
Le catalogue des gentilshommes de l’Isle de France, Soissonnais, Valois, Vermandois : qui ont pris part ou envoyé leur procuration aux assemblées de la noblesse pour l’élection des députés aux Etats généraux de 1789 publié d’après les procès-verbaux officiels, par MM Louis de la Roque et Edouard de Barthélémy, atteste d’ailleurs la présence à l’assemblée générale du 9 mars 1789, bailliage d’Etampes, de « De Languedoue d’Archambault, grand bailli d’épée de Châtillon sur Indre, chevalier de Saint-Louis, mestre de camp de cavalerie, seigneur en partie de la paroisse de Pussay ». Quant au « marquis de Latanne, seigneur en partie de la paroisse de Pussay », il est donné absent.
Jacques Thorin de la Thanne, selon les orthographes, est maréchal des camps et armée du roi, capitaine au régiment des gardes suisses de sa majesté. Il vend ses biens le 8 février 1791 aux sieur et dame Lenoir-de Balay moyennant 120 000 livres, dont 20 000 ont été payées par le contrat. Quant aux 100 000 restantes, réduites à 40 000 d’après l’échelle de dépréciation du papier monnaie, elles ont été payées le 1er brumaire an 12 avec des deniers appartenant à Mesdames Siraudin et Dorigny.
François Etienne Lenoir-Debalay et Marie-Jeanne Delamoninary s’étaient mariés le 20 décembre 1740 à Paris et avaient eu deux filles Marie-Sophie, mariée à Nicolas Casimir Julien Dorigny, caissier de la monnaie de Paris, et Amélie Henriette, mariée à Jean Claude Eugène Siraudin, lieutenant de la gendarmerie royale. A la mort de son mari, Marie-Jeanne a vendu le 18 frimaire an 12 la nue propriété de ses biens, sous réserve de l’usufruit pendant sa vie, à ses filles, pour se libérer envers elles de la somme de 92 839 francs qu’elle leur devait sur la succession de son mari. A sa mort en 1808, elles en sont devenues entièrement propriétaires.
Quant à l’autre moitié du château, propriété des d’Archambault, elle va connaître le sort des biens d’émigrés pour ses 2/5èmes. Dès qu’éclate la Révolution, de nombreux Français, surtout aristocrates et royalistes, quittent le pays pour l’étranger. Après 1792, les émigrés fuient devant les événements. Au départ, il est assez facile de partir. Mais très vite, les autorités réagissent, car les émigrés nobles organisent la rébellion certes, mais surtout parce que leur fuite entraîne avec elle, la fuite des capitaux. Jacques Thorin de la Thanne vend sa moitié du château dès février 1791 et nous ne savons plus rien de lui à partir de là. Il figure dans une liste des généraux de la Révolution et du Premier Empire en tant que général de brigade.
Le 31 octobre 1791, l’Assemblée législative ordonne donc aux émigrés de rentrer avant le 1er janvier 1792 sous peine d’être déclarés rebelles et déchus de leurs droits. C’est alors en février 1792, qu’un décret rétablit l’utilisation du passeport et que le 30 mars, les biens des émigrés ayant quitté la France depuis le 1er juillet 1789, sont confisqués.
Les démêlés de Jacques François d’Archambault avec l’administration révolutionnaire
En 1789, les descendants de Jacques François d’Archambault, premier du nom, et Anne Catherine de Vauviers ne sont plus nombreux. Le couple a bien eu dix enfants : Jacques François l’aîné, Jacques Adrien, René Charles, Charles Claude, Jacques Joseph, Marie Catherine, Henriette Françoise, Michelle Gabrielle Raphaëlle, Charlotte Marie Catherine et Bonne Elisabeth, mais :
Jacques Adrien est décédé célibataire au fort Dauphin sur l’île de Saint Domingue le 11 février 1763,
Marie Catherine, femme du citoyen Glapion de Verauvilliers, est décédée ensuite sans laisser de postérité ni droit,
Charlotte Marie Catherine est décédée à Chartres en 1765, célibataire,
Henriette Françoise, veuve du citoyen Corneille Lejeune de Chambly, est décédée à Paris le 28 août 1777, sans postérité,
Jacques Joseph est décédé à Chartres le 23 mai 1779, célibataire,
Michelle Gabrielle Raphaëlle, veuve de Claude Nicolas Dazy, est décédée à Mortagne-la-Vieille près de La Rochelle le 8 septembre 1780 sans postérité,
René Charles est décédé au commencement de l’année 1786 laissant pour seuls héritiers ses trois enfants : Charles François, Marguerite Suzanne femme divorcée de Louis Charles Glapion et Marie Charlotte épouse de Jean Baptiste Paul Lelimonier de la marche,
Charles Claude, prêtre, est décédé à Plombières le 28 juillet 1786.
Il ne reste donc plus que cinq héritiers : Jacques François, deuxième du nom, sa sœur Bonne Elisabeth et les trois enfants de leur frère René Charles. Deux de ces enfants, Charles François et Marie Charlotte sont réputés émigrés. Jacques François, lui, réside à Chartres depuis plus de 15 ans avec ses trois filles célibataires : Gastonne Marie Julienne, Marguerite Antoinette Claude Amable et Marie Marguerite Florence. Sa femme y est décédée en 1785. Il oublie, ignore ou néglige, volontairement ou non, on ne sait, de se conformer aux dispositions des lois sur la résidence, ce qui entraîne son inscription sur la liste des émigrés arrêtée le 29 octobre 1792. A partir de là, il va suivre un parcours effroyable pour, d’une part se faire rayer de cette liste, d’autre part rentrer dans ses biens qu’il ne récupérera qu’en partie douze ans plus tard le 8 pluviôse an 13.
Radiation de la liste des émigrés
Son problème est compliqué par le fait qu’il réside à Chartres, mais que ses biens situés à Pussay, dépendent du district d’Etampes, dans un département différent. En premier lieu, il doit fournir à l’administration des certificats de résidence. Le premier date du 7 décembre 1792 et atteste qu’il habite Chartres et qu’il y a habité pendant les six mois précédents sans interruption.
En exécution de la loi du 28 mars 1793 contre les émigrés, il se fait délivrer un nouveau certificat en juin 1793, par lequel neuf témoins assurent qu’il réside à Chartres depuis le 23 juillet 1789. Nous savons ainsi qu’il est âgé de 68 ans, mesure cinq pieds quatre pouces (1,74 m ?), qu’il possède des cheveux châtains, des yeux bleus, un nez aquilin, une bouche petite, un menton rond, un front découvert et un visage ovale.
Dès l’an 2, le séquestre est établi sur ses biens ; à noter qu’il vit de ses revenus. Pour obtenir sa radiation de la liste des émigrés et la main levée du séquestre, un troisième certificat est établi en floréal an 2 qui indique qu’il réside à Chartres depuis le 9 août 1791. Hélas ! Il n’est pas conforme au précédent qui mentionnait la date du 23 juillet 1789 et l’administration demande des renseignements. L’agent national de Chartres répond le 28 prairial an 2, au citoyen président du département de Seine-et-Oise « il est de toute notoriété que le citoyen d’Archambault réside à Chartres sans interruption depuis plus de 15 ans « .
Il doit encore prouver en nivôse an 3 qu’il réside en France depuis le 1er mai 1792 jusqu’à présent sans interruption. Le certificat précise alors qu’il n’a point émigré, qu’il a payé ses impositions mobiliaires de 1792 et des années antérieures et le don patriotique en totalité. Il est possible que d’autres certificats aient été nécessaires jusqu’à la date du 3 floréal an 7, où enfin, il est rayé de la liste des émigrés, par arrêté du directoire exécutif qui prononce également la levée du séquestre à charge pour lui de justifier aux différentes administrations de la situation de ses biens.
Ministère des finances – Radiation sur les listes des émigrés – Département de Seine-et-Oise
Extrait d’un arrêté du directoire exécutif du 3 floréal an 7 de la République française une et indivisible.
Le directoire exécutif arrête
Article 1er Le nom de Jacques François Darchambault est rayé définitivement de toutes listes d’émigrés où il auroit pu être inscrit
Article 2 Le séquestre apposé sur ses biens sera levé s’il n’est père d’émigrés il rentrera en possession de ses biens et les revenus lui en seront restitués
Article 3 Dans le cas où tout ou partie en auroit été vendu en exécution des loix, le montant lui en sera remis à la charge par lui de payer tant les frais du séquestre que ceux de la vente
Article 4 Il justifiera aux différentes administrations dans le ressort desquelles il peut avoir des biens situés de la continuité de sa résidence depuis le dernier certificat par lui produit
Article 5 Le présent arrêté ne sera point imprimé les ministres de la police générale et des finances sont chargés de son exécution chacun en ce qui le concerne
Pour expédition conforme, pour le président du directoire exécutif, signé L M Revelliere Lepeaux …
L’administration considérait dans l’article 3 que son inscription sur la liste des émigrés et le séquestre des biens n’avaient eu lieu que par sa négligence à se conformer aux dispositions des lois sur la résidence et qu’en conséquence il y avait lieu de faire droit à sa réclamation s’il payait les frais occasionnés par le séquestre établi sur ses biens.
Il ne tarde pas à se conformer à l’article 2 et le 1er prairial an 7, il est certifié qu’il n’est point père d’émigré n’ayant pour seuls enfants que Gastonne Marie Julienne, Marguerite Antoinette Claude Amable et Marie Marguerite Florence, toutes trois filles majeures, demeurant à Chartres avec lui, où ils ont habité dès avant le décès de leur mère Marguerite Julienne Tremeault arrivé à Chartres le 8 mars 1785
Les certificats des filles sont faits le 5 thermidor an 7. Marie Marguerite Florence est célibataire, 38 ans, 1,598 m, yeux roux, cheveux châtains. Marguerite Antoinette Claude Amable est célibataire, 45 ans, 1,571 m, blonde, yeux bleus. Julienne Gastonne est célibataire, 49 ans, 1,625 m, châtain, yeux bleus. Elles ont toujours vécu chez leur père.
Vente de ses biens et levée du séquestre
Dès le 21 thermidor an 2, Jacques François d’Archambault adresse un mémoire aux administrateurs du district d’Etampes, dans lequel il estime les fermages qui lui sont dus à 1956 livres pour la totalité, soit 652 livres par terme, à Noël, Pâques et Saint-Jean-Baptiste. Bonne Elisabeth fait de même le 9 vendémiaire an 3. La ferme et les terres avaient été louées verbalement à François Delaporte moyennant 2500 livres par an pour la ferme et 600 livres par an pour le lot de la petite Barre.
Ils réitèrent le 10 ventôse an 3 vers l’administration du département d’Eure-et-Loir cette fois, expliquant qu’ils sont propriétaires indivis avec l’Etat de biens situés à Pussay, mais également dans le canton de Rambouillet, qu’ils veulent qu’une estimation de ces biens soient faites et que la part leur revenant dans les fermages leur soit accordée : « Vous avez pris le 21 pluviôse un arrêté qui ne prononce que sur l’estimation des biens situés à Pussay et aux environs mais vous avez omis de statuer sur l’estimation de ceux également indivis avec le gouvernement et situés dans le canton de Rambouillet et sur la jouissance provisoire de la portion revenante aux héritiers d’Archambault dans le produit de ces biens « .
Pas loin d’un an plus tard, le 15 brumaire an 4, le directoire du district d’Etampes leur demande de justifier « par titres probants et authentiques de leur qualité et d’établir d’une manière certaine et invariable leurs portions dans les biens ci-dessus et dans les revenus qu’ils produisent « . Ils ne peuvent toujours pas percevoir, même provisoirement de revenus.
Ils font donc établir, le 7 germinal an 4, par les notaires publics de Chartres, un acte de notoriété prouvant leur qualité d’héritiers, la part qu’il revient à chacun d’eux de par les renoncements ou non de leurs frères et sœurs décédés à la succession de leur père et attestant de leurs biens. Nous savons donc déjà par cet acte qu’ils ne sont plus que 5 héritiers : Jacques François, sa sœur Bonne Elisabeth et les trois enfants de leur frère René Charles. Nous allons maintenant mieux connaître leurs biens.
« 1° dans un principal manoir faisant partie du ci devant château de Pussay avec avant cour, cour, basse cour, corps de ferme en icelle, jardin et pièces de bois, le tout en un terrain clos en murs et fossés scis à Pussay commune dudit lieu près Angerville district d’Etampes
2° dans les terres labourables dépendantes du susdit corps de ferme montantes suivant un partage du 6 may 1703 à 164 septiers et suivant un bail fait à François Delaporte le 9 novembre 1750 à 12 muids ou 144 septiers et enfin suivant une déclaration donnée par le fermier en 1760 à 10 muids 15 mines revenant à 127 septiers 2 minots
3° dans un lot de terres labourables qui dépendoit d’une ferme appelée la Petite Barre située audit Pussay et dont les batiments ont été détruits depuis très longtemps, ledit lot contenant d’après un contrat de vente de ladite ferme du 31 décembre 1678 la quantité de 84 septiers ou environ et suivant une déclaration donnée et certiffiée par François Delaporte fermier le 8 juillet 1787, 101 arpents 70 perches, revenant à 127 septiers un boisseau « .
Les différences énoncées dans les quantités de terres s’expliquent selon l’acte par le fait que François Delaporte étant fermier des deux lots de terres a pu les confondre, l’essentiel étant que le total soit bon. Toutes ces terres étant en fief doivent se partager de la même manière et selon la coutume d’Etampes par laquelle elles sont régies, à savoir que l’essentiel des biens revient au fils aîné. Il appartient donc à Jacques François d’Archambault :
« 1° comme fils aîné et principal héritier dudit feu Jacques François Languedoue d’Archambault pour son preciput aux termes de l’article 9 de la coutume du ci devant bailliage d’Etampes par laquelle lesdits biens étaient régis
Lhotel et manoir avec les cour, avant cour, basse cour, corps de ferme en icelle et autres objets compris dans les clôtures des fossés et murailles énoncés au numéro premier du détail ci dessus
2° en la même qualité de fils aîné pour sa portion avantageuse suivant l’article 9 de la même coutume d’Etampes, la moitié de toutes les terres dépendantes tant de la ferme de la basse cour du susdit principal manoir que du lot de la petite barre
3° comme héritier pour moitié à cause de son sexe quant aux fiefs délaissés par … » suit l’énumération des legs faits par ses frères et sœurs décédés.
Il revient à Bonne Elisabeth dans les terres de la basse cour de Pussay et du lot de la petite barre :
« 1° de son chef un sixième dans la moitié des susdites terres
2° comme légataire de la citoyenne d’Archambault de Touville sa sœur un quint dans le sixième de sa moitié de ces mêmes terres
Noter que ladite Bonne Elisabeth ne prend rien dans les portions échues à Jacques Joseph, Michelle Gabrielle Raphaëlle et à Charles Claude ses frères et sœur comme étant exclue des fiefs par ses frères à cause de son sexe aux termes de l’article 25 de la coutume d’Etampes « .
Suivent les biens qui reviennent aux trois enfants de René Charles.
Même si Jacques François d’Archambault n’est pas encore rayé de la liste des émigrés, toutes ces démarches n’auront pas été inutiles, puisque le 25 fructidor an 4, conformément à la loi du 28 ventôse an 4, la République ne vend que 2/5èmes de ses biens, représentant les deux enfants de René Charles émigrés. Elle n’aurait dû en vendre que 2/9èmes puisque René Charles avait droit à un tiers des biens et donc chacun de ses enfants à 1/9ème , mais il sera trop tard quand elle reconnaîtra son erreur.
Acte de vente passé au profit de la citoyenne Jeanne Françoise Gautron, veuve Denizot [Deniseau], demeurant à Boisseau, … les deux cinquièmes dans une ferme, bois et deux cent dix arpents de terres labourables situées à Pussay canton d’Angerville, provenant de Jacques François de Languedoue d’Archambault dont l’émigration est constatée par la liste générale arrêtée le 3 novembre 1792.
Ladite ferme dans laquelle il y a un vieux château en ruine, consiste en plusieurs bâtiments, granges, écuries, étables, bergeries, cours, jardins et autres aisances appartenances et dépendances.
Le bois qui tient à une friche et au potager consiste en allant du potager vers le nord en soixante seize toises de longueur au citoyen Lenoir du Bellay ainsi que vers le levant sur environ quarante toises de longueur du levant au couchant et en superficie environ deux cent quarante perches, sur lequel terroir il ne reste il ne reste que quelques vestiges d’ancien taillis.
Liquidation
Suivant le procès verbal d’estimation du 9 thermidor dernier dressé par le citoyen Antoine Gérard Gallay architecte à Etampes expert nommé par délibération du département du six thermidor dernier et par le citoyen Augustin Alexandre Courtois expert nommé par ladite citoyenne Gautron pour sa soumission du 28 floréal dernier les bâtiments sont évalués à la somme de trois cent douze livres de revenu annuel. Il résulte des extraits des rôles de la contribution foncière des communes dans lesquelles s’étend la ferme de Pussay, suivant lesquels extraits cette ferme a été imposée en 1793 en principal et sols additionnels, savoir
à Pussay, 1266 livres 98 centimes
à Thionville, 163 livres
à Angerville, 71 livres 13 centimes
à Gommerville, 10 livres 90 centimes
total, 1512 livres 1 centime
laquelle somme multipliée par quatre produit un revenu de 6048 livres 4 centimes
lequel revenu multiplié par 22 donne un capital de 133 056 francs 88 centimes
Les bâtiments et jardins conformément à l’estimation desdits experts sont évalués à un revenu annuel de 312 francs, lequel multiplié par 18 donne un capital de 5616 francs
A quoi il convient ajouter la valeur des arbres portée par le même procès verbal à 804 francs
Total 139 476 francs 88 centimes.
Les deux cinquièmes appartenant à la nation montent à 55790 francs 95 centimes.
A la charge par l’acquéreur de laisser jouir le locataire de ladite ferme, pendant le temps qu’il en a le droit si mieux n’aime l’évincer en se conformant aux lois.
Jeanne Françoise Gautron, qui demeure à Boisseaux, va acquérir la majorité des biens de première et de seconde origine sur Pussay. De son vivant, Jean Deniseau, était le principal cultivateur de Pussay. Lorsque son fils Jean Simon se marie le 10 décembre 1793, il est décédé et Jeanne Françoise a 60 ans Elle a donc 63 ans quand elle acquiert les 2/5èmes du château et son fils est laboureur à Pussay. Ce dernier a une sœur, Marie Françoise, veuve de Pierre Adrien Venard laboureur à la poste de Boisseaux. A la demande de Jean Simon et Marie Françoise, le château sera mis en vente et adjugé, le 17 août 1809, pour la somme de 9725 francs à Jean-Pierre Delanoue, cultivateur à Pussay.
Mais pour l’heure, en l’an 4, les 3/5èmes restants sont séquestrés et Jacques François d’Archambault cherche toujours à récupérer ses biens et les revenus qu’ils produisent. L’administration, quant à elle, en est toujours à tenter d’estimer les biens en question et les experts qu’elle nomme y mettent semble-t-il de la mauvaise volonté, puisque en l’an 6, aucune estimation n’est encore faite. Par ailleurs, François Delaporte qui exploite la ferme et les terres de la petite Barre vieillit, il a 72 ans quand il décède le 9 prairial an 4. Peu de temps auparavant, le 1er pluviôse an 4, Denis Gandrille demeurant à Grandville, s’était rendu adjudicataire de l’ensemble pour trois ans, moyennant 292 sacs de blé froment mesure d’Angerville payables en deux termes 5 nivôse et 1er floréal de chaque année.
Ce dernier trouve d’ailleurs que les enchères ont été trop poussées et il tente de profiter de la loi du 6 messidor an 6 pour réduire son bail. « La chaleur des enchères ayant porté ces fermes au double de leur valeur il avoit profité de la faveur de la loi du 6 messidor an 6 et demandé la réduction par exploit d’Echer [huissier] du 1er thermidor an 6, la réintégration provisoire du citoyen Darchambault et autres circonstances font suspendre l’effet de cette demande jusqu’au 17 pluviôse an 7 où le séquestre de ses biens lui a été de nouveau notifié le 13 ventôse an 7 par acte devant Serreau. Il fut transigé sur la réduction demandée entre le réclamant, la veuve Denizeau acquéreur des 2/5e revenant à la République et le receveur des domaines pour les 3/5e restants, et le prix du fermage annuel de ladite ferme fut réduit à une somme de 3200 francs et néantmoins pour le citoyen Chapotin [receveur des domaines] sous l’approbation du directeur des droits d’enregistrement à la résidence de Versailles « .
Or ce dernier n’approuve pas du tout la transaction et le citoyen Gandrille est condamné à payer la totalité de son bail, lequel sera repris par Louis Michel Jubert cultivateur à Gouillons qui s’en est rendu adjudicataire le 2 floréal an 7, moyennant 160 sacs de bled froment dont 2/5e payable à la veuve Deniseau et 3/5e à la République. La demande du citoyen Gandrille n’était pas infondée : son bail avait été conclu pour 292 sacs de blé et ce nouveau bail l’était pour 160 sacs seulement, à 20 francs le sac, cela donnait un bail montant à 3200 francs approximativement la valeur de 1790 et ce que réclamait Denis Gandrille.
Entre temps, le 23 germinal an 6, le Ministre des finances approuve l’arrêté pris par les administrateurs du département d’Eure-et-Loir accordant la jouissance provisoire de leurs revenus aux d’Archambault et demande le 13 prairial aux administrateurs de Seine-et-Oise de « finir le partage et de faire cesser les obstacles que les citoyens d’Archambault éprouvent dans la jouissance qui leur est accordé des biens indivis situés à Pussay canton d’Angerville « . Mais les scellés sont à nouveau apposés en vertu de la loi du 9 frimaire an 7. Pourtant les d’Archambault sont bientôt au bout de leur peine. La radiation de la liste des émigrés intervient, on l’a vu, le 3 floréal an 7, la levée du séquestre s’ensuit, les scellés ne seront toutefois levés que 7 mois plus tard le 25 brumaire an 8.
« Ce jourd’huy vingt cinq brumaire an huit de la République française, nous Antoine Cochin agent municipal de la commune de Pussai commissaire nommé par arrêté de l’administration municipal du canton d’Angerville en datte du cinq vendémiaire dernier [an 8] à l’effet de reconnaître et lever les scellés apposés le onze pluviôse dernier [an 7] en vertu de la loi du neuf frimaire précédent [an 7] sur les meubles et effets des héritiers d’Archambault à Pussai nous sommes transportés avec les citoyens Serreau commissaire du pouvoir exécutif près cette administration et le citoyen Chapotin receveur des domaines nationaux au bureau d’Angerville dans la maison dite cidevant le Château de Pussai à l’effet de procéder à laditte opération en conséquence de l’arrêté de l’administration municipale sus relaté et celui de l’administration centrale en datte du douze thermidor septième auquel lieu nous avons trouvé le citoyen Amand Roger garde champêtre à Pussai, se disant fondé de pouvoir du citoyen Jacques François Darchambault domicilié à Chartres, et la citoyenne Thérèse Guy [Gry] veuve François Dugay [Duguet] gardienne des effets séquestrés sur ledit d’Archambault par procès verbal du onze pluviôse septième
Auxquels nous avons fait part du motif de notre transport et avons requis laditte citoyenne Dugay de nous représenter les effets mis sous sa garde et à quoi obtempérèrent, elle nous a représenté une mauvaise armoire et les autres effets consignés au procès verbal du onze pluviôse, lesquels nous avons remis au citoyen Roger audit nom pour en jouir par ledit Archambault en toute propriété et jouissance en vertu de l’arrêté de l’administration centrale du douze thermidor qui le réintègre dans tous ses biens en vertu de la radiation définitive de la liste des émigrés. Desquels le citoyen Roger s’étant chargé et les ayant trouvé tels que lors du séquestre, nous en avons déchargé laditte veuve Duguay et avons en conséquence desdits arrêtés levé tous séquestres, apposés sur lesdits meubles revenu et immeubles appartenant audit d’Archambault dans l’étendue de l’arrondissement d’Angerville à l’effet de quoi le citoyen Chapotin receveur des domaines nationaux a donné par le présent acte toute main levée pure et simple tant du séquestre que des appositions formé à sa requête entre les mains de tous fermiers et débiteurs dudit d’Archambault y consentant qu’il paye en se mains toutes sommes et deniers dont ils peuvent être redevables.
Dont et de quoi nous avons dressé acte pour expédition en être remise au citoyen Roger pour le citoyen d’Archambault réintégré et autres, à la citoyenne Duguay pour sa décharge, étant lesdits Roger, veuve Duguay, commissaire et receveur signé avec nous, signé Thérèse Gry, Roger, A Cochin, Chapotin receveur et Serreau commissaire du directoire exécutif, enregistré à Angerville le vingt sept brumaire an huit de la République, reçu deux francs quarante centimes compris la subvention de guerre « .
Les d’Archambault demanderont la restitution des revenus séquestrés. Elle interviendra le 8 pluviôse an 13. Jacques François a droit à la moitié du prix des revenus séquestrés, soit 16 632 francs 54 centimes en assignats et de celle de 3470 francs 59 centimes en numéraire.
Dernière vente qui le concerne : celle de son habillement de cuirassier de la garde royale, signée le 17 décembre 1824 pour être vendue le 28 décembre. Jacques François d’Archambault était décédé le 25 janvier 1810.
VENTE DES BIENS DU CLERGÉ
A Pussay, le clergé possédait la cure d’une part et la fabrique d’autre part. Les biens de la cure se composaient de la maison presbytérale et d’un jardin attenant, de deux autres jardins séparés de la maison par la rue et de 27 arpents et 70 perches de terres labourables en 32 pièces.
Les biens de la fabrique, dont un inventaire partiel datant de 1774 a été donné au chapitre précédent, comprenaient une maison avec cave et grenier, cour et grange, plus 120 perches de terre, dont Jean Jacques Billarand, maître des petites écoles de Pussay, jouissait à titre gratuit, à la charge d’enseigner gratuitement à six enfants pauvres de la commune. Ils comportaient également de nombreuses pièces de terre, que des particuliers avaient donné à la fabrique, à charge pour cette dernière de faire dire des messes pour le repos de leur âme.
Tous ces biens étaient affermés ou loués à différents citoyens. Le presbytère, consistant en deux chambres basses et grange, était occupé par Henry Gourday, curé de Pussay, auquel la municipalité avait consenti un bail le 23 thermidor an 3, incluant le jardin attenant, moyennant 25 francs en assignats à compter du 1er fructidor an 3. La grange avait été louée séparément à Louis Bertrand Gry par procès-verbal de la municipalité de Pussay le 1er thermidor an 3 moyennant 455 francs pour un an à compter du jour de l’adjudication.
Les jardins avaient été loués à Philippe Deblois, fouleur de bas, Jacques Chaudé, maréchal, qui les avaient occupés jusqu’au 1er germinal an 4 puis à François Bertrand, marchand de bas et à Michel Noury, cordonnier à Pussay.
Les 27 arpents de terres étaient affermés à la veuve Pierre Buret, pour 9 ans, par bail passé devant Savouré le 18 janvier 1788, moyennant 450 francs, un sac de vesce (10 francs), deux chapons (3 francs), les dîmes réglées à 1 franc 50 centimes par arpent (27 francs 70 centimes), imposition de 1790 : 69 francs, total 559 francs 70 centimes.
Jean Jacques Billarand, maître d’école jouissait donc à titre gratuit de la maison de la fabrique qu’il avait occupée un certain temps, puis qu’il avait louée à Antoine Cochin, puis au citoyen Rabourdin, moyennant 40 livres. Quant aux terres de la fabrique, elles étaient affermées à plusieurs citoyens, dont les veuves Alexis Vilette et Eustache Langlois et le meunier de Pussay, Pierre Durand.
Les biens du clergé ayant été déclarés biens nationaux, vont être estimés et vendus aux enchères.
Vente des 27 arpents 70 perches de terres dépendants de la cure
Le premier bien touché par cette décision intéresse les terres dépendantes de la cure. Elle forme le septième et dernier lot de la huitième affiche (les autres lots étant situés à Etampes) du lundi 21 mars 1791.
« Le lundi 21 mars 1791, 9 heures du matin, en conséquence d’une délibération du 12 mars, il sera procédé, à la poursuite et diligence du procureur syndic, par devant le directoire, à la première publication et réception d’enchères
et le jeudi 7 avril, on fera l’adjudication définitive de 27 arpents 70 perches de terres affermées à la veuve Buret, sises au terroir de Pussay … et évalués d’après ledit bail à la somme de 8148 francs 16 centimes.
Pour par l’adjudicataire en jouir comme de chose à lui appartenant, après qu’il aura effectué son premier payement et en outre à la charge
1° d’entretenir le bail susdaté sans pouvoir expulser le fermier même sous l’offre d’indemnité de droit et d’usage
2° l’adjudicataire touchera les loyers par proportion de temps, à compter du jour de son premier payement…
4° l’adjudicataire payera à la caisse du district 12 % du prix de son adjudication dans la quinzaine d’icelle.
sauf à se libérer par des payements plus courts et plus rapprochés
arrêté par nous administrateur soussigné le 12 mars 1791 « .
Le citoyen Chevallier, que nous ne connaissons pas, s’adjuge l’enchère, le 7 avril 1791, pour la somme de 13 100 francs.
Vente des biens de la fabrique
Un peu plus tard, les biens de la fabrique sont à leur tour vendus. L’affiche n° 83 de la vente par lots de domaines nationaux de première origine, fait savoir qu’il sera procédé le 8 germinal à la première criée des domaines nationaux, dont le détail suit, pour être vendus et adjugés définitivement le 18 germinal.
Ces biens concernent 21 lots issus de la fabrique de Pussay. Les lots avaient été formés par les citoyens Cochery de Saint-Escobille et Masson d’Etampes, nommés à cet effet par le district d’Etampes le 2 frimaire. Leur estimation était basée sur le revenu que rapportait les biens, à partir duquel était calculé le capital. Le revenu des terres était généralement estimé à 17 francs l’arpent. Pour donner une idée des lots de terre ainsi constitués par les experts, un arpent égale cent perches ce qui vaut selon les contrées de 30 à 51 ares. Selon Charles Forteau le muid était de 24 mines, soit 20 ares à Pussay. Entre leur valeur d’estimation et le montant payé pour l’acquisition des biens, le prix a quadruplé, voire sextuplé pour certains lots.
Ces ventes étaient effectivement faites aux enchères. Ainsi par exemple, Pierre Bourreau cherche à acquérir le dixième lot, soit 313 perches en 5 pièces estimées à 1064 francs. Au premier feu, la dernière enchère est demeurée au citoyen Bourreau à 5000 livres. Au deuxième feu, au citoyen Cochin à 5875 livres, au troisième feu au citoyen Bourreau à 5950 livres, au quatrième feu, au citoyen Bourreau à 6075 livres, au cinquième feu au citoyen Bourreau à 6100 livres. Pierre Bourreau n’était pas seul du nom à participer aux enchères, il y avait également Guillaume Bourreau de l’Humery.
Dix de ces 21 lots, sont vendus à des citoyens de Pussay. Pour le reste, les acquéreurs sont de Monnerville pour six d’entre eux : Jean Baptiste Petit boucher, Jacques Sergent, Cantien Gautron cabaretier, Jacques Gautron, François Pierre et Michel Marcille ; de L’Humery : Guillaume Bourreau qui achète deux lots ; de Thionville : François Lefevre cultivateur ; d’Etampes :Gerosme Boivin et d’Orléans : Michel Bourgeois.
Qui sont donc les acheteurs pussayens ? Nous connaissons déjà Jeanne Françoise Gautron qui acquiert les 2/5èmes du château. Les autres acheteurs sont essentiellement des marchands et fabricants de bas, tels Antoine Cochin et Louis Chaudé qui sont par ailleurs des personnalités de la municipalité, tels Pierre Buret et Pierre Bourreau ; mais pas seulement.
Michel Lecomte est fouleur de bas. Il est né à Grandville Gaudreville d’un père charretier et il a 61 ans quand il achète le premier lot de la vente à savoir : une maison composée d’une chambre à feu avec cave et grenier, cour et grange couverte en chaume, plus 120 perches de terre, partie en friche et partie en terres labourables. Cette maison-là même, que le curé Darblay avait donné à la fabrique de Pussay et dont Jean Jacques Billarand, maître des petites écoles de Pussay, avait joui à titre gratuit à la charge d’enseigner gratuitement à six enfants pauvres de la paroisse. Il avait ensuite loué la maison au citoyen Rabourdin moyennant 40 francs, si bien qu’elle est estimée à 800 francs par les experts. Michel Lecomte l’achètera le double 1500 francs.
Pierre Antoine Delorme est cordonnier, originaire de Gommerville et il vient d’épouser en 1793, Rose Aimable Savouré, fille de marchand de bas. Il achète le neuvième lot : 293 perches de terres labourables en 4 pièces. Les experts ont estimé le revenu de l’arpent à 16 francs, ce qui met le lot en capital à 996 francs. Pierre Antoine Delorme devra quintupler la somme pour l’emporter à 5500 francs.
Jean Jacques Dargère est laboureur en 1787, mais charretier en 1793, cependant il se porte acquéreur pour le lot 11 constitué de 325 perches de terres labourables en 5 pièces estimées à 1105 francs, toujours sur la même base de 16 francs de revenu par arpent. Les terres doivent être moins convoitées car elles ne lui coûteront que 3600 francs. Lors du décès de sa femme en 1832, il sera noté comme propriétaire.
Reste le cas particulier de Geneviève Couturier. Son mari, Pierre Alexis Vilette, est tour à tour cabaretier, marchand mercier, marchand de bas selon les années et marchand tout court quand il décède de maladie le 8 juin 1792. Elle se remarie le 30 novembre avec Jean Pierre Bordier, pour en divorcer un peu plus d’un an plus tard, le 29 pluviôse an 2, pour cause d’injures et de mauvais traitement. La constitution du 3 septembre 1791 avait institué le mariage civil et la loi du 20 septembre 1792 instauré le divorce, procédure dont notre cabaretière profitait aujourd’hui.
Avant le décès de son premier mari, en 1790, ils avaient passé un bail de 9 ans, devant Savouré notaire à Gommerville, pour louer à la fabrique un certain nombre de terres qui étaient maintenant réparties entre divers acquéreurs. Elle louait ces terres moyennant 196 francs par an, augmenté des « taxes » y afférentes, à savoir « remplacement de la dîme », taille, champart, calculées à l’arpent, ce qui en portait le coût à 261,36 francs. Du coup elle se porte acquéreuse du lot 19, pour 240 perches de terre en 6 pièces estimées en revenu annuel à 12,10 francs l’arpent, et en capital à 600 francs, qu’elle paiera 1880 francs.
Elle n’était pas seule à affermer des terres à la fabrique. Pierre Durand, meunier à Pussay, et la veuve Eustache Langlois se retrouvent dans le même cas qu’elle. Parmi les nouveaux propriétaires, certains continuent les baux, mais d’autres souhaitent jouir de leur bien pour eux-mêmes, ainsi que la loi le leur permet. Cette même loi offre d’ailleurs aux locataires la possibilité de résilier également leur bail. C’est ainsi que le 9 prairial an 3, Charles Echer huissier, se présente chez Geneviève Couturier et Madeleine Savouré, veuve Eustache Langlois, pour leur signifier que Pierre Bourreau, propriétaire du lot 10 des terres de la fabrique dont elles sont en partie fermières et locataires « entend jouir par lui-même dudit lot de terre à compter des guérets actuels » et que, si besoin en est, il les dédommagera selon les termes de la loi.
Jean Baptiste Petit, boucher à Monnerville, avait acquis le lot 3, moyennant 3725 francs. Il sera déchu de son adjudication pour n’avoir pas fait son premier paiement conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi du 24 floréal an 3. Son adjudication est du 18 germinal et le paiement n’a été effectué que le 23 fructidor suivant, par méconnaissance de la loi. Il plaide qu’il a une famille nombreuse, mais le district ne veut rien entendre, les biens seront revendus.
C’est pour cette raison que bien plus tard, le 22 frimaire an 13, Les marguilliers de la fabrique de Pussay demanderont à être réintégrés dans la propriété de deux pièces de terre, l’une contenant 42 ares 83 centiares située au terroir de Monnerville, l’autre contenant 40 ares 83 centiares située à Chalou « Ils observent que ces biens avaient été adjugés au district d’Etampes le 18 germinal an 3 au sieur Jean Baptiste Petit qui a été déchu de cette acquisition en vertu de l’arrêté du 3 messidor an 4 … ». La remise des 240 perches de Petit est faite le 15 juin 1806. Ce sera le seul bien que la fabrique récupérera.
Vente de la maison presbytérale et des jardins
Il ne restait plus à vendre que le presbytère et ses jardins. C’est chose faite le 5 thermidor an 4. L’acte de vente est passé au profit de la citoyenne Jeanne Françoise Gautron, veuve Deniseau, demeurant à Boisseau, commune de Barmainville, canton de Gommerville, présente et acceptante, conformément à la loi du 28 ventôse an 4 et de l’instruction du 6 floréal suivant.
Nous y apprenons que la maison presbytérale est située à peu de distance de l’église, sur un terrain d’environ dix huit toises de face sur la rue qui lui sert d’entrée. Elle possède un jardin et une petite cour au fond de laquelle un bâtiment sert de grange et de vacherie. A droite de la porte charretière, un petit bâtiment dans l’angle de la cour tenant à la rue et au jardin, sert de fournil. Un autre petit jardin de forme carrée, clos de murs et détaché du presbytère, est situé à peu de distance, séparé par la rue, tenant au levant, nord et couchant à des rues et places publiques. La vente concerne également un troisième jardin, non clos de murs, longeant le cimetière vers le sud et les rues qui conduisent à l’église au nord et à l’ouest.
Ces biens ont été évalués conformément à la loi du 28 ventôse dernier articles 5 et 6 par procès verbal d’estimation du 19 messidor dernier, dressé par le citoyen Antoine Gérard Galley architecte expert nommé par délibération du département du 26 prairial dernier et par Alexandre Augustin Courtois expert nommé par l’acquéreur. La maison et le jardin qui en dépend donnait en 1790 un revenu annuel de 80 francs. Ce revenu multiplié par 18 donne un capital de 1440 francs. Les deux petits jardins, séparés de la maison presbytérale, ont été évalués en revenu annuel, valeur de 1790 suivant la loi précitée article 5, à la somme de 14 francs. Ce revenu multiplié par 22 donne un capital de 308 francs, soit pour l’ensemble une somme de 1748 francs.
Mais si l’on s’en réfère à la base de la contribution foncière, l’estimation de ce domaine présente un résultat plus avantageux en offrant en principal et sols additionnels une somme de 30 francs 3 centimes. Cette somme multipliée par 4 donne un revenu de 120 francs 12 centimes, dont 100 francs pour la maison et le jardin en dépendant et 20 francs 12 centimes pour les deux autres jardins. Le revenu de la maison et son jardin, multiplié par 18 suivant la loi précitée article 6, donne un capital de 1800 francs, le revenu des deux jardins séparés, multiplié par 22 suivant la susdite loi article 5, donne un capital de 442 francs 64 centimes, soit un total de 2242 francs 64 centimes, prix fixé pour la vente et à payer entre les mains du receveur des Domaines Nationaux de Versailles, savoir moitié dans la décade de ce jour et l’autre moitié dans les trois mois.
L’église
L’église quant à elle, n’a pas fait l’objet d’une vente. Quelques jours avant celle du presbytère, le 30 messidor an 4, le président de l’administration municipale du canton d’Angerville écrit aux citoyens administrateurs du département : « vous recevrez ci-joint un état des églises et cimetières des communes de l’arrondissement de notre canton ; toutes sont rendues à l’exercice des cultes à la réserve de celle désignée au dit état, les cimetières servent pareillement aux inhumations. Se serait rendre les habitants des dites communes dans la plus grande consternation que d’aliéner aux domaines nationaux lesdites églises et cimetières et pourrait troubler la tranquillité des citoyens qui règnent parfaitement bien dans ce canton. « . registre de correspondance du canton d’Angerville (côte L130)
En conséquence l’administration vous invite citoyens d’excepter de l’aliénation des domaines nationaux les églises et cimetières des communes d’Angerville, Méréville, Monnerville, Pussay, Congerville, Chalou-Moulineux, Mérobert et Saint-Escobille.
Comme l’église de Moulineux est remise à celle de Chalou, l’on pourrait mettre en vente l’église et le cimetière
LA VIE QUOTIDIENNE JUSQU’À LA JOURNÉE DU 10 AOÛT 1792
Cette première phase de la Révolution qui dure jusqu’à la chute du Roi, semble plus marquée à Pussay par des problèmes de vie au quotidien, de subsistance, que par des aléas proprement révolutionnaires. La préoccupation des notables en juin 1790 concerne le clocher de l’église. Le maire Louis Chaudé, comparaît au directoire du district d’Etampes, avec Jacques Davout, marguillier comptable et bourrelier, Jean Pierre Delanoue, officier municipal, Gabriel Cochin et Charles François Séjourné, citoyens de Pussay, pour y expliquer que le clocher édifié sur la voûte de l’église paroissiale menace ruine, à tel point que quelques pierres s’en sont déjà détachées et sont tombées. Ils ont même craint sa chute à la Saint-Jean dernier ce qui a provoqué la retraite des paroissiens, dont plus de 20 ont été blessés. Ils demandent donc l’autorisation de détruire et reconstruire le clocher.
Un an plus tard, une délibération du département du 3 juin, contraint les curé et marguilliers de Pussay à payer au sieur Pailleau adjudicataire des réparations à faire au clocher de Pussay la somme de 626 livres 5 sols 8 deniers.
Les élections
Les procès-verbaux des élections de 1790 manquent aux archives. Seule existe la liste des électeurs du département de la Seine-et-Oise nommés dans les assemblées primaires tenues en 1790 : un seul représentant pour Pussay, Pierre Paul Dujoncquoy, fabricant de bas.
Le sieur Louis Jérôme Perrot demeurant à Pussay ayant été reconnu pour le doyen d’âge, préside provisoirement l’assemblée. Les sieurs Michel David, marchand de bas, Jean Savouré, marchand épicier, Louis Georges Chartrain, marchand fripier, tous trois d’Angerville et les plus anciens après le doyen, sont scrutateurs provisoires. Le sieur Charles Echer, huissier à la prévôté générale des monnaies de France, résidant à Angerville, est désigné secrétaire sur l’invitation de l’assemblée.
Les citoyens présents, au nombre de 36, sont invités à donner leur nom et qualité. Puis les officiers municipaux de toutes les communes présentent l’état des citoyens actifs de leur commune, soit un total de 849, sur lequel seuls 36 sont présents « au moyen de quoi il a été reconnu qu’il y avait lieu de ne tenir qu’une seule assemblée primaire pour ledit canton « . Le vote qui s’en est suivi a donné pour président : Louis Georges Chartrain. Il a donc prêté le serment « de maintenir de tout son pouvoir la constitution du Royaume, d’être fidèle à la nation, à la Loi et au Roi, de choisir en son âme et conscience les plus dignes de la confiance public, et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourraient lui être confiées « . Le sieur Echer a été élu secrétaire. Il a appelé chacun des membres présents à prêter le même serment. Michel David, Jean Savouré et Jean Pierre Boreau, ancien notaire à Méréville ont été élus scrutateurs.
Maintenant que les membres du bureau sont installés, il est possible de procéder à l’élection elle-même. Le nombres des citoyens actifs étant de 849, il faut élire 8 électeurs. Les citoyens éligibles de ce canton sont au nombre de 483. Les citoyens nommés à l’assemblée des électeurs sont MM de Laborde de Méréville, Serreau, notaire à Méréville, Delanoue, fabricant de bas à Pussay, Rousseau, maître de poste à Angerville, Chaudé l’aîné fabricant de bas à Pussay, Delanoue, prêtre curé de St Père, après un second tour : M Richaux, bourgeois à Angerville et après un troisième tour : M Rousselet, prêtre curé d’Angerville.
Les mêmes élections ont lieu le 26 août 1792 pour élire cette fois les députés à la Convention Nationale. Elles se déroulent de la même façon. Aux premier et second tours de scrutin, personne ne réunit de majorité. Au troisième tour de scrutin, sont élus MM Rémi Meunier marchand à Méréville, Charles Jousset charpentier à Angerville, Louis Lubin Bertrand fabricant de bas à Angerville, Léger charpentier à Angerville, Filleau père fouleur de bas à Pussay, Yvoy serrurier à Méréville, Michel David marchand de bas à Angerville, Jean Rousseau tailleur d’habits à Méréville.
*En 1789, pour être électeur du tiers état, il fallait avoir 25 ans, être français ou naturalisé, être domicilié au lieu de vote et compris au rôle des impositions. Avec la Constitution du 3 septembre 1791, le suffrage est censitaire. Les citoyens actifs doivent être âgés de 25 ans accomplis, domiciliés depuis un an dans la ville ou le canton, ne pas être domestiques ; ils doivent, en outre, être inscrits à la garde nationale, avoir prêté serment civique, n’être ni en état d’accusation, ni failli, ni insolvable non libéré ; enfin, ils doivent acquitter une contribution directe égale à 3 journées de travail. Le suffrage est indirect. Les citoyens actifs désignent au sein des assemblées primaires les électeurs du second degré chargés d’élire les députés. Pour être électeur du second degré, il faut être propriétaire, usufruitier ou fermier d’un bien évalué dont la valeur varie entre 100 et 400 journées de travail, selon l’importance des communes. Ces dispositions constitutionnelles n’ont cependant pas été appliquées.
La Constitution de 1791 prévoit (section II, art. 2) un cens, c’est-à-dire une imposition minimale, en l’espèce trois journées de travail, exigée pour la participation aux assemblées primaires, qui rassemblaient les citoyens actifs. En fait, il s’agissait d’une somme très faible, variant suivant les localités de 2 à 3 livres par an. Dans les campagnes, où habitaient plus de 80% des Français, ce cens ne rejetait dans le groupe des citoyens » passifs » que les indigents, les errants et les vagabonds. Pour la France entière, le nombre des citoyens actifs (4 300 000) dépassait de beaucoup celui des passifs (2.700.000). La plupart des constituants jugeaient avoir accordé le droit de suffrage à l’immense majorité de ceux qui pouvaient l’exercer effectivement, donc au » peuple » ou à la nation. Il est faux d’affirmer que » seuls les riches pouvaient voter « . Cette phrase deviendra vraie sous la Restauration et la monarchie de Juillet, où l’exigence d’un cens beaucoup plus élevé limitera à 250 000 le nombre d’électeurs, juste avant la Révolution de 1848. Mais on se gardera de confondre ces deux types de régimes censitaires. La question des droits politiques des femmes a été abordée à l’Assemblée constituante mais la motion de Robespierre visant à accorder le droit de suffrage aux femmes a été repoussée. (Extrait du site de l’Assemblée nationale).
En vendémiaire an 5, le nombre de contribuables à Pussay s’élevait à 191 sur une population de 645 habitants.
Les troubles liés au manque de subsistance
L’année 1792 est marquée par des troubles liés à la peur de manquer de subsistance. Le 9 mars 1792, il y a sur le marché d’Angerville assez de blé eu égard à ce qui s’y en apporte ordinairement, mais il s’y trouve aussi un plus grand nombre de prétendus acheteurs armés. Le maire et les officiers municipaux étant sans aucune force, la garde nationale du lieu n’étant pas organisée, ils en sont réduits pour sauver leur vie, à taxer le blé à 24 livres le sac et les autres grains en conséquence. Il y a un monde considérable et des voix s’élèvent trouvant la taxe trop forte et demandant qu’elle soit ramenée à 21 livres.
Alors que tous les grains exposés sur le marché ont été vendus, huit personnes, ayant à leur tête un particulier dont ils paraissent suivre l’impulsion, se présentent au maire et officiers municipaux dans la maison commune et demandent où ils pourraient se procurer du blé dont ils ont grand besoin. Entraînés par eux, les officiers les conduisent chez Monsieur Bouilly où le sieur Boivin, laboureur à Richarville, entrepose du grain en réserve. Il s’y trouve justement et offre de leur en délivrer autant qu’il en a au prix de 24 livres comme il avait été taxé par la municipalité, quoique ce blé eut été par lui vendu antérieurement à un prix plus haut à un marchand.
Sur ce, ils objectent qu’ils ne désirent point acheter du blé de première qualité, mais du blé mêlé d’orge, qu’il fallait que « Messieurs les officiers municipaux leur en procurassent, sinon qu’ils allaient voir « . Les officiers en trouve chez Monsieur Paillet qui s’offre de leur vendre du blé méteil au prix de 17 et 19 livres et de l’orge à 12 livres le sac. Ils refusent d’en prendre excepté trois qui achètent et payent chacun un sac. Quant aux autres, au lieu de se retirer, ils passent la nuit dans des cabarets et vont frapper à plusieurs reprises à la maison commune en insultant le corps municipal et aux portes des sieurs Gatineau, Pilleau et Paillet, tous trois marchands de blé en leur disant avec emportement de sortir et qu’ils les mettraient « à la lanterne « . En quittant le bourg le matin, ils ont crié au feu. Selon le procureur de la commune, les conducteurs de cette troupe s’appellent Raguin, apprêteur de bas et Gautron, manouvrier, garçon majeur demeurant chez sa mère, tous deux de Pussay.
Chargés de rétablir l’ordre et la liberté du commerce des subsistances par la délibération du sept mars, les commissaires du directoire du département viennent à Angerville la semaine suivante, dénoncent Raguin et Gautron comme les principaux auteurs des violences qui ont été faites sur le marché le vendredi 9, dénoncent pareillement les fauteurs complices et promoteurs des rassemblements à main armée qui ont eu lieu dans les environs et demandent au juge de paix d’instruire une enquête. La semaine suivante le commandant du 18e régiment en station à Etampes est requis de faire partir pour le marché d’Angerville, 30 hommes de sa compagnie pour déférer aux réquisitions qui pourront être faites par ladite municipalité relativement à la sûreté et à la tranquillité du marché.
Quant aux coupables, ils sont interrogés le 9 avril. L’un se nomme Jean Jacques François Raguin apprêteur de bas à Pussay âgé de trente et un ans ou environ. Il est parti de Pussay sur les onze heures et demi pour se rendre au marché d’Angerville, pour acheter du blé argent comptant, suivant le prix, pour nourrir sa famille. Il a prié les officiers municipaux de lui en procurer, ainsi qu’à ceux qui étaient avec lui. Ayant trouvé du blé de première qualité chez le sieur Bouilly, ils n’ont pas voulu en prendre parce que leurs moyens ne leur permettaient pas. Il dément avoir été ensuite chez le sieur Paillet et affirme avoir toujours « parlé avec décence et n’avoir causé, ni par ses paroles, ni par ses gestes, aucune fermentation dans le marché « . Ensuite, il s’est amusé à boire en différents endroits, sans causer aucun scandale et il est parti d’Angerville avec plusieurs autres aux environs de minuit.
Pierre Ambroise Gautron, garçon âgé de trente cinq ans ou environ, est venu quant à lui sur le marché pour s’y promener, n’ayant aucune intention d’acheter du grain. Il n’a fait aucune attention à ce qui se passait sur le marché. Il a seulement dit à Monsieur le maire que le blé était bien cher. Il a passé son temps à boire et à manger et n’a pas été frapper aux portes.
Sur quoi le juge de paix ordonne que Raguin et Gautron « prévenus d’avoir fait faire une émotion populaire dans le marché le 9 mars dernier » seront conduits en la maison d’arrêt de la police correctionnelle du district d’Etampes pour y être jugé. Ils sont finalement convaincus d’être les auteurs de l’attroupement et de l’émeute qui ont eu lieu le 9 mars dernier au marché d’Angerville pour faire baisser le prix des grains. Gautron est de plus reconnu pour être l’auteur des menaces faites le même jour aux officiers municipaux d’Angerville dans leurs fonctions. Il est condamné Gautron à six livres d’amende et deux années d’emprisonnement et Raguin à trois livres d’amende et une année d’emprisonnement, le tout à dater du jour de leur arrestation. Deux ans d’emprisonnement était la peine maximale, le jugement est donc sévère.
Lors de ces troubles, la garde nationale du lieu n’était pas organisée La loi sur la garde nationale est votée les 27 et 28 juillet 1789, mais elle ne se traduit pas immédiatement dans les faits. Ce n’est qu’avec la loi du 14 octobre 1791 sur le décret de l’assemblée nationale du 29 septembre relatif à l’organisation de la garde nationale, que les cantons de Saclas et d’Angerville dressent la liste des citoyens de plus de 18 ans en état de porter les armes. Au vu de ces listes, le district d’Etampes décrète, le 13 mars 1792, entre autres, que Pussay composée de 156 citoyens effectifs formera deux compagnies de chacune 78 hommes.
Les secours aux indigents
Sous l’Ancien Régime, les secours relevaient, quand ils existaient, du domaine privé ou de celui de l’Eglise. Dorénavant, ils relèvent du domaine public. Les secours prodigués aux pauvres de Pussay provenaient de quatre rentes assignées sur le Clergé de France pour la première et sur les Aydes et Gabelles, impôt prélevé par le Roi, pour les trois autres. La première s’élevait à 180 livres et avait été constituée en 1755, les trois autres s’élevaient à 60, 104 et 54 livres et avaient été constituées en 1753, 1774 et à une date inconnue pour la troisième, soit 398 livres au total. C’est l’état qu’en donne le maire et les officiers municipaux le 13 avril 1792, à savoir Cochin maire, Thomas procureur de la commune, Gourday curé, Chaudé marguillier, Vincent Peltier marguillier, à la demande des membres du directoire du district d’Etampes.
Dans une lettre du 30 pluviôse an 2, le Ministre de l’intérieur énonce au district d’Etampes, qu’il est compris dans les secours décrétés par la Convention nationale le 13 pluviôse, pour un montant de 13545 livres 14 sols. Au vu de la loi du 28 juin 1793, ces secours ne peuvent profiter ni aux femmes, enfants, pères, mères, frères et sœurs des défenseurs de la patrie, ni à ceux qui ont éprouvé des pertes soit par l’intempérie des saisons, soit par l’effet de la guerre, parce qu’il y a des fonds consacrés pour ces objets. Ils ne concernent pas non plus ceux qui jouissent déjà d’autres secours. « Il faut spécialement s’attacher à remplir le vœu de l’humanité et à soulager les plus indigents dans les différentes classes que la loi indique « , à savoir : les enfants appartenant à des familles indigentes qui n’ont pour toutes ressources que le produit de leurs travaux lesquels ne peuvent pourvoir aux besoins de la famille, les enfants abandonnés et dénommés par la loi sous le titre d’orphelins, les vieillards et indigents.
Le montant des secours s’élevait à 10172 livres pour une population de 40688 âmes, à raison de 5 sols par tête, et à 3373 livres 14 sols pour un nombre de 10307 indigents (soit 25 % de la population), à raison de 2 livres 11 sols 7 deniers. Le conseil général d’Etampes répartit donc la somme à laquelle chaque commune a droit, en fonction de la population et des indigents. Pussay qui compte 645 habitants, dont 37 indigents y est comprise pour 161 livres 5 sols plus 95 livres 8 sols 7 deniers, soit 256 livres 13 sols 7 deniers au total.
Justice de paix
Par les jugements issus des justices de paix du canton d’Angerville, nous savons qu’en juin 1792, François Blin, 56 ans, est un ancien laboureur et Louis Gry, 34 ans, est laboureur et receveur à Pussay. Il gère le domaine du marquis de Latanne, puis du sieur Lenoir-Debalay, qu’il finira d’ailleurs par acquérir en 1819. Ils sont en effet tous deux cités comme témoins dans une affaire qui oppose Claude François Lefebvre propriétaire de la terre et ferme de Thionville à Antoine Puit laboureur et marchand de bas à Thionville fermier sortant de ladite ferme de Thionville, au sujet d’une pièce de vesce, fauchée et laissée plus de trois semaines sur le champ ce qui a occasionné la perte presque totale du fourrage.
De même, Jacques Chaudé est maréchal lorsqu’il intervient contre Jean Pierre Delanoue, marchand de bas, pour des retirages de rayes de terres (entre-deux des sillons). Sont cités comme témoins : Louis Gry, toujours le même, qui explique que « Chaudé avait retiré de la pièce dudit Delanoue deux rayes et que depuis il a vu que ledit Delanoue en a retiré quatre « ; Denis Chaudé, 39 ans, marchand de bas qui ajoute « qu’au moment où ledit Chaudé a récolté la pièce il avait laissé un raye et demi ou environ de blé à récolter pour indemniser ledit Delanoue des deux rayes qu’il avait retiré « ; François Blin, 57 ans, laboureur, qui précise que « le champ dudit Chaudé avait été mal achevé conséquemment comme l’objet ne le regardait pas il n’y fit pas d’autre attention « ; Vincent Quinton, 42 ans, laboureur, qui a labouré la pièce de terre de Jacques Chaudé explique que « voyant la pièce de terre du sieur Delanoue trop grande il en a retiré un raye avant de mettre les blés. A la récolte dernière il a vu que ledit Chaudé pour indemniser ledit Delanoue dudit retirage en a laissé sur le champ un raye et demi ou environ que ledit Delanoue a fait enlever et que depuis la moisson et au labour actuel ledit Delanoue a retiré de la pièce dudit Chaudé quatre grosses rayes qui sont maintenant existantes « . Jean Pierre Delanoue récuse ce dernier témoin puisqu’il a été le laboureur de Jacques Chaudé et que d’ailleurs « c’est lui qui a causé tout le mal en retirant la raye de terre ».
Michel Lecomte, autre témoin et ouvrier en bas à Pussay de 59 ans, nous livre des détails intéressants « à la récolte dernière sur un champ à distance de deux champs de celui du sieur Delanoue, il aperçu une femme qui moissonnait pour le sieur Chaudé, nommée la femme Bureau dudit Pussay, qui laissait au sieur Delanoue du blé sur pied. Il lui dit comment vous ne coupez pas tout le champ, cette femme lui fit réponse qu’elle était chargée de le faire par le sieur Chaudé sans lui dire autre cause. Il y en avait de laissé sur les champs du côté d’Arnouville dans un endroit deux rayes, dans un autre moins eu égard à la production sur ledit terrain et que depuis la moisson dernière il a vu que ledit sieur Delanoue a retiré quatre rayes de la pièce de Chaudé qui existe maintenant « .
Au vu de ces témoignages, le juge condamne Delanoue à réunir à la pièce de terre de Chaudé deux rayes des quatre qu’il a retiré au premier labour, sauf aux parties à se pourvoir par autre voie sur l’arpentage et le mesurage de leurs pièces de terre. Ce type de comportements étaient très fréquents à l’époque.
Pierre Gager et son fils Louis François sont charrons au vu de l’acte d’émancipation de leur nièce et cousine Thérèse Gager de Guillerval, le premier ayant accepté d’être son curateur.
LA TERREUR JUSQU’EN THERMIDOR AN 2
Après l’insurrection de Paris et la chute du Roi, la Révolution se durcit, la surveillance se renforce et les conséquences de la guerre se font plus durement sentir. A Pussay, les effets s’en ressentent réellement à partir de l’an 2.
Les 18 et 19 floréal an 1, Louis Nicolas Baron, procureur syndic du district d’Etampes, parcourt les communes du district. Il est à Pussay à 7 heures. Il trouve le registre des délibérations non paraphé et demande à ce que cette omission soit réparée. Par contre, les registres de l’officier public sont bien tenus.
« L’inventaire de la fabrique n’est pas fait. La municipalité n’a pas pris la régie. Nous l’invitons à faire rendre les comptes dans le plus bref délai.
La municipalité à envoyé au district une délibération pour être autorisée à reconstruire le clocher. Il y a à la fabrique assez de fonds pour payer cette dépense.
L’état des parents des volontaires a été adressé.
Il existe 6 mines des terres des carmélites de Chartres exploitées par Jacques Davoust.
La municipalité promet l’envoi de l’état des biens des émigrés au premier jour.
Les volontaires sont tous partis. Le procès-verbal de recrutement a été remis au directoire.
Avons remis sur le bureau l’état des particuliers qui ont négligé ou refusé de prendre des patentes en 1792. S’ils refusent de se pourvoir de patentes d’ici le 25 de ce mois, ils s’exposent à être poursuivi devant le tribunal du district et à être condamnés à l’amende du quadruple outre le droit de patentes.
Il n’existe plus aucun signe de la royauté ni de la féodalité.
La contribution s’élève à 14 500 livres, le versement fait à la caisse du district est de 9 758 livres « .
Deux jours plus tard, le citoyen Hoggues, administrateur en chef des chevaux de charrois des armées, réquisitionne chevaux et voitures pour l’armée de Vendée. Le directoire du district d’Etampes « arrête que la commune d’Angerville, celles de Pussay, Monnerville, Méréville, Thionville et Congerville seront tenus de fournir la quantité de 120 chevaux garnis de colliers ou bricoles et traites de cordes [attelés de surcroît à 40 charrettes ou chariots aussi en état de partir] et de les faire trouver mercredi prochain de relevée avec un homme pour trois chevaux sur la place d’Angerville pour y être inspecté par la municipalité dudit lieu et rester à la disposition de l’inspecteur audit convoi tant qu’il durera. « .
Et est le commissaire autorisé à déclarer que les hommes auront 2 livres de paye, que les chevaux seront payés à 4 livres par jour et que l’étape sera fourni suivant l’usage et demi étape aux relais.
Et si ces communes ont fourni pour l’armée de la Moselle, elles seront dispensées du contingent ci dessus et le commissaire est autorisé à se retirer dans les communes voisines pour l’exécution du présent arrêté
La rentrée des impôts n’étant pas assurée, une contribution patriotique avait été créée en octobre 1789 : les citoyens possédant plus de 400 livres de revenus devaient en verser le quart. L’établissement des rôles d’imposition fut long et le recouvrement de la contribution encore plus. Le 27 thermidor an 1, le directoire du district d’Etampes arrête que les rôles de la contribution patriotique seront faits selon l’estimation de ses commissaires qui diffère peu de celle des officiers municipaux de la commune. Ces rôles nous donnent une idée des citoyens les plus aisés, à commencer par la veuve Deniseau dont nous avons vu qu’elle avait acheté de nombreux biens tant du clergé que des émigrés. L’estimation de ses revenus se monte à 3000 livres. Viennent ensuite Jean Pierre Delanoue et Pierre Paul Dujoncquoy pour 1200 livres ; Jean François Delaporte, le fermier des d’Archambault, 800 livres ; Louis Gry, François Robert, Charles Duret, tous trois cultivateurs, Louis Gry était le fermier de l’autre moitié du château, pour 600 livres ; Pierre Boureau, marchand de bas pour 550 livres et pour terminer Denis Chaudé et Louis Chaudé dont l’estimation est portée à 400 livres et qui ne sont donc pas imposables. Louis Chaudé, dit l’aîné, avait eu, entre autres, deux fils, Louis et Denis, tous, père et fils, marchands bonnetiers.
Fructidor an 1 : levée de 3400 hommes de cavalerie dans 7 départements, dont celui de Seine-et-Oise qui doit fournir 340 hommes et par conséquent le district d’Etampes, 37 hommes, les cantons de Saclas et Angerville, 10 hommes et parmi ceux-ci Angerville et Pussay doivent en fournir 2. Les volontaires qui se destineront à cette arme recevront une gratification de 250 livres qui sera payée dès que la compagnie dans laquelle ils entreront sera organisée et qu’ils seront admis et habillés à Versailles. Il ne doit en être reçu aucun qu’il n’ait 5 pieds 2 pouces et soit âgé de 18 à 40 ans. Nous ne savons pas, pour le moment, qui a été désigné à Pussay.
L’an 2
Les problèmes s’accentuent au commencement de l’an 2, avec le déplacement de Jean Pierre Couturier*, représentant du peuple et député à la Convention Nationale, dans les différentes communes du canton. Il arrive le 2 brumaire an 2 à Angerville et s’exprime ainsi : « Au nom de la loi. Le second jour de la première décade, deuxième mois, l’an deux… à Angerville, moy Jean Pierre Couturier, représentant du peuple, l’un des membres de la commission répartie par la Convention Nationale pour la surveillance à la vente des effets de la liste civile et particulièrement délégué par mes collègues pour opérer la régénération révolutionnaire des autorités constituées en exécution du décret du 23 août dernier … ». Ce n’est pas un tendre (Cf sa biographie en fin de paragraphe).
Partout où il passe, il insiste sur les prestations de serment, la rentrée des contributions, la surveillance des citoyens et tout particulièrement des cultivateurs récalcitrants à satisfaire aux réquisitions, sur l’exécution des lois, notamment celle relative « au transport de la matière des cloches au district pour être convertie en canon, à l’effet de foudroyer une bonne fois les ennemis de la liberté et de l’égalité ; comme aussi du transport de l’argenterie de l’église si ça n’est fait « .
Et comme de fait, subitement, le 22 brumaire an 2, les officiers municipaux de la commune de Pussay remettent à l’envoyé de Jean Pierre Couturier, « un calice et sa patène, deux boîtes garnies et une custode, le tout d’argent et une croix d’argent avec son manche à feuille aussi d’argent et un soleil et un ciboire, pour le tout être envoyé à la monnaye « . Puis, le 1er frimaire, en réponse à une lettre du 30 brumaire relative à la recherche d’ornements garnis en or et en argent, un officier municipal fait passer à Etampes « deux étoles et un ornement de ciboire et huit petites mains galonnées, huit fleurs de lys, quatre couronnes, deux fonds d’autel, deux galons jaunes et blancs « . La commune peut certifier le 10 fructidor qu’il n’existe plus dans l’église ni or ni argent, ni même de cordage de cloches que le magasin militaire à Etampes réclamait. Elle lui répond « depuis la démolition de notre clocher fait en 1790, nous n’avons vu aucun cordage de cloche ni aucune connaissance où lesdits cordages ont passé « .
Mais bientôt, la loi du 23 brumaire an 2 autorise les municipalités à recevoir les déclarations des curés qui veulent abdiquer leurs qualités et l’arrêté du 9 frimaire de Jean-Pierre Couturier ordonne que dans les trois jours de sa publication, les ecclésiastiques se fassent inscrire sur le registre de la commune et remettent leurs lettres de prêtrise aux citoyens maire et officiers municipaux. Beaucoup de curés renonce à la prêtrise et ils le font généralement pour percevoir leur pension. Le curé de Pussay ne renonce pas.
Peu de temps après, le 26 frimaire an 2, le procureur syndic du district d’Etampes, Baron Delisle, se rend à nouveau à Angerville, où quelque agitation règne. Effectivement, le 16 frimaire, la municipalité d’Angerville avait dénoncé au district un rassemblement fait dans l’église pour demander un prêtre pour y dire la messe. Pour qu’il ne se passe rien de fâcheux, la municipalité avait remis les clés de l’église aux citoyens qui les demandaient. Cependant, elle avait été sévèrement réprimandée par le conseil d’Etampes qui avait considéré que « la conduite tenue par les citoyens d’Angerville est contraire à la raison et à la philosophie, que cette coalition peut produire des effets pernicieux au salut de la République, que c’est ainsi que la faveur des superstitions et le noyau de la Vendée s’est formé et grossi… et que si la municipalité et le comité de surveillance eussent respectivement fait leurs devoirs ils eussent mis sur le champ en état d’arrestation les auteurs de cette émeute « .
Les clés de l’église avaient finalement été remises au comité de surveillance, mais le procureur syndic du district d’Etampes, « instruit que dans le canton d’Angerville le fanatisme voulait, sur le prétexte de la liberté du culte allumer le feu de la discorde et arrêter le progrès de la Révolution « , tient à s’assurer du retour au calme. C’est alors qu’un membre du comité de surveillance d’Angerville l’invite à « observer de près la commune de Pussay qui attend un mouvement dans Angerville pour suivre un si funeste exemple « , ce qu’il fait le 13 nivôse.
Il commence par demander aux membres présents où en sont les opérations relatives à l’emprunt forcé : ils nomment aujourd’hui ou demain les commissaires vérificateurs. Il leur recommande de suivre avec exactitude et célérité les opérations relatives à l’emprunt forcé qui sont déjà en retard. Quant aux biens d’émigrés, ils répondent qu’ils ont les terres appartenant aux Darchambault dont quelques-uns sont à Chartres et les autres on ne sait où et les états de ces biens ont été remis au district. Puis il engage alors les officiers municipaux à « ouvrir les yeux de leurs concitoyens à la lumière et à ne plus s’amuser aux mômeries du prêtre qui ont tant fait de mal à la Vendée et à Coulommiers « . Il s’assure que le curé a vendu ses meubles, et est parti, mais après un mois d’absence à la fin de frimaire, il est revenu et « depuis son retour il dit la messe et a fait retomber dans le fanatisme les citoyens de cette commune. Il serait à propos d’appeler ce curé à la barre de l’administration pour lui demander compte des motifs d’une conduite aussi incivique et dont l’effet est de retarder le progrès de la raison « . Dans la marge, il précise : « Delanoue procureur de la commune est un fanatique protecteur du curé, il a dit que le curé ne s’était absenté que 15 jours, il rechignait quand on lui parlait d’anéantir le fanatisme. Ce Delanoue est un grand fabricant de bas qui n’est pas chaud patriote « .
L’arrestation de Jean Pierre Delanoue
Henry Gourday est alors le curé de Pussay. François Hue, le précédent curé était décédé le 16 janvier 1790 à 66 ans. Son neveu, Nicolas Hue, avait été nommé à la paroisse par l’évêque de Chartres, le temps de lui trouver un successeur, qui arrive très vite en la personne de Henry Gourday qui reprend les registres dès le 9 février 1790. Il ne figure pas dans la liste des ecclésiastiques qui ont justifié au directoire du district d’Etampes avoir prêté le serment à la Constitution ordonné par la loi du 27 novembre 1790, mais cela ne nous assure pas qu’il ne l’ait pas fait. La suite des événements nous donne cependant à penser qu’il ne l’a pas prêté. Le 30 décembre 1792 il remet les registres paroissiaux à la municipalité et le 2 janvier 1793 il continue à les tenir comme officier public.
Lorsque Jean Pierre Couturier fait paraître son arrêté du 9 frimaire ordonnant aux prêtres de remettre leurs lettres de prêtrise aux maires, Henry Gourday s’évanouit dans la nature et ne revient qu’à la fin de frimaire. Lors de la visite de Baron Delisle en nivôse, il est de retour, probablement avec le concours de Jean Pierre Delanoue. Ce dernier est effectivement un grand fabricant de bas et un important cultivateur.
Or, parallèlement à l’action contre les prêtres menée par Jean Pierre Couturier, le citoyen Deschamps avait été mandaté le 6 frimaire an 2 par la commission des subsistances et approvisionnements des armées de la République, pour mettre en réquisition partout où elles existaient, les matières premières, telles que laine, coton et fils, et les bas fabriqués, propres au service des armées. Son mandat couvrait les départements du Loiret, de l’Eure-et-Loir et à partir du 22 frimaire celui de Seine-et-Oise, où il avait établi le citoyen Pilon, pour le remplacer dans la commune de Pussay.
Suite au compte-rendu de Baron Delisle sur sa visite à Pussay et à ses propos à l’encontre de Jean Pierre Delanoue, le conseil général d’Etampes décide, le 17 nivôse an 2, par mesure de sûreté, d’apposer les scellés « sur les meubles et effets de Gourday ex curé de Pussay et sur les papiers des citoyens Pilon, Delanoue père et fils avec établissement de gardien « .
Deux jours plus tard, les Delanoue père et fils sont interpellés sur le motif que « Delanoue père fabricant de bas à Pussay a été dénoncé pour avoir dit à un citoyen qui lui demandait des bas en septembre dernier si je savais que ce fut pour les volontaires je ne les donnerais pas à si bas prix. Delanoue est l’agent national près la commune de Pussay et il est un de ceux qui ont arrêté le mouvement sublime du peuple contre la superstition étant une des causes du retour dans la commune de Pussay de Gourday curé, qui s’était en allé depuis un mois après avoir vendu ses meubles cherchant à abuser sur ce temps que ce prêtre a été absent. Delanoue père est complice de la violation du décret du 14 frimaire et en étant l’introducteur auprès de la municipalité de Pussay de Pillon qui se disant substitut du citoyen Deschamps a fait préhension de bas à Pussay ainsi qu’il est établi au registre de la municipalité de Pussay « .
A toutes ces accusations, Jean Pierre Delanoue répond que le curé a demandé, après la vente de ses meubles, un permis de voyager d’environ 20 jours, qu’il est revenu le 19ème jour de son départ, qu’il lui a demandé quand il serait à propos qu’il revint mais ne lui a pas donné réponse sur ce point. Il reconnaît qu’il s’est fait chez lui un rassemblement de femmes de Pussay pour demander la continuation de l’office, mais qu’aucune autorité n’a délibéré sur la demande de ces femmes, qu’elles sont venues chez lui en sa qualité de procureur de la commune et qu’elles ont également été à la municipalité et au comité de surveillance. A ce sujet, il ajoute « craignant quelques mauvais tour de la fureur où il les voyait il les a engagé à la patience et attendre un autre temps et les circonstances où la loi leur permettrait de se livrer à leur culte, qu’après ce propos elles se sont retirées et sont revenues une seconde fois où il a usé du même moyen « . De plus, il était absent lors du rassemblement qui a eu lieu 4 ou 5 jours après à Angerville et « n’a pu rien y faire ni rien empêcher « .
Concernant les propos qu’ils auraient tenu sur la vente des bas et qui sont à l’origine de sa dénonciation, il les réfute : il ne les a jamais tenu. Il a bien à l’époque, en septembre passé un traité de bas, lequel n’a pas été suivi d’effet car « ces bas étaient trop petits et incapables de servir aux volontaires « .
Quant à la violation du décret du 14 frimaire qui interdisait la subdélégation de pouvoirs, il reconnaît qu’il a agi sans mauvaise intention et qu’il ignorait absolument cette disposition de la loi, « que la plus grande partie des agents nationaux ignorait des lois et pêchaient souvent par ignorance que d’ailleurs c’était le citoyen Pillon lui-même qui avait provoqué l’enregistrement des préhensions de bas qu’il faisait « .
Les dénonciations ne s’arrêtent pas là. Le citoyen Meunier, administrateur, témoigne que, voyageant en brumaire en cabriolet avec le citoyen Delanoue de Méréville, nommé depuis agent du département, le citoyen Delanoue de Pussay leur a dit « que c’était une barbarie d’envoyer ainsi la jeunesse à la boucherie, que le curé de Maisse était un scélérat d’avoir incité les quatre jeunes gens qui avaient été à la convention demander des armes et déclarer qu’ils étaient prêts à partir que ledit Delanoue en leur parlant ainsi était à pied et tenait le timon de leur cabriolet « . Ce à quoi Jean Pierre Delanoue rétorque « qu’il eut été le plus imbécile des hommes de tenir un pareil discours à des citoyens qu’il connaissait l’un comme administrateur « .
En attendant plus ample information, le conseil général d’Etampes maintient le citoyen Delanoue père en arrestation et libère le fils » à la charge de partir sur le champ rejoindre son bataillon avec la défense de correspondre avec son pays et sa famille directement ou indirectement avant son arrivée à son bataillon après d’être considéré comme suspect, charge le commissaire des guerres de demander lui-même à la famille de ce jeune homme les effets qu’il aura besoin de tirer de la maison de son père « .
Le 21 nivôse an 2, Deschamps réagit auprès de l’agent national du district d’Etampes : « Je viens d’apprendre à l’instant qu’il y avait un mandat d’arrêt lancé par le district d’Etampes contre les citoyens Pillon et Delanoue à Pussay que j’ai chargé de la surveillance de la fabrication et des trois dépôts de bas que j’ai établi pendant mon absence. Je te prie, Citoyen, de vouloir bien m’instruire du motif qui a provoqué ce mandat d’arrêt afin que j’en rende compte aussitôt à la commission des subsistances et approvisionnement de la République et que la chose publique n’en souffre pas « .
Le 24 nivôse, à deux heures de l’après-midi, les commissaires et membres du comité révolutionnaire du canton d’Angerville, accompagnés du commandant de la gendarmerie et de quatre gendarmes nationaux, arrivent à Pussay chez le citoyen Dujoncquoy fabricant de bas, où séjournait le citoyen Pillon et, après s’être fait indiquer sa chambre, confisquent une partie des effets lui appartenant, dont « deux pistolets garnis de leur feu un mauvais briquet et son cinturon, … que nous remettrons au directoire du district pour l’armement des volontaires défenseurs de la patrie, les autres articles désignés sont restés chez le citoyen Dujoncquoy qui a signé avec nous le présent « .
« De là nous sommes transportés au ci devant presbytère où nous avons trouvé une malle appartenant au cidevant curé sur laquelle le scellé du directoire d’Etampes était apposé, d’après les observations du maire qui nous a déclaré que le district devait faire emporter ladite malle à Etampes nous avons jugé nécessaire ne point lui mettre notre cachet dans la crainte d’y apporter du retard. De là nous sommes transportés chez le citoyen Delanoue, nous a répondu que son père était à la congrégation à Etampes et son frère rejoindre son bataillon, nous a dit aussi que les scellés étaient apposés sur le tiroir de leur armoire où étaient leurs papiers, nous l’ayant fait représenter nous y avons trouvé le scellé en bon état et y avons apposé le nôtre avec un ruban de laine violet. L’avons signé Pierre Paul Dujoncquoy, Roger maire, Dupuis commandant de la gendarmerie et Lagesse et Mousset commissaires « .
Les choses ont dues ensuite rentrer dans l’ordre. Henry Gourday déclarera le 2 germinal an 4, vouloir exercer le culte catholique dans l’église de Pussay, se conformant ainsi à l’article 17 de la loi du 7 vendémiaire. Jean Pierre Delanoue rachètera la moitié du château aux héritiers Deniseau et d’Archambault en 1809. Mais il ne faisait tout de même pas bon vivre ces instants-là.
*Biographie de Jean Pierre Couturier, extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (A.Robert et G.Cougny) et du site de l’Assemblée nationale :
« député à l’Assemblée législative de 1791, membre de la Convention, et député au Conseil des Cinq-Cents, né à Porcelette (Moselle), le 16 novembre 1741, mort à Issy (Seine), le 5 octobre 1818, était, au moment de la Révolution, lieutenant civil et criminel du bailliage de Bouzonville; il devint, en 1790, juge au tribunal du même district. Elu, le 3 septembre 1791, député de la Moselle à l’Assemblée législative, le 1er sur 8, par 227 voix sur 442 votants, demanda (16 mars 1792) d’accorder une amnistie pleine et entière à Jourdan » Coupe-Tête » et à ses complices d’Avignon, et (13 mai) d’emprisonner les prêtres qui refuseraient de prêter le nouveau serment. Elu, le 6 septembre 1792, dans le même département, membre de la Convention, le 3e sur 9, par 152 voix sur 298 votants, il était en mission dans la Moselle lors du procès de Louis XVI, et ne prit pas part au jugement. En mission dans Seine-et-Oise (septembre 1793), il sévit contre les prêtres et contre les juges; il maria nombre de prêtres « sans-culottes », et proposa de défricher le parc de Versailles. Quant aux juges: » J’étais, disait-il, à 26 ans, juge en chef du plus grand bailliage de la ci-devant Lorraine, et je terminais tous les procès à l’amiable, sans souffrir que les parties fussent rongées par la vermine. » Il voulait faire disparaître de la surface de la République » ce monstre de la chicane « . Lors de la condamnation de Carrier, Couturier approuva sa conduite, et lui reprocha seulement de n’avoir pas tenu compte des ordres de la Convention. Le département de la Moselle l’envoya siéger au Conseil des Cinq-Cents, le 24 vendémiaire an IV, par 109 voix; il en sortit l’année suivante, pour y rentrer le 24 germinal an VI. Il y réclama et obtint (thermidor an VI) la vente des biens du clergé protestant, et combattit l’impôt sur le sel. Le coup d’Etat de brumaire le rendit à la vie privée « .
Les répercussions de la guerre
Dans la liste de la première compagnie du premier bataillon de la première réquisition de l’an 2, figurent les noms de Louis Belzac, 23 ans, Jacques Buret, 18 ans, Jean Baptiste Cochin, 19 ans, Vincent Arnoult Ballot, 18 ans, Michel Lecomte, 22 ans, Zacharie Mesnard, 20 ans, Jean Baptiste Séjourné, 20 ans, Jean Bourdeau, 18 ans, Jean François Deslanges ? 18 ans, Jean François Léger, 19 ans, Jean Baptiste Duret, 22 ans, André Brossonneau, 20 ans, Louis Delanoue, 21 ans ; les trois premiers au grade de caporal, les deux suivants au grade d’appointé et les autres en tant que fusiliers.
Il y avait ainsi 14 compagnies pour le district d’Etampes d’une centaine d’hommes. Le capitaine de la première compagnie était Jean Charles Boudon de Saint-Escobille, 23 ans ; le lieutenant, Pierre Aubert de Châlo, 20 ans ; le sous-lieutenant, Charles Sommaire de Chalou Moulineux, 22 ans ; ensuite, il y avait le sergent major, les 1er, 2ème et 3ème sergents, le caporal fourrier, six caporaux, six appointés, puis les fusiliers.
Jean Pierre Delanoue avait un fils prénommé Louis, il n’est donc pas impossible que ce soit celui dont il a été question plus haut. Mais nous allons maintenant nous intéresser à André Brossonneau. Les hommes rentrent parfois blessés de la guerre. En frimaire an 5, le président de l’administration municipale d’Angerville demande aux citoyens Serveau et Gouny, officiers de santé à Angerville et Méréville, conformément à la lettre du ministre de la guerre en date du 19 brumaire, de visiter le citoyen André Brossonneau, ex fusilier en la 144ème demie brigade résidant à Pussay, afin de constater la nature de ses blessures ou infirmités et qu’il soit statué sur la pension à laquelle il a droit.
Après avoir été dans le premier bataillon d’Etampes, commandé par le citoyen Boudon, il s’était porté « volontaire » dans la 144ème demie brigade, tout comme d’ailleurs Antoine Cochin. Le rapport rendu le 26 frimaire au citoyen Petiet ministre de la guerre, atteste que le citoyen Brossonneau est « hors de rendre aucun service à la République » des suites des « fatigues de la guerre « . Il a perdu l’usage de ses membres et ne peut plus travailler. La conclusion s’exprime ainsi : « Veuillez donc citoyen ministre prendre la triste situation de ce citoyen, qui n’a aucune ressource pour vivre ne pouvant travailler, en grande considération en le faisant jouir de la subsistance de 30 sols par jour tel qu’il avait toujours joui « , car entre temps ce secours lui avait été supprimé.
André Brossonneau décédera à 39 ans le 5 mars 1812, célibataire, et le maire Louis Chaudé, faisant fonction d’officier public, inscrira sur le registre « garçon pauvre et infirme « . Pour les autres soldats, ceux que nous n’avons pas perdu de vue, le retour fut moins tragique.
L’autre aspect de la guerre, nous en avons longuement parlé dans les annexes relatives au canton, concerne les réquisitions et de ce point de vue, Pussay est logée à la même enseigne que toutes les autres communes des cantons : elle doit fournir grains, pailles, fourrages, chevaux, voitures à chaque réquisition. Il s’agit de nourrir l’armée, mais aussi d’approvisionner Paris, les étapiers, les maîtres de poste et les entrepreneurs des routes.
LE DIRECTOIRE JUSQU’AU 18 BRUMAIRE AN 8
De la chute de Robespierre et des Montagnards au coup d’état de Bonaparte, la Convention thermidorienne puis le Directoire tâtonnent, hésitent et la Révolution s’apparente plus à celle de la première phase.
Les élections
Après le 9 thermidor an 2, les autorités constituées sont destituées, ainsi à Pussay :
Le maire : Armand Roger
L’agent national : Jean Pierre Delanoue
Les officiers municipaux : Jacques Colas, Philippe Deblois, Jean Plé
Les notables : Charles Langlois, Pierre Cochery, Vincent Quinton, Honoré Gastineau, Zacharie Ménard, François Robert, Denis Bertrand, François Delaporte, Pierre Paul Dujoncquoy, Louis Jérôme Breton, Jean Perchereau
Les membres du comité de surveillance : Louis Chaudé l’aîné, François Bertrand le jeune, Augustin Plançon, Pierre Hardy, Vincent Peltier, Augustin Thomain, Jean Baptiste Peigné, Georges Chaudé, Gabriel Cochin, Jacques Davoust, Antoine Cochin, Jacques Buret.
En frimaire an 3 la nouvelle municipalité de Pussay, laquelle compte 645 habitants, se compose ainsi :
Pour la municipalité : le maire, Roger, trois officiers : Jacques Colas, Philippe Deblois, Jean Plé. Il manque donc deux officiers municipaux et un agent national.
Pour les notables : François de la Porte, François Robert, Pierre Cochery, Honoré Gâtineau, Zacharie Mesnard, Jean Perchereau, L. Gérôme Breton, Denis Bertrand, Pierre Paul Dujoncquoy, Vincent Quinton, Charles Langlois. Il manque un notable.
Dans la colonne « Observations des municipalités », des noms sont donnés pouvant peut-être, c’est le cas pour d’autres communes, mais ce n’est pas précisé pour Pussay, combler les places vacantes : Denis Chaudé, marchand de bas ; Antoine Cochin, idem ; Charles Langlois, idem ; Augustin Thomain, ouvrier en bas ; François Buret, marchand de bas ; Jean Pierre Delanoue, marchand ; Alexis Thomain, ouvrier en bas ; Pierre Boureau, marchand de bas ; Alexis Bertrand, ouvrier ; Henry Boudan, ouvrier ; Pierre Chaudé, marchand ; François Thomain, ouvrier ; Charles Séjourné, ouvrier ; Pierre Perot, maçon ; Vincent Peltier, marchand de bois ; François Blin, vivant de son revenu.
Il est observé « Il nous manque dans le corps municipal deux officiers municipaux, un notable et de plus conséquent un agent national « ; c’est bien le seul village où il manque l’agent national. Au vu des signatures Langlois est greffier.
En brumaire an 4 : Les communes du canton doivent procéder à l’élection de leur agent municipal et adjoint, mais « quant aux communes de Pussay, Congerville, Mérobert, Chalou-Moulineux, personne ne s’étant présenté si ce n’est Jean François Ambroise Thomas agent national de Pussay [il avait enfin été nommé] qui a déclaré que Pussay n’a point encore fait d’élection d’agent municipal et d’adjoint de la dite administration et de même pour Chalou Moulineux « , ces communes sont tenues le 24 brumaire d’élire leurs représentants dans les trois jours.
Les choses sont toujours en l’état le 3 frimaire quand il s’agit de pourvoir à la contribution foncière en quintaux de grains. Il est enjoint à chacun des agents des communes de commencer la perception sur les contribuables et de la terminer dans les trois jours. « A l’égard des communes de Congerville, Mérobert, Chalou, Moulineux et Pussay qui n’ont point encore nommé leur agent, l’administration municipale est autorisée d’y suppléer pour la présente opération par des commissaires qu’elle nommera à cet effet « . Pierre Paul Dujoncquoy et Chaudé l’aîné sont ainsi nommés commissaires pour Pussay. Ils doivent répartir les quantités de grains qui leur sont assignées (3350 quintaux pour les communes du canton d’Angerville sur les 24 000 requis pour le département) et en faire faire le versement par les contribuables dans les trois jours à la congrégation à Etampes, sinon ils seront dénoncés aux autorités supérieures. Car bien sûr, les réquisitions continuent d’aller bon train.
A l’époque du 1er fructidor an 4, cependant, dans le tableau des membres composant l’administration municipale du canton d’Angerville, figurent pour Pussay, Antoine Cochin et Louis Chaudé qui se disent tous deux agent municipal.
La Constitution de l’an 3 partageait le pouvoir législatif entre deux Conseils, élus pour trois ans au suffrage restreint : le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens ; l’exécutif, ou Directoire, étant entre les mains de cinq membres. En l’an 5 a lieu le renouvellement par tiers des deux conseils et les électeurs donnent la majorité aux modérés et aux royalistes, ce que l’exécutif, principalement Barras, Lareveillière et Reubell, voit d’un très mauvais œil. Ils font appel à Bonaparte qui leur envoie le général Augereau. Ce dernier occupe Paris dans la nuit du 18 fructidor, pendant que des affiches sont placardées dans la capitale dénonçant une collusion entre les Royalistes et les Anglais. Le coup d’état vient de réussir sans qu’une goutte de sang n’ait été versée. Cependant, la répression va suivre : des députés, des prêtres sont déportés en Guyane, les élections sont annulées dans de nombreux départements.
Le 16 frimaire an 6, le Ministre de l’intérieur se voit obligé de rappeler dans une circulaire à l’administration centrale du département de Seine-et-Oise, que l’épuration, si nécessaire dans les départements cités par la loi du 19 fructidor, n’est pas encore effectuée ; cette épuration « de laquelle dépendent la revivification de l’esprit républicain dans vos arrondissemens et la liberté des suffrages aux prochaines assemblées primaires « . La majorité des administrations fait revenir dans son sein « les mêmes fonctionnaires que la loi du 19 fructidor avait exclus, et surtout parmi eux ceux que leur incivisme, leur immoralité ou leur incapacité notoires devaient principalement éloigner de la magistrature populaire « .
Un mois plus tard, le 17 nivôse, comme rien ne bouge, le Ministre enfonce le clou : « Ainsi, les fonctionnaires protecteurs du fanatisme et de la royauté, les amis des émigrés, les provocateurs des troubles, les hommes d’une immoralité scandaleuse ou d’une incapacité absolue, continuent d’occuper des places qui appartiennent aux vrais Républicains, aux défenseurs de la Constitution, à ceux dont les lumières et la fermeté civique peuvent seuls répondre au Gouvernement de l’entière exécution des lois « .
Entre temps, le 13 nivôse an 6, une ampliation du Ministère de l’intérieur précisait : « Le directoire exécutif, considérant que l’administration municipale du canton d’Angerville s’est laissée influencer par le royalisme et que loin de montrer dans l’exercice de ses fonctions la fermeté et l’énergie qui doivent caractériser les magistrats républicains, elle affecte l’indifférence la plus marquée dans l’exécution des lois, arrête, tant en vertu des articles 196 et 198 de l’acte constitutionnel que de la loi du 13 vendémiaire dernier :
Article 1er Tous les membres de l’administration municipale du canton d’Angerville non rappelés ci après sont destitués
Article 2 Cette administration sera composée ainsi qu’il suit savoir :
Les citoyens Courtois aubergiste à la belle image, président ; Rousset agent de la commune d’Angerville ; Drot adjoint ; Pierre Roulleau père agent de Méréville ; Corpéchot adjoint actuel, adjoint ; Alopé fermier agent de Monnerville ; Lacheny épicier adjoint ; Cochin agent actuel, agent de Pussay ; Chaudé adjoint actuel, adjoint ; l’agent et l’adjoint actuels de Thionville ; Marchon fils adjoint actuel, agent de Congerville ; Jean Pierre Fralon, adjoint Mullart agent actuel, agent de Chalou ; Moulineux Hautefeuille cultivateur adjoint actuel adjoint ; Lenoir cultivateur agent de Mérobert, Denis François Marcil thuilier adjoint ; Lefêvre agent actuel de Saint-Escobille et rabourdin adjoint actuel, adjoint.
Article 3 Le Ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté qui ne sera pas imprimé« .
Les élections municipales de Pussay qui suivent celles du canton, le 23 germinal, donnent un résultat un peu différent. Il y a 25 votants. Charles Langlois, marchand de bas réunit 16 voix, il est élu agent municipal ; Louis Gry réunit 13 voix, il est élu adjoint municipal. Cependant, Charles Langlois déclare ne pouvoir accepter et le citoyen Louis Gry est absent. Le 24 floréal, dans une lettre au commissaire du directoire exécutif de l’administration centrale du département de Seine-et-Oise, le commissaire du directoire exécutif président l’administration municipale du canton d’Angerville propose de nommer Cochin, ancien agent municipal et Gry, adjoint exerçant aujourd’hui cette fonction en vertu de la dernière nomination. Les élections du 25 floréal an 6 entérineront cette proposition, mais il n’y a plus que 11 votants.
Le 11 germinal an 7 « Bertrand Gry adjoint de cette commune [Pussay] ayant fait prévenir les citoyens au son de la caisse de se trouver au lieu des séances des assemblées communales ordinaires, et après avoir fait tirer la cloche à différentes fois, les citoyens rassemblés, leur a fait part que le motif était pour élire un agent municipal « . L’assemblée, composée de 25 votants, passe au scrutin : Antoine Cochin, marchand de bas réunit 15 voix, Chaudé l’aîné 7, Dujoncquoy 2 et Denis Chaudé une. Antoine Cochin est élu agent municipal, ce qu’il accepte.
Réglementation du culte
Après la chute de Robespierre, la convention thermidorienne vote le décret du 3 ventôse an 3 sur la liberté des cultes, mais interdit les manifestations extérieures. Bientôt, la loi du 11 prairial restitue les églises à leur ancienne destination. Enfin le décret du 7 vendémiaire an 4 réglemente l’exercice du culte : ce dernier étant libre, il s’agit dorénavant de l’encadrer, d’où l’article 1 « Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique » et l’article 5 « Nul ne pourra remplir le ministère d’aucun culte, en quelque lieu que ce puisse être, s’il ne fait préalablement, devant l’administration municipale ou l’adjoint municipal du lieu où il voudra exercer, une déclaration dont le modèle est dans l’article suivant … Je reconnais que l’universalité des citoyens français est le souverain, et je promets soumission et obéissance aux lois de la République « .
Dès le 1er germinal an 4, les registres de délibérations des communes sont donc examinés avec toute l’attention possible. Dans les communes d’Angerville, Thionville, Saint-Escobille, il n’existe en ce moment aucun ecclésiastique. François Barrelier à Méréville, Henry Gourday à Pussay, Charles Bernier à Congerville, Nicolas Perron à Mérobert exercent le culte catholique. A Monnerville, Etienne Buisson, ex curé marié depuis plus de deux ans et instituteur, n’exerce aucun culte, de même qu’à Chalou, les citoyens ex curés Lefort et Etienne Dufay ; le premier étant également marié depuis près de deux ans et instituteur. L’administration reconnaît d’ailleurs qu’ils se sont conformés aux diverses dispositions des lois. En conséquence, ils restent dans leur commune respective sous la surveillance des agents municipaux. La vie est tout de même plus calme en cette dernière phase de la Révolution.
Vie quotidienne
En thermidor an 3, la commune demande deux dragons à l’administration d’Etampes, que celle-ci lui envoie, pour garder les moissons. Ils seront logés, nourris ainsi que leurs chevaux et payés chacun par la commune à raison de 3 livres par jour pendant tout le temps qu’elle les employera.
En germinal an 4, l’administration a connaissance qu’il se fait des abattages d’ormes et de chênes dans les bois de Pussay provenant de l’émigré d’Archambault et du lieu appelé Châtillon. Elle dépêche le citoyen Rigobert Houdon, garde forestier domicilié à Angerville, pour aller y constater les faits et s’assurer de leur auteur. Il a effectivement été abattu dans le parc de Pussay par ordre du citoyen Armand Roger deux ormes et trois chênes, qui seront conduits dans la cour de l’administration pour en être statué, non sans que le citoyen Armand Roger qui n’a pu exhiber l’ordre qui lui a été donné d’abattre les arbres, ne soit sévèrement réprimandé.
Le quotidien est toujours marqué par les réquisitions fournies avec plus ou moins, plutôt moins, de bonne volonté. En ventôse an 4, les marchés ne sont toujours pas approvisionnés « par la cupidité de quelques cultivateurs qui préfèrent vendre leurs grains à des vils agioteurs qui de concert avec eux cherche à entraver la circulation des subsistances et met le malheureux dans l’impossibilité de se procurer les besoins les plus pressants à la vie « . L’administration décide donc de faire dresser un tableau avec les noms des cultivateurs et propriétaires de grains, la quantité de charrue de labours qu’ils exploitent, les noms des propriétaires non exploitants, les quantités de grains ou farines qu’ils devront fournir chaque jour de marché et de contrôler qu’ils les fournissent effectivement !
Cela nous apprend que Louis Bertrand Gry, Jean François Delaporte, Ambroise Thomas, Jean Denizeau, Louis Duret exploitent deux charrues et doivent en conséquence livrer quatre quintaux de grains par charrue au marché ; que Etienne François Robert, Jean Pierre Delanoue, Pierre Bourreau/Ch Séjourné, exploitent une charrue et doivent livrer deux quintaux de grains ; enfin que Denis Bertrand Chaudé qui n’exploite qu’une demie charrue n’aura qu’un quintal à livrer.
Toujours en ventôse an 4, une levée de chevaux, juments, mules et mulets est ordonnée pour le service des armées de la République. Huit commissaires sont donc nommés pour les recenser : Chaudé l’aîné, maréchal et Pierre Gry pour Pussay qui compte alors 65 chevaux. La ville en aura donc deux à fournir, le canton d’Angerville devra en fournir 22. Les propriétaires qui souhaitent s’entendre entre eux, demandent à l’administration de leur laisser un délai jusqu’au 9 germinal, car ils ne peuvent s’exécuter en deux jours comme la loi le prescrit. L’administration fixe la date du 16 germinal pour le départ des chevaux et nomme François Germain Gillet, agent municipal de Monnerville, pour les accompagner à Versailles, où ils seront examinés, estimés et réceptionnés par le commissaire du directoire exécutif. Les deux chevaux de Pussay sont fournis par Ambroise Thomas et François de la Porte. Ces derniers recevaient des bons en paiement des chevaux fournis, dont ils pouvaient se servir pour acquitter leurs contributions de l’an IV, des années antérieures ou futures.
Les rôles de contributions ne sont pas mieux exécutés. En ventôse an 4, le rôle de la contribution personnelle et somptuaire pour Pussay, est fini et en recouvrement, mais le rôle de la contribution foncière n’est pas fait, « il leur manque de feuilles tant pour la matrice que pour le rôle exécutoire « . Et l’administration tranche « vu l’inexécution des rôles de contribution foncière de l’an III et l’insouciance de plusieurs agents municipaux pour l’exécution d’iceux, le commissaire du directoire exécutif nomme 6 commissaires pour la perfection de ces rôles : Tessier pour Angerville, Barbier pour Méréville, Véron pour Mérobert, François Grangé pour Saint-Escobille, Lefort pour Chalou-Moulineux Thionville Pussay et Monnerville, Pavard pour Congerville, tenus de rendre à l’administration leur travail dans 15 jours « .
La Révolution n’a en tout cas pas laissé d’empreinte sur les prénoms donnés aux enfants. Deux cas seulement se présentent. Le 11 ventôse an 2, Jean Jacques Fillau, apprêteur en bas et Françoise Héron, assistés de Augustin Plançon et Baptiste Pichard tous deux ouvriers en bas, prénomment leur enfant Jacques Vantos. Le deuxième cas est plus remarquable : le 28 brumaire an 3, Pierre Augustin Plançon apprêteur de bas et Marie Anne Plé, assistés de Jean Baptiste Peigné et Jean Baptiste Pichard tous deux apprêteurs également, prénomment leur fils : Augustin à la République. 27 ans plus tard, par jugement du tribunal de la Seine le 9 novembre 1821, « les membres du tribunal requièrent, dans l’intérêt du gendarme Plançon caserné à Paris, de l’autoriser à ne porter à l’avenir que le prénom d’Augustin et de supprimer celui « à la République » donné à sa naissance le 28 brumaire an 3 « .
Sources :
Archives Départementales de l’Essonne, Série L
L91 à 98 registres des délibérations d’Etampes
L105 municipalités et visites communales
L109 réorganisation des autorités
L118 police et sûreté générale, avis de recherche
L121 dénonciations et arrestations
L130 registre de correspondance du canton d’Angerville
L487 actes et jugements
L727 à 729 justice de paix du canton d’Angerville
Archives départementales des Yvelines
Série 1L élections, culte, armée
Série 1Q et 5Q vente des biens de première et seconde origines
L’Ancien Régime et la Révolution 1750-1815 par René Rémond, collection Points Histoire du Seuil
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