La Révolution dans les moeurs

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Secours aux indigents

Sous l’Ancien Régime, les secours relevaient, quand ils existaient, du domaine privé ou de celui de l’église. Dorénavant, ils relèvent du domaine public, mais l’assistance n’est plus aussi immédiate. A Méréville et Angerville par exemple, beaucoup d’initiatives avaient été prises par le marquis de Laborde. Il fournissait le pain aux pauvres de Méréville et d’Angerville et sa veuve avait continué de le faire. Lorsque le citoyen Dubois, boulanger, se présente en prairial an 2 pour se faire payer et savoir s’il doit continuer ses fournitures comme par le passé, le conseil général, considérant que la nation a pourvu au secours des indigents par ses lois des 28 juin 1793 et 13 pluviôse dernier ; qu’au moyen de la condamnation à mort de Laborde la distribution des secours cesse de droit, arrête que le citoyen Dubois doit cesser toute distribution. Pour toute une catégorie de petites gens pauvres, c’est un changement considérable, car les secours accordés par la nation ne les atteignent pas aussi directement.

Le ministre de l’intérieur annonce effectivement dans une lettre du 30 pluviôse an 2 au district d’Etampes, que les secours décrétés par la convention nationale le 13 pluviôse, sélève à un montant de 13545 livres 14 sols pour le disrict. Au vu de la loi du 28 juin 1793, ces secours ne peuvent profiter ni aux femmes, enfants, pères, mères, frères et sœurs des défenseurs de la patrie, ni à ceux qui ont éprouvé des pertes soit par l’intempérie des saisons, soit par l’effet de la guerre, parce qu’il y a des fonds consacrés pour ces objets. Ils ne concernent pas non plus ceux qui jouissent déjà d’autres secours. «  Il faut spécialement s’attacher à remplir le vœu de l’humanité et à soulager les plus indigents dans les différentes classes que la loi indique « , à savoir : les enfants appartenant à des familles indigentes qui n’ont pour toutes ressources que le produit de leurs travaux lesquels ne peuvent pourvoir aux besoins de la famille, les enfants abandonnés et dénommés par la loi sous le titre d’orphelins, les vieillards et indigents.

Le montant des secours s’élevait à 10172 livres pour une population de 40688 âmes, à raison de 5 sols par tête, et à 3373 livres 14 sols pour un nombre de 10307 indigents (soit 25 % de la population), à raison de 2 livres 11 sols 7 deniers. Le conseil général d’Etampes répartit donc la somme à laquelle chaque commune a droit, en fonction de la population et des indigents, mais la liste ne fait apparaître aucun indigent dans des communes comme Chalou-Moulineux, Congerville, Méréville, Saint-Escobille, Blandy, Bois-Herpin, Estouches, La Forêt, Marolles, Roinvilliers.

D’ailleurs, dès floréal an 2, plusieurs communes adressent des plaintes au commissaire aux secours sur ce que, dans la commune d’Etampes, on a admis aux secours quantité de citoyens qui pourront aisément s’en passer, tandis que dans les campagnes on rejetait avec sévérité des citoyens beaucoup plus mal à leur aise. Le conseil d’Etampes déjà instruit de ces abus par plusieurs plaintes et renseignements particuliers ;

considérant que la loi, en ordonnant que ceux qui vivaient du travail de leurs enfants auront seuls droit aux secours, n’a pas donné à l’administration le pouvoir de redresser les abus d’exécution que pourraient commettre les commissaires vérificateurs en admettant ou rejetant injustement ceux qui y prétendent ;

arrête que le comité de salut public et la commission de secours seront consultés sur la question de savoir si le district peut et doit connaître et faire la réforme des abus et injustices qui se sont commises dans la distribution des secours.

Il y a donc dès cette époque des problèmes dans la distribution des secours. De surcroît, un homme comme le marquis de Laborde ne s’occupait pas seulement de distribuer du pain. Il veillait aussi à soigner les malades pauvres de Méréville et en avait chargé le citoyen Gouny, chirurgien à Méréville, moyennant 300 livres par an. Mais là encore, considérant que les biens de Laborde condamné à mort appartiennent présentement à la nation et que par des décrets bienfaisants elle distribue des secours à la classe indigente, le conseil général est d’avis qu’il soit accordé au citoyen Gouny un mandat de 300 livres pour les six derniers mois de 1793 et les six premiers de 1794, à prendre sur la caisse du receveur de l’agence nationale d’Angerville et qu’à compter du 1er juillet le traitement de Gouny cessera d’avoir lieu.

Les bienfaits des époux Laborde ne s’arrêtaient pas là. Ils prenaient aussi en charge l’apprentissage des enfants des gens pauvres. La citoyenne Gouny, couturière à Méréville, avait été chargée par la citoyenne veuve Laborde de l’apprentissage de la fille Leguillier. Le conseil général acceptera de payer l’apprentissage jusqu’à son terme mais la pratique sera ensuite terminée et il y a plusieurs cas de ce type.

Subsistance, Troubles

Manque d’ouvrage, manque de subsistance, désorganisation des secours et ajouté à cela une augmentation du coût de la vie galopante :

Le 4 frimaire an 3, le citoyen Armand Prévot, secrétaire greffier d’Angerville, explique qu’il ne peut «  rester plus longtemps aux appointements de 900 livres à quoi il était fixé, vu l’augmentation indéfinie des subsistances et marchandises « . Il sera donc payé 1200 livres par an à compter du «  1er fructidor deuxième année républicaine  ». Nouvelle demande de sa part et de ses collègues le 19 pluviôse an 3 : Prévot, greffier, Rousseau commis greffier et Alleaume concierge des prisons, «  suite à leur réclamation et vu l’augmentation des subsistances qui ne cesse de se faire sentir à tout moment  » recevront respectivement 1800 livres, 200 livres et 600 livres par an à compter du 1er frimaire. Le 10 prairial an 3, les appointements du citoyen Prévot, secrétaire greffier, seront de 2400 livres à compter du 1er ventôse dernier. Enfin, le 23 fructidor an 3, il lui est alloué chaque année la valeur de 8 sacs de blé méteil et 1500 livres valeur nominale à partir du 1er messidor. Autrement dit, les salaires avaient triplé en moins d’un an ce qui laisse augurer de l’augmentation des vivres.

«  En payant les employés en assignats, l’augmentation progressive que les marchandises et denrées de première nécessité éprouvent en ce moment leur diminuerait d’autant leur traitement de jour en jour, il est donc sensé de leur donner une quantité de grains qui leur sera payée au cours pour appointements, que par là si les denrées et marchandises augmentent, leur traitement augmentera que si au contraire elles diminuent il en sera de même « . Voilà où on en était au 1er frimaire an 4, relativement aux appointements des employés.

Il n’est donc pas étonnant que des troubles se produisent. Le 9 mars 1792, il y a sur le marché d’Angerville assez de blé eu égard à ce qui s’y en apporte ordinairement, mais il s’y trouve aussi un plus grand nombre de prétendus acheteurs armés. Le maire et les officiers municipaux étant sans aucune force, la garde nationale du lieu n’étant pas organisée, ils en sont réduits pour sauver leur vie, à taxer le blé à 24 livres le sac et les autres grains en conséquence. Il y a un monde considérable et des voix s’élèvent trouvant la taxe trop forte et demandant qu’elle soit ramenée 21 livres. Alors que tous les grains exposés sur le marché ont été vendus, huit personnes, ayant à leur tête un particulier dont ils paraissent suivre l’impulsion, se présentent au maire et officiers municipaux dans la maison commune et demandent où ils pourraient se procurer du blé dont ils ont grand besoin. Entraînés par eux, les officiers les conduisent chez Monsieur Bouilly où le sieur Boivin, laboureur à Richarville, entrepose du grain en réserve. Il s’y trouve justement et offre de leur en délivrer autant qu’il en a au prix de 24 livres comme il avait été taxé par la municipalité, quoique ce blé eut été par lui vendu antérieurement à un prix plus haut à un marchand. Sur ce, ils objectent qu’ils ne désirent point acheter du blé de première qualité, mais du blé mêlé d’orge, qu’il fallait que «  Messieurs les officiers municipaux leur en procurassent, sinon qu’ils allaient voir « . Les officiers en trouve chez Monsieur Paillet qui s’offre de leur vendre du blé méteil au prix de 17 et 19 livres et de l’orge à 12 livres le sac. Ils refusent d’en prendre excepté trois qui achètent et payent chacun un sac. Quant aux autres, au lieu de se retirer, ils passent la nuit dans des cabarets et vont frapper à plusieurs reprises à la maison commune en insultant le corps municipal et aux portes des sieurs Gatineau, Pilleau et Paillet, tous trois marchands de blé en leur disant avec emportement de sortir et qu’ils les mettraient «  à la lanterne « . En quittant le bourg le matin, ils ont crié au feu. Selon le procureur de la commune, les conducteurs de cette troupe s’appellent Raguin, apprêteur de bas et Gautron, manouvrier, garçon majeur demeurant chez sa mère, tous deux de Pussay.

Procès-verbal de la visite du directoire du département sur le marché d'Angerville le 16 mars 1792

Chargés de rétablir l’ordre et la liberté du commerce des subsistances par la délibération du sept mars, les commissaires du directoire du département viennent à Angerville la semaine suivante, dénoncent Raguin et Gautron comme les principaux auteurs des violences qui ont été faites sur le marché le vendredi 9, dénoncent pareillement les fauteurs complices et promoteurs des rassemblements à main armée qui ont eu lieu dans les environs et demandent au juge de paix d’instruire une enquête. La semaine suivante le commandant du 18e régiment en station à Etampes est requis de faire partir pour le marché d’Angerville, 30 hommes de sa compagnie pour déférer aux réquisitions qui pourront être faites par ladite municipalité relativement à la sûreté et à la tranquillité du marché.

Quant aux coupables, ils sont interrogés le 9 avril. L’un se nomme Jean Jacques François Raguin apprêteur de bas à Pussay âgé de trente et un ans ou environ. Il est parti de Pussay sur les onze heures et demi pour se rendre au marché d’Angerville, pour acheter du blé argent comptant, suivant le prix, pour nourrir sa famille. Il a prié les officiers municipaux de lui en procurer, ainsi qu’à ceux qui étaient avec lui. Ayant trouvé du blé de première qualité chez le sieur Bouilly, ils n’ont pas voulu en prendre parce que leurs moyens ne leur permettaient pas. Il dément avoir été ensuite chez le sieur Paillet et affirme avoir toujours «  parlé avec décence et n’avoir causé, ni par ses paroles, ni par ses gestes, aucune fermentation dans le marché « . Ensuite, il s’est amusé à boire en différents endroits, sans causer aucun scandale et il est parti d’Angerville avec plusieurs autres aux environs de minuit.

Pierre Ambroise Gautron, garçon âgé de trente cinq ans ou environ, est venu quant à lui sur le marché pour s’y promener, n’ayant aucune intention d’acheter du grain. Il n’a fait aucune attention à ce qui se passait sur le marché. Il a seulement dit à Monsieur le maire que le blé était bien cher. Il a passé son temps à boire et à manger et n’a pas été frapper aux portes.

Procès-verbal de l'interrogatoire des citoyens Raguin et Gautron le 9 avril 1792

Sur quoi le juge de paix ordonne que Raguin et Gautron «  prévenus d’avoir fait faire une émotion populaire dans le marché le 9 mars dernier  » seront conduits en la maison d’arrêt de la police correctionnelle du district d’Etampes pour y être jugé. Ils sont finalement convaincus d’être les auteurs de l’attroupement et de l’émeute qui ont eu lieu le 9 mars dernier au marché d’Angerville pour faire baisser le prix des grains. Gautron est de plus reconnu pour être l’auteur des menaces faites le même jour aux officiers municipaux d’Angerville dans leurs fonctions. Il est condamné Gautron à six livres d’amende et deux années d’emprisonnement et Raguin à trois livres d’amende et une année d’emprisonnement, le tout à dater du jour de leur arrestation. Deux ans d’emprisonnement était la peine maximale, le jugement est donc sévère.

On le comprend bien là, le problème primordial à l’époque est celui de la subsistance et il ne va pas s’arranger dès le milieu de 1792 puisque la guerre étant déclarée (le 20 avril 1792 l’assemblée législative déclare la guerre au roi de Bohême et Hongrie), la majeure partie des grains va se trouver réquisitionnée et la pression va s’accentuer sur la campagne de Beauce.

En juillet 1792, le juge de paix du canton de Saclas se plaint qu’il se fait des rassemblements de mendiants et vagabonds, notamment à la ferme de Quincampoix, et demande l’aide de la gendarmerie nationale d’Etampes pour les arrêter. Le commandant de cette dernière fait faire des patrouilles sans succès. Il craint pour la moisson car des personnes se coalisent pour mettre les laboureurs à leur discrétion, et il estime avoir besoin d’un renfort de 50 hommes de cavalerie. En effet, de son côté, la municipalité d’Etampes vient d’augmenter le pain ce qui jette l’alarme dans la ville et peut y occasionner une insurrection. Or il ne reste plus que 100 hommes et 6 officiers dans la ville. Le commandant demande donc au département de faire passer à Etampes le plus tôt possible 50 hommes de cavalerie, ressource reconnue suffisante par le commandant de la gendarmerie pour arrêter le vagabondage et assurer la conservation des subsistances.

Réquisitions de grains

A la lecture des registres de délibérations, on est très vite frappé du nombre de délibérations prises et du nombre de lettres écrites au district d’Etampes, pour dire que les cultivateurs ou propriétaires de grains ne peuvent satisfaire aux réquisitions. Imperturbable, le district d’Etampes exige la livraison requise et procède au besoin à des visites domiciliaires pour connaître l’état des stocks des fermiers. Ceux-ci gardent parfois des grains par devers eux pour les vendre un bon prix aux particuliers argentés. Mais ces réquisitions pour ravitailler Paris se font au détriment de la population qui ne trouve plus à se nourrir. Les municipalités sont parfois obligées de lui donner des bons pour s’approvisionner chez les cultivateurs.

Le 7 fructidor an 1 (24 août 1793), le citoyen Lecouteux, administrateur du département, constate que le marché d’Etampes n’est pas approvisionné et invite le procureur syndic à requérir l’exécution de la loi du 4 mai dernier. En conséquence dès que seront connus les laboureurs qui n’ont pas obtempéré, il sera procédé à la saisie et confiscation du double des grains mis en réquisition et qui auraient dû garnir aujourd’hui le marché. Il sera également requis chevaux et voitures pour l’enlèvement des grains. Le marché d’Angerville n’est pas plus approvisionné que celui d’Etampes et la disette des grains se faisant sentir, les membres du comité de surveillance d’Angerville procèdent à des visites domiciliaires et font faire des livraisons partielles suivant les quantités disponibles, mais elles n’atteignent pas les besoins.

La disette conduit même la convention nationale à envisager en frimaire an 2 le dessèchement des étangs et lacs pour que les propriétaires, fermiers ou métayers les ensemencent en grains de mars ou les plantent en légumes propres à la subsistance de l’homme. Du coup, se pose la question de l’utilité du moulin de Moulineux. Il sera conservé provisoirement attendu qu’il fait tourner plusieurs moulins utiles à la République, de même que le moulin de Fontenette à Abbéville, car il est utile à la commune pour moudre les grains nécessaires à la vie des citoyens, d’autant plus que l’étang qui fait tourner le moulin ne gèle point et que dans de grands hivers, dans beaucoup d’autres moulins, ils se sont trouvés fort embarrassés.

Dès floréal an 2, les registres de délibérations font état de réquisitions de grains sur le district d’Etampes, pour approvisionner le district de Versailles et Paris. La campagne de Beauce est dès lors mise à contribution. La plupart des communes rechignent et demandent des dispenses mais le district d’Etampes est inflexible. Une commune, Roinvilliers, livre les grains requis avec exactitude et l’on peut lire dans les registres : «  Après avoir satisfait à toutes les réquisitions qui nous ont été demandées, c’est toujours avec un nouveau zèle que nous nous empressons de venir au secours de nos frères en nous privant même d’une partie de notre subsistance pour la partager avec eux. C’est pourquoi, considérant que le devoir des vrais républicains est de se porter soi-même à tous les efforts que la Patrie lui demande, la municipalité arrête  » la livraison des grains exigés.

Concernant la réquisition de 6000 quintaux pour Paris, à fournir dans trois décades à compter du 1er thermidor, savoir 1500 quintaux la première décade, 2000 la seconde décade et 2500 la troisième, la commission de commerce et approvisionnements de la République «  a fait tout ce qu’elle a pu pour concilier l’approvisionnement de Paris avec l’économie des bras employés aux travaux de la récolte, et que l’esprit de son arrêté relatif à la répartition de cette réquisition est qu’elle soit basée plutôt sur les moyens momentanés de la remplir que sur la fertilité des communes « .

Comme le 15 thermidor, Saint-Escobille, Mérobert, Chalou Moulineux et Pussay sont en retard de livrer les 6000 quintaux, les commissaires sont envoyés pour faire partir sur le champ tout ce qui se trouvera battu en seigle, méteil ou froment. Les fermiers de Saint-Escobille refusant de livrer leur quota, le conseil général arrête que les quatre cultivateurs seront provisoirement tenus d’occuper leurs batteurs à battre les grains nécessaires à l’acquit de leur réquisition et qu’ils seront dénoncés au bureau de police.

Le 14 brumaire an 3, deux commissaires sont nommés par le district d’Etampes pour faire accélérer le versement des grains au grenier d’abondance d’Etampes et ce pour la commune de Paris. Le 24 brumaire, la commune d’Angerville se dit dans l’incapacité d’effectuer son arriéré de réquisition, sans priver de subsistance les citoyens de la commune et les passagers, car elle n’a pas récolté de grains en quantité suffisante pour sa consommation et la semence future. Elle nomme donc deux commissaires, Jean Henry Rousseau maître de poste et Jean Pierre Dubois pour aller expliquer sa situation au district d’Etampes, lesquels demandent l’envoi de commissaires sur place pour vérifier la sincérité des déclarations des cultivateurs.

Le 29 brumaire, les officiers municipaux et les membres composant le conseil général présentent aux citoyens une pétition destinée à être envoyée à la commission de commerce et approvisionnement de la République : «  La commune d’Angerville peuplée de 1547 individus vous représente qu’elle se voit dans l’impossibilité de pouvoir satisfaire aux réquisitions qui lui sont adressées par le district d’Etampes suivant la récolte qu’elle a faite et la consommation qu’il s’est fait jusqu’à ce jour dont le détail suit, savoir : « .

Récolté suivant les déclarations faites par les cultivateurs, tant bled, seigle, méteil, orge : 9330 quintaux 7 livres

Consommé jusque et y compris le 25 brumaire savoir :

1° a été livré par bons donnés aux citoyens de la commune : 990 quintaux 74 livres

2° a été livré au magasin de subsistance à Etampes : 606 quintaux 26 livres

3° a été consommé tant par les cultivateurs que par le passage des troupes, roulliers et autres individus :

2942 quintaux

4° employé pour ensemencer les terres de la commune : 2823 quintaux 75 livres

Total : 7362 quintaux 75 livres

Il résulte donc qu’il ne reste de disponible à partir de l’époque ci-dessus que la quantité de :

1967 quintaux 32 livres

Sur ce qu’il reste de disponible, l’administration du district d’Etampes a envoyé deux commissaires en cette commune à l’effet de faire verser au magasin des subsistances d’Etampes 1107 quintaux 83 livres de grain arriéré des réquisitions données sur cette commune ;

Que voyant l’impossibilité de satisfaire à la demande desdits commissaires, avons représenté aux citoyens administrateurs du district d’Etampes la pénurie dans laquelle se trouverait la commune si l’on effectuait sur elle l’arriéré desdites réquisitions qui ne pourrait se faire sans causer une disette générale en lui demandant qu’il retire lesdites réquisitions et qu’il envoie des commissaires à l’effet de vérifier sur place les déclarations faites par les cultivateurs afin de s’assurer de la sincérité de ce que nous leur mettions sous les yeux, que n’ayant pas fait droit à notre juste demande, nous nous adressons donc à vous citoyens en vous invitant de faire retirer la demande faite par le district d’Etampes de l’arriéré des réquisitions qu’il a fait sur cette commune. Nous vous observons que la commune d’Angerville est à cinq lieues d’Etampes, que le passage des voituriers et autres passagers ainsi que la troupe, tant cavalerie, infanterie que charrois militaires est immense ; et que c’est le lieu pour l’étape…

Cependant rien n’y fait et les cultivateurs sont tenus de livrer les grains requis sous peine d’être poursuivis dans toute la rigueur de la loi. Le 8 frimaire la répartition entre les cultivateurs d’Angerville est enfin déterminée. Mais elle n’est pas la seule commune en retard, car la veille, le représentant du peuple Loiseau avait demandé à ce que soient activés les versements que doivent faire les différentes communes du district d’Etampes.

Les fermiers prennent prétexte de ces réquisitions, pour refuser de livrer du grain aux particuliers, qui viennent les trouver avec des bons de la municipalité pour leur subsistance. Le 18 prairial an 2, la municipalité d’Angerville donne deux bons aux citoyens Jean Landry et Jacques Boucher pour obtenir 70 livres de grains chez le citoyen Charpentier, meunier à Angerville. Ce dernier refuse de les acquitter, sous prétexte qu’il n’a pas plus de grains qu’il ne lui en faut pour sa moisson. Il est arrêté et entendu par le conseil général de la commune. Il témoigne alors «  ses regrets d’avoir, par la crainte de manquer de subsistance , résisté aux ordres de la municipalité et s’est offert non seulement de s’y soumettre à l’avenir, mais encore d’exécuter celui dont est question aussitôt qu’il lui sera permis de retourner dans ses foyers « . Le conseil général le met en liberté et le renvoie devant le juge de paix pour application des peines prévues par la loi.

Une autre citoyenne porte plainte contre un cultivateur, pour s’être vu refuser du blé suivant le bon délivré par la municipalité et s’être fait mordre par son chien en repartant.

Pour honorer ces réquisitions, tous les batteurs sont également requis par les municipalités, mais cela ne va pas sans mal. Parfois ils désertent la place, parfois ils ne s’estiment pas assez payés. Le 25 pluviôse an 2, Marin Lambert déclare que les citoyens Cauet et Mazure ont refusé de venir battre chez lui, conformément au réquisitoire de Chalou-Moulineux du 23 pluviôse. Ils vont s’en expliquer au district. Les administrateurs présents leur expliquent qu’ils doivent se soumettre à travailler à un prix excédent de moitié celui de 1790 ; que la loi doit s’exécuter et que leur refus les rendrait ennemi du bien public puisqu’il tendrait à priver leurs frères des moyens de subsistance. Les citoyens Cauet et Mazure objectent qu’ils ne peuvent pas vivre avec une paye proportionnée à la taxe, attendu qu’ils ne peuvent obtenir les vêtements dont ils ont besoin pour eux et leur famille au maximum. [La loi sur le maximum (Cf ci-dessous) fixait aussi bien les salaires que le prix des denrées mais nombreux étaient ceux à se plaindre qu’il n’était pas possible de vivre avec le salaire fixé par la loi ou la taxe.]. Sur quoi il leur est répliqué que les cultivateurs leur donnent le beurre les œufs et les grains au maximum et que si les mains d’œuvres excédent ainsi le taux fixé par la loi, la cherté s’en suivrait sur toutes les denrées. Malgré cela les citoyens Cauet et Mazure persistent dans leur refus de battre les grains. Considérant que l’exemple donné par ces citoyens est dangereux et funeste au bien public, à l’obéissance due aux pouvoirs constitués et à la subsistance du peuple, André Cauet et François Mazure sont mis en état d’arrestation et transférés à la maison de détention.

Confrontée à la crise des subsistances, à la hausse vertigineuse des prix provoqués par la dépréciation des assignats et à un mécontentement général, la Convention votait la «  loi du maximum  » le 29 septembre 1793 : variable selon les régions, le prix maximum des denrées de première nécessité était en général supérieur d’un tiers aux prix courants de 1790. Le maximum des salaires était de moitié supérieur au niveau moyen de 1790. D’après la loi, toute personne vendant ou achetant au-delà du maximum pouvait être frappée d’une amende et son nom inscrit sur la liste des suspects. Si les salaires étaient faciles à bloquer, les prix étaient plus difficiles à surveiller, si bien que cette loi n’eut pas l’effet escompté. Les paysans se mettent à dissimuler leurs récoltes pour ne pas avoir à les vendre à perte et les spéculateurs se précipitent pour acquérir tout ce qu’ils peuvent. Il en résulte une pénurie sans précédent. Elle sera abolie après le réaction thermidorienne le 24 décembre 1794 (4 nivôse an 3).

En thermidor an 2, Louis Gry cultivateur à Pussay, se plaint que huit moissonneurs originaires du Limousin qui travaillaient chez lui depuis huit jours, le quittent, car ils n’ont pas obtenu les 50 livres de gratification et la nourriture qu’ils réclamaient en plus du maximum, fixé à 112 livres non nourri. Le chef et entrepreneur de sa moisson, Michel Le Fort, réside en ce moment à Méréville. Le conseil général, estimant qu’il y a lieu de croire à une coalition coupable dont Michel Le Fort est présumé être le chef, le fait rechercher et conduire au district par la gendarmerie d’Angerville et charge la municipalité de Pussay de rechercher les sept autres moissonneurs et de les faire retourner à leur poste. Finalement Michel Le Fort retourne à son travail avec ses camarades et la municipalité est simplement chargée de veiller sur sa conduite et celle de ses camarades et d’en rendre compte au district. Plusieurs cas semblables se produisent.

Les cultivateurs ne suivent d’ailleurs pas toujours les instructions des municipalités. Charles Lefebvre, cultivateur à Saint-Escobille, n’entend pas payer les batteurs, mis en réquisition par la municipalité pour battre son grain, plus cher que ses batteurs ordinaires. Il prétend que la municipalité n’a aucun droit pour fixer le travail des batteurs requis à 50 sols du sac, alors qu’il paye 40 sols du sac à ses batteurs ordinaires. Le juge de paix donne tort à Lefebvre et le condamne à payer leur dû aux quatre manouvriers qui avaient réclamé, augmenté des intérêts à compter du jour de la demande.

La municipalité de Mespuits a, quant à elle, la surprise de constater que les batteurs qu’elle a requis pour battre le grain chez les cultivateurs, ne battent pas du blé pour satisfaire à la réquisition, mais de l’avoine, parce que les cultivateurs veulent réserver leurs autres grains sous prétexte qu’ils n’ont rien au delà de leurs subsistances et de leur semence. Le conseil les dénonce au commissaire national, pour les faire condamner à la confiscation du grain requis.

Les cultivateurs peuvent également recourir aux prisonniers de guerre autrichiens pour les travaux de la moisson. Ils en font la demande au conseil général de leur commune, qui leur accorde un prisonnier sous leur responsabilité, celle du comité de surveillance et de la municipalité. Le 7 thermidor an 2, le citoyen Rabourdin, cultivateur à Escobille, demande un Autrichien pour les travaux de la moisson, lequel lui est accordé à charge de se présenter à toute réquisition. Quand les prisonniers sont trop fatigués, les cultivateurs peuvent en changer. Mais là encore ça ne se passe pas forcément bien. En frimaire an 3, plusieurs fermiers des communes du canton de Saclas se plaignent de ce que la plupart des prisonniers de guerre qui ont été placés chez eux pour le battage, ne font que gaspiller les grains.

A peine est-on sorti d’une réquisition, qu’une autre s’annonce. Un nouveau contingent de 90000 quintaux est à fournir par le district d’Etampes du 1er nivôse au 1er messidor an 3, à raison de 5000 quintaux par décade ; alors même que certaines communes ont encore des arriérés à fournir. Le 1er pluviôse an 3, un commissaire est nommé par le district d’Etampes pour faire un recensement général des grains de toute nature (grains et farines) dans les communes d’Angerville, Méréville et Monnerville. Le 7 pluviôse, les administrateurs du district d’Etampes se rendent dans les différentes communes de l’arrondissement pour contraindre les municipalités à faire charger et partir les grains qui se trouveront battus même les farines de chaque maison qui excéderont le besoin d’une décade.

Le 12 pluviôse le conseil général d’Etampes «  considérant la pénurie actuelle des subsistances et instruit qu’il est possible de former un pain avec l’avoine, de le bonifier par un mélange de froment, seigle et orge, ou de l’une de ces parties, et voulant se convaincre des mesures qu’il convient prendre pour procurer cette ressource aux citoyens « , tente une expérience au moulin du gué, sans résultat.

Le 25 pluviôse le maire et les officiers municipaux de Saclas exposent que les chemins sont tellement endommagés par les pluies survenues le 18 pluviôse, qu’ils sont devenus aujourd’hui impraticables et que l’écoulement rapide des eaux a tellement fait de dégâts, que deux des meuniers de la commune chargés de moudre les grains pour l’approvisionnement de Paris ne peuvent transporter leurs farines au magasin, attendu que le pont même menace ruine. Alors, là, vu l’urgence, le directoire charge le citoyen Fricault de se rendre sur les lieux, de dresser un détail des dégâts causés par les eaux et d’établir un devis des travaux à faire. La route de Châlo-la-Raison, «  indispensable pour l’arrivage des grains destinés à l’approvisionnement de Paris « , est elle aussi endommagée par le dégel et la fonte considérable des neiges cette année-là. Le 17 ventôse, l’estimation des travaux est faite : 2000 livres sont nécessaires pour réparer la route et 8500 pour reconstruire le pont. «  Ces réparations étant de toute nécessité puisque le plus léger retard obstruerait absolument deux communications des plus intéressantes pour l’approvisionnement de Paris et les administrés de ce district « , elles seront immédiatement entreprises, avec un nombre d’ouvriers suffisant.

Entre temps, le 27 pluviôse afin d’accélérer par tous les moyens convenables le transport des grains destinés à l’approvisionnement de Paris qui éprouve les plus pressants besoins, les administrateurs du district d’Etampes avaient autorisé la municipalité d’Angerville à convenir du prix du transport qu’il est juste d’accorder aux voituriers, attendu la rigueur de la saison et la difficulté des chemins. Angerville accorde au citoyen Leguay 3 livres par sac pour le transport d’une voiture de blé au magasin de Paris.

Tout est mis en œuvre pour ravitailler Paris. Pendant ce temps, les marchés des villes du canton ne sont toujours pas approvisionnés, les cultivateurs ne pouvant déjà pas satisfaire aux réquisitions imposées. Le district n’en a cure. Il prend un arrêté pour obliger les communes à approvisionner les marchés et à satisfaire à ses réquisitions. Il est certain que les cultivateurs gardent des grains en réserve, mais il est certain aussi, et le conseil général d’Etampes en a lui-même conscience, que la pénurie existe et qu’elle touche les petites gens qui doivent acheter leurs grains pour survivre. Le 19 vendémiaire an 4, les citoyens Jacques Malaquin et Jean Pichard, se trouvent sans subsistance et ne peuvent s’en procurer malgré toutes les recherches et instances faites aux cultivateurs et propriétaires de grains d’Angerville, de leur en délivrer à quelque prix que ce soit. Ils ne peuvent non plus s’en procurer sur le marché puisqu’aucun cultivateur de cette commune n’en dispose sur la place, bien que la loi les y oblige. Ils demandent donc à la municipalité de leur en faire procurer sans délai, qu’autrement ils se verraient dans la cruelle nécessité d’agir par la force.

Il y avait bien eu une loi le 7 vendémiaire demandant aux administrations d’indiquer les places et dates où les grains seraient apportés. Un tableau des communes devant fournir les marchés avait été dressé. Mais comme tous les autres arrêtés pris auparavant, la loi était restée lettre morte. Une autre loi du 4 thermidor an 3 interdisait de vendre et acheter du grain ailleurs que dans les lieux publics et jour de foire ou de marché, mais là encore elle était souvent détournée. Le 7 brumaire an 4, Louis Maillard fils, maréchal à Angerville, dénonce Houdas meunier à Neuvy qui déchargeait une voiture de cinq sacs de grain chez François Legrand charron à Angerville et qui n’était pas muni d’un acquit à caution pour conduire le grain. Cette loi entraîne de nombreuses dénonciations et confiscations de grain.

Nombreuses sont les charrettes dont les conducteurs, voyageant sans acquit à caution, se font arrêter par n’importe quel quidam et conduire à la municipalité, pour statuer sur le sort des grains qu’ils transportent. Dans tous les cas c’est la confiscation assurée. Désormais tous les citoyens qui achètent des grains doivent les déclarer et être muni d’un acquit à caution sous peine de se voir dénoncer, arrêter et de voir leurs grains confisquer.

Une nouvelle année se passe et en frimaire an 4, une nouvelle réquisition arrive ou, plus exactement, «  un prélèvement de 250 000 quintaux de grains en nature à compte de la contribution foncière  » (loi du 22 brumaire), ce qui représente 24 000 quintaux pour le département, 2900 pour le canton de Saclas et 3350 pour le canton d’Angerville. Il est enjoint à chacun des agents des communes de commencer la perception sur les contribuables et de la terminer dans les trois jours. Dans le canton d’Angerville, les agents se réunissent le 8 frimaire. Ils ne sont que quatre, les autres ne se sont pas présentés, l’un d’entre eux a même renvoyé son paquet à l’administration sans l’ouvrir. Celle-ci fait appel à leur civisme : «  de pareilles démarches faites par insouciance ou cupidité ne tend moins qu’à entraver la marche du gouvernement et par ce moyen font souffrir les habitants des grandes communes qui depuis trop longtemps gémissent des horreurs de la famine  » et nomme deux commissaires pour chaque commune en retard, pour répartir les quantités de grains et en faire faire le versement par les contribuables dans les trois jours à la congrégation à Etampes. Sinon ils seront dénoncés aux autorités supérieures.

Le 15 frimaire la livraison de l’acompte sur l’impôt foncier est en retard. Les agents ont lancé les réquisitoires sur tous les contribuables qui en étaient susceptibles et le juge de paix a la charge de les condamner aux peines portées par la loi. Mais il faut reconnaître que certains contribuables et même cultivateurs sont bien incapables d’honorer cette contribution. Ainsi, le 29 frimaire an 4, deux commissaires sont nommés à l’effet de faire un rapport sur la récolte du citoyen Louis Petit, cultivateur à Saint-Père qui ne récolte que ce qui est nécessaire à sa subsistance, se trouve dans l’impossibilité de payer la moitié de ses impositions en nature et demande à les payer en numéraire ou assignat au cours légal. Et ils sont nombreux dans ce cas. A chaque fois, un commissaire va vérifier sur place et doit se rendre à l’évidence, tout le monde ne peut pas payer sa contribution en nature.

Pour la énième fois, un arrêté est pris en ventôse an 4 pour alimenter les marchés, car «  depuis trop longtemps les marchés ne sont pas approvisionnés par la cupidité et l’égoïsme de quelques cultivateurs qui préfèrent vendre leurs grains à des prix exorbitants à des vils agioteurs qui de concert avec eux cherche à entraver la circulation des subsistances et met le malheureux dans l’impossibilité de se procurer les besoins les plus pressants à la vie… « . la production des cultivateurs est désormais surveillée. Tout comme les meuniers.

Le 9 messidor an 4, le juge de paix du canton de Saclas est chargé de visiter tous les moulins de son canton pour voir si «  dans la construction des usines il n’aurait pas été pratiqué des cachettes ou d’autres moyens à la faveur desquels les meuniers puissent détourner frauduleusement à leur profit une portion du produit des grains qu’on leur donne à moudre « . Le juge de paix ne constate aucune fraude.

Cette réquisition de l’an 4 est la dernière dont il y a trace dans les registres de délibérations.

Autres réquisitions

En plus des grains, tout ce qui a rapport à l’armée et en particulier à son habillement ou ses armes se trouve réquisitionné, à commencer par la laine et le coton qui servent à fabriquer les bas. Le citoyen Deschamps est mandaté le 6 frimaire an 2 par la commission des subsistances et approvisionnements des armées de la République, pour mettre en réquisition partout où elles existeront, les matières premières, tels que laine coton et fils, et les bas fabriqués propres au service des armées. C’est ainsi que toutes les laines trouvées à Pussay, centre très actif de la fabrication de bas de laine à l’époque, sont saisies et en particulier les bas trouvés chez les Delanoue père et fils.

Une autre réquisition de laine a lieu en frimaire an 3 sur plusieurs départements, pour être remise aux districts d’Orléans, Chartres, Janville, Etampes, et servir à confectionner des bas toujours pour le service des armées. Le citoyen Chevalier, bonnetier nommé par le conseil général d’Etampes pour surveiller cette confection, parcourt toutes les communes du district où il y a des fabricants de bas, pour noter le nom des ouvriers qui travaillent dans chaque commune et la quantité de laine qu’ils emploient par décade.

En nivôse an 2, une lettre du ministère de la guerre autorise cette fois les districts à faire fabriquer des baïonnettes, baguettes et pièces de garniture platines et canons. «  Tous les ouvriers à marteau sont mis en réquisition par la loi pour la fabrication des armes  » et plus particulièrement des pièces de fusil. Il est donc enjoint aux forgerons et ouvriers en fer et acier, à l’exception des maréchaux, de se rendre dans le délai de quatre jours au bureau des armes du district pour soumettre les différentes pièces de fusil qu’ils savent fabriquer. Les taillandiers qui n’ont pas assez d’ouvrage sont pressés d’en faire de même pour ce qu’ils peuvent entreprendre.

L’arrêté de l’administration du 5 pluviôse requiert, quant à lui, les cordonniers de fournir 5 paires de souliers par décade et par ouvrier. Puis la loi du 14 ventôse n’exige plus, de chaque ouvrier, que 2 paires de souliers par décade. La plupart d’entre eux n’ayant pas exécuté le quart de la réquisition, ils sont sommés de la compléter avant la fin de prairial sous peine d’être condamné à une amende de 100 livres le 1er messidor.

Un an plus tard, le 21 prairial an 3, les cordonniers se plaignent. Malgré la suppression du maximum (Cf plus haut, réquisition des grains) intervenue le 4 nivôse an 3, soit voilà près de six mois, les souliers fournis au magasin militaire, leur sont toujours payés à ce prix, 9 livres 10 sols, alors que la cherté des cuirs ne leur permet pas de les livrer pour cette somme. La valeur des souliers est donc portée à 20 livres la première qualité et 16 livres la seconde et les cordonniers remboursés sur les six mois.

Le 15 messidor, le prix des souliers, passe à 90 livres la première qualité, 85 livres la seconde qualité, 82 livres 10 sols la troisième qualité et le prix des 90 clous à poser à chaque paire de souliers passe à 3 livres 10 sols.

Le 11 thermidor, il passe à 110 livres la première qualité, 105 livres la seconde, 102 livres 10 sols la troisième et les clous à 4 livres.

Le 21 fructidor, 150 livres la première qualité, 145 livres la seconde, 142 livres 10 sols la troisième avec 90 clous par paire à raison de 6 livres.

Le 17 vendémiaire an 4, 200 livres la première qualité, 195 livres la seconde, 192 livres 10 sols la troisième avec 90 clous par paire à 8 livres.

Le 7 brumaire 325 livres la première qualité, 322 livres la seconde, 315 livres la troisième avec 90 clous à 12 livres. Cette longue énumération pour donner une idée de la phénoménale augmentation des prix sur la période.

En 7 mois, de juin à novembre 1795, le prix des souliers est passé de 20 livres à 325 livres pour la première qualité. Nous avons déjà observé ce phénomène précédemment avec le salaire des fonctionnaires, mais il est évident que les journaliers ne peuvent pas suivre le rythme. Nos deux batteurs de pluviôse an 2 objectaient déjà, alors que les prix étaient bloqués, qu’ils ne pouvaient pas se vêtir, cela l’était encore moins un an plus tard.

En vendémiaire an 3, les charrons se font rappelés à l’ordre car ils ne fournissent pas dans les délais la paire de roues ou le corps de voiture requis.

Les corps de métier ne sont pas les seuls touchés. Un arrêté du comité de salut public du 22 germinal an 2 met en réquisition la 8ème partie des cochons qui existe actuellement dans la République. Le 7 floréal, le conseil général d’Etampes prend donc un arrêté pour réquisitionner 118 cochons, puisque leur recensement dans l’arrondissement du district fait apparaître un total de 944 cochons, tant mâles que femelles âgés de plus de trois mois. Sur les cantons de Saclas et Angerville, 38 cochons mâles sont concernés, de 7 à 12 mois, gras ou maigre, dont 12 sur Angerville, puis 4 sur Abbéville.

Un arrêté du district d’Etampes en date du 9 floréal an 2, enjoint à la municipalité d’Angerville de faire délivrer à l’étapier d’Etampes (tenancier de l’étape, endroit où les troupes en marche s’arrête pour se reposer), la moitié du brassin de bière (cuve où l’on brasse la bière ; son contenu) en train d’être fabriqué par le citoyen Leguay, brasseur à Angerville. La citoyenne Julie Simon, employée chez l’étapier d’Etampes, déclare que la municipalité d’Angerville refuse d’exécuter l’arrêté, le maire et le citoyen Courtois lui ayant dit «  qu’ils ne voulaient pas exposer leur vie en se défaisant de ce qu’ils tenaient ; que tant qu’ils ne verraient pas d’autre arrêté que celui-là ils ne pourraient pas lui délivrer de bière quand le brassin serait fini « .

Ils avaient bien trop peur que les soldats de passage à Angerville ne trouvent pas leur bière à l’étape. C’est si vrai que le 22 messidor an 2, l’administration, voulant subvenir aux besoins des défenseurs de la patrie qui circulent dans la République, et considérant que le citoyen Leguay brasseur à Angerville est dépourvu des moyens de faire de la bière par le défaut d’orge ; le conseil général autorise le citoyen Baron, garde magasin des subsistances, à délivrer au citoyen Leguay, 50 quintaux d’orge vieille, à la charge pour lui de faire deux petits brassins consécutifs de bière qui seront à la disposition de l’administration pour les besoins des étapiers seulement.

Même le suif est réquisitionné. Le 5 brumaire an 3, Charles Mousset, serrurier, dénonce les citoyens Cosme Minier et François David, marchands bouchers, qui ne veulent pas lui livrer six livres de suif, conformément au réquisitoire qui lui a été délivré par la municipalité et dont il avait besoin pour tremper des ressorts de platine pour l’administration générale des armes à Paris. Cosme Minier ne lui en donnera que s’il reçoit des ordres du comité de salut public et encore pas au prix fixé par le maximum. Finalement tout rentre dans l’ordre, le suif sera fourni et Charles Mousset pourra honorer sa commande vis à vis de l’armée.

A l’inverse, la commission des subsistances procède le 11 floréal an 2 à la distribution de 38480 livres de savon expédié de Marseille pour le département de Seine-et-Oise «  denrée dont les habitants du district éprouvent le plus grand besoin  » est-il précisé. Chaque commune reçoit son quota de savon en fonction de nombre d’habitants.

Réquisitions d’avoines, pailles et fourrages

Réquisitions des grains, de l’habillement et des armes, mais aussi d’avoines, de pailles et de fourrages pour les besoins de l’armée certes et pour approvisionner les relais de poste.

En thermidor an 2, 7600 quintaux de foin, 5500 quintaux d’avoine et 8000 quintaux de paille sont à fournir par le département pour les besoins de l’armée de Paris. Un citoyen d’Abbéville se plaint que la municipalité répartit exclusivement cette réquisition sur les cultivateurs les plus importants. Ceux-ci ont besoin de leurs fourrages pour nourrir leurs chevaux et cultiver leurs terres, alors qu’il existe plusieurs petits cultivateurs qui ont récolté plus ou moins d’avoine et n’ont point de chevaux à nourrir, car ils font labourer leurs terres à prix d’argent. Ceux-là devraient plutôt être requis. La municipalité d’Abbéville est invitée à s’expliquer et à faire cesser les abus s’ils existent.

Un administrateur du district d’Etampes se rend chez tous les particuliers du canton d’Angerville en retard dans leur fourniture d’avoine, pour faire enlever sur le champ l’avoine battue jusqu’à concurrence de la réquisition à laquelle ils sont soumis et en cas d’insuffisance leur intimer l’ordre de battre sans interruption. Il visite aussi tous les citoyens non sujets aux réquisitions et dresse procès-verbal de la quantité d’avoine qu’ils ont.

En brumaire an 4 : nouvelle réquisition de 15200 quintaux de foin et 16000 quintaux de paille pour la subsistance des chevaux attachés au service de la République. Le canton de Saclas est concerné pour 2200 quintaux de pailles et 1100 quintaux de foin, celui d’Angerville pour 2540 quintaux de pailles et 1710 quintaux de foin.

Les aubergistes d’Angerville demandent à être déchargé du contingent de paille qui leur est assigné à chacun, vu qu’ils logent continuellement des chevaux, tant de cavalerie que d’artillerie et autres, appartenant à la République et allant par étape, qui consomment toute leur paille, sans qu’il leur soit alloué aucune rétribution quelconque. Comme la répartition de pailles faite sur les aubergistes ne l’est qu’en fonction des terres qu’ils exploitent en tant que cultivateur, l’administration ne tient pas compte de leur réclamation.

Les aubergistes ne sont pas les seuls à réclamer. Les agents municipaux du canton font valoir que la répartition de paille faite précédemment est trop considérable et que la presque totalité des contribuables ne peut l’effectuer en entier, car une grande quantité est consommée pour cultiver les terres. Ce serait donc faire un tort considérable à l’agriculture et causer un défaut de récolte qui serait des plus préjudiciables à la République,s’ils étaient obligés d’effectuer la totalité de ce qui leur est demandé. Ils veulent que l’administration fasse une nouvelle répartition, juste et suivant la rentabilité des terres.

Si bien qu’en ventôse, le contingent de pailles et foin, affecté à chaque contribuable et qui aurait dû être versé dans les magasins de la République dans le courant des mois de brumaire et frimaire derniers, ne l’est toujours pas. Le service de l’armée de l’intérieur exige que la loi soit exécutée vu la pénurie de fourrage où elle se trouve et les contribuables sont relancés.

Ceux qui ne cultivaient pas de foin se croyaient dispensés de toute réquisition. Le ministre de la guerre leur fait savoir, que le besoin pressant des armées exigeant qu’on mette à profit toutes les ressources que le sol de la République peut offrir, ils doivent fournir en sainfoin, trèfle, luzerne, le complément du contingent demandé aux communes qui ne recueilleraient pas assez de foin pour satisfaire à leur réquisition. C’est le cas des communes de Méréville et Chalou-Moulineux auxquelles on réclame leur contingent.

Les rentrées se font fort mal et le commissaire du directoire exécutif demande à connaître ceux des fonctionnaires publics qui entravent ainsi la marche du gouvernement, en refusant continuellement de satisfaire aux demandes qui leur sont faites. D’où l’administration municipale arrête qu’il sera fait pour la dernière fois injonction aux agents municipaux, de remettre sous trois jours les états de versement en foins et pailles fait dans les magasins de la République par les contribuables de leurs communes.

Réquisitions de voitures

Fournir de l’avoine, de la paille et du fourrage aux armées, c’est bien, mais encore faut-il les faire parvenir sur le front. Aussi l’administration réquisitionne en messidor an 2, 3000 voitures et les voituriers nécessaires (1500 dans le département de Seine-et-Oise et 1500 en Seine-et-Marne). Les voitures doivent être attelés de 4 chevaux, propres à charger 300 bottes de pailles et fourrages, à prendre à Meaux et à conduire aux dépôts des armées du Nord et des Ardennes. Ces 1500 voitures doivent arriver à Meaux à raison de 60 par jour. Le 1er jour d’arrivée est fixé au 13 messidor. «  De l’exécution de cette mesure dépend le salut des armées « .

Le contingent du district d’Etampes est de 200 voitures. 60 doivent arriver à Meaux le 20 messidor ; 60 autres le 29 messidor ; 40 le 4 thermidor et 40 le 5 thermidor.

Dans le 2ème convoi Angerville doit fournir 10 voitures et Monnerville 8

Dans le 3ème convoi Pussay et Thionville doivent fournir 6 voitures, Chalou-Moulineux 3 ; Mérobert 3 ; Congerville et Saint-Escobille 5 ; Méréville 6 ; Guillerval et Saclas 6 ; Blandy 2 ; Abbéville 5 ; Bois-Herpin et Arrancourt 1 chacun ; Roinvilliers 2.

Dans le 4ème convoi Saint-Cyr et Fontaine 1 ; La Forêt 1 ; Marolles et Boissy 3 ; Estouches 2.

Les municipalités seront tenues pour responsables si les voitures n’arrivent pas.

Comme toutes les avoines sont en réquisition, les voituriers auront soin de se munir de l’avoine nécessaire pour la route qu’ils ont à parcourir. Le conseil d’Etampes considérant que le voyage peut durer au moins 20 jours et qu’il leur est impossible de se procurer de l’avoine sur la route, arrête que le préposé au magasin délivrera aux voituriers destinés pour Meaux 125 livres d’avoine par cheval.

Le 15 messidor, le maire de Méréville qui doit fournir 6 voitures, déclare qu’il n’existe pas dans sa commune de voitures propres à charger les fourrages à Meaux. Par contre, elle dispose de trois charrons et d’ormes nationaux propres au charronnage. Si l’administration les autorise à disposer de 12 de ces ormes, il répond que les voitures seront prêtes pour le jour du départ. Vu l’urgence et la célérité nécessaire aux approvisionnements des armées, le conseil général autorise la municipalité à faire estimer par deux experts les 12 ormes dont elle a besoin dans les biens nationaux du condamné Laborde et à en payer le prix.

Lors de ce trajet vers les armées du Nord, certains chevaux meurent. Alexandre Courtois aubergiste à Angerville, a fourni un cheval pour aller chercher des subsistances à Meaux et les conduire aux armées du Nord. Ce cheval a eu la cuisse cassée entre Meaux et Compiègne et a été estimé à 800 livres aux dires de deux experts de la commune d’Angerville. La commune de Senlis qui atteste la mort du cheval le 3 thermidor l’estime à 700 livres.

Les chevaux sont soumis à un dur régime. Il n’est donc pas rare qu’ils meurent. Antoine Petit, laboureur à Méréville, a lui aussi fourni une voiture et des chevaux pour conduire les fourrages de Meaux aux armées du Nord. A peine les chevaux sont-ils revenus qu’ils sont à nouveau requis pour transporter 250 bottes de foin du parc du château de Méréville dans les magasins militaires de la République à Orléans. L’un des chevaux, fatigué de la première route, succombe dans la dernière. Les deux maréchaux de Méréville estiment le cheval à 800 livres, les deux maréchaux d’Orléans l’estiment à 600 livres.

En règle générale beaucoup de chevaux, juments ou mulets, qu’ils appartiennent aux convois militaires ou aux diligences sont très exploités et arrivent exténués ou malades aux auberges, quand ils n’y arrivent pas morts. Il arrive que les conducteurs de convois ou voituriers laissent les juments ou chevaux malades se refaire une santé dans les auberges. Le 2 brumaire an 4, une jument est ainsi laissée chez le citoyen Hureau fils aubergiste à Angerville, par le citoyen Guignare conducteur d’un convoi de chevaux d’artillerie composé de 35 chevaux, partis de Tours pour se rendre à Versailles. Le citoyen Rivierre, maréchal à Angerville, déclare que la jument est exténuée de fatigue, qu’elle ne peut aller plus loin et qu’elle a besoin de repos pour quelques jours. Le lendemain la jument décède d’une grande fatigue.

Vie des relais de poste

Les réquisitions d’avoine, de pailles et de fourrages servent également à approvisionner les relais de poste. Deux relais de poste sont situés sur les deux cantons de Saclas et d’Angerville, l’un à Mondésir tenu par Jean Louis Lecomte et l’autre par Jean Henry Rousseau. Ensuite venait le relais du citoyen Duverger à Etampes, puis celui du citoyen Matry à Etréchy.

En avril 1793, le ministre de l’intérieur écrit aux administrateurs du département «  De toutes les parties de la République s’élèvent de vives réclamations sur le mauvais état des postes aux chevaux. D’un côté le directoire des postes m’informe qu’une multitude de maîtres de postes donnent leur démission et veulent renoncer au service de leurs relais. De l’autre la convention a vu que la cherté des fourrages, la dégradation des routes et le haut prix des chevaux aggravaient les charges des maîtres de postes à un tel degré qu’elles surpassaient leurs forces. En conséquence, elle a porté à 40 sous le prix de chaque cheval. Cette disposition doit écarter une grande partie des réclamations. La loi du 29 mars dernier prévoit aussi que dans le cas d’abandon du service par quelques maîtres de postes il serait pourvu à leurs frais à leur remplacement. Il est en effet de toute justice que le citoyen attaché à un service public qui intéresse toute la Nation ne soit pas libre de faire manquer ce service par sa volonté particulière quand la Loi a statué par des dispositions favorables sur tous les cas où ses intérêts pourraient être compromis « . Il rappelle donc aux administrateurs du district d’Etampes «  … si les maîtres de postes refusent de se soumettre à la loi en instruire sur le champ l’administration qui de son côté prendra les mesures nécessaires pour assurer ce service dont l’importance exige toute son attention « .

En l’an 2, la commission des transports écrit au district d’Etampes «  Le comité de salut public s’étant proposé de suspendre par son arrêté du 25 du mois dernier, la trop grande activité du service des postes afin que l’on put refaire ou rafraîchir les chevaux considérant que cette mesure ne peut pas être plus longtemps prolongée rapporte son arrêté du 25 floréal et arrête que le service des postes sera repris et continué comme avant « . Les pauvres chevaux n’étaient pas près de pouvoir se reposer.

Les maîtres de poste ont bientôt un autre sujet de préoccupation. Le 18 floréal an 1, les citoyens Matry, Duverger et Lecomte exposent qu’ils ne peuvent être sujets à la réquisition sur les chevaux à fournir pour les convois militaires, parce qu’étant chargés d’un service publique, tant pour le transport des malles que la conduite des courriers de dépêches, ils ne peuvent sous aucun prétexte distraire de chevaux de leur relais sans compromettre la sûreté et la célérité de ces services. Ils joignent à l’appui de leur demande la lettre du ministre de l’intérieur, par laquelle il est constaté que leur chevaux ne peuvent être employés à aucun service militaire, à moins qu’une loi expresse et particulière ne soit rendu à ce sujet, ainsi que ce fut le cas au mois de septembre dernier, lors de l’emploi de leur postillon et chevaux au service des armées.

Leur plus grande difficulté consiste néanmoins à s’approvisionner en avoine et fourrages pour alimenter leurs chevaux. Le 25 vendémiaire an 2, le citoyen Lecomte n’a pas d’avoine pour la nourriture de ses chevaux. Considérant que le service public ne doit point être interrompu et que les marchés n’ont pas été assez approvisionné, le conseil général autorise le citoyen Marchand de Congerville à lui fournir 50 sacs d’avoine.

Un peu plus tard, les officiers municipaux de Guillerval se rendent chez lui pour visiter ses greniers et constatent qu’ils ne contiennent que 10 sacs d’avoine. Dans les granges il reste environ à battre le tiers de la récolte soit environ 150 sacs. Le citoyen Le Comte occupe trois batteurs qui ne peuvent livrer que 40 sacs par décade et comme il entretient pour le service public 57 chevaux, compris les chevaux de labour, ce qui demande au moins 70 sacs d’avoine par décade ; il lui manque 30 sacs qu’il est nécessaire de lui fournir pour son relais, sans compter la semence nécessaire pour les 165 arpents qu’il cultive, évaluée à 120 sacs.

Alors où aller chercher l’avoine qui manque ? les officiers municipaux de Guillerval partent inspecter les greniers et granges du citoyen Paul Gibier qui possède deux fermes dans lesquelles se trouvent au total 320 sacs tant battus qu’à battre. Et c’est au tour des citoyens de Guillerval de se plaindre que le citoyen Le Comte enlève toute l’avoine de cette commune et qu’il n’en restera pas même pour la semence ni pour nourrir les chevaux de labour.

Trois mois plus tard Jean-Louis Le Comte manque de semence et la municipalité enlève 20 sacs d’avoine sur deux cultivateurs de la commune : 10 sacs chez Louis Petit et 10 sacs chez Gibier. «  Ces 20 sacs feront faute à la commune, écrit-elle, mais il faut se prêter dans cette circonstance ; il est certain qu’elle ne peut plus faire aucune réquisition d’aucun grains. Les parties sont sommées de fournir cette avoine au 6 germinal « . Et dans la marge il a été écrit : «  le devoir de la municipalité est de prendre l’avoine jusque dans les râteliers pour ensemencer et perpétuer l’espèce « . En fait, il faudra même à Lecomte 14 sacs de plus.

L’année suivante, le problème se repose avec encore plus d’acuité. Jean Louis Lecomte n’a même plus d’avoine pour nourrir ses chevaux et il en demande 30 quintaux. Cette fois la municipalité s’adresse à un autre cultivateur de Guillerval, le citoyen Venard qui refuse de donner son avoine, car il n’en a pas assez pour ensemencer sa terre, nourrir son cheval et satisfaire à cette réquisition. Vu la pénurie de l’avoine dans le magasin d’Etampes, le besoin pressant du citoyen Lecomte qui ne peut assurer son service, le refus exprimé à quatre reprises différentes par Venard de livrer son avoine et considérant que si la conduite du citoyen Venard était tolérée elle affaiblirait l’effet des réquisitions, l’obéissance aux lois et entraverait le service public, le directoire du district d’Etampes le dénonce au juge de paix du canton de Saclas.

Il est trop tard pour certains chevaux et le 2 frimaire an 3, Lecomte fait enregistrer la perte de 14 chevaux de poste intervenue depuis le 16 germinal, soit pendant les sept derniers mois, perte estimée à la somme de 23 115 livres. 14 chevaux sur les 57 qu’il possédait dans son relais. Le conseil général d’Etampes, «  considérant que les pertes des chevaux éprouvées par Leconte sont en partie les suites de la disette des fourrages qu’ont éprouvé lesdits chevaux, du changement de nourriture que les circonstances ont exigé et de l’usage trop prompt des nouveaux fourrages est d’avis que soit alloué au citoyen Leconte les indemnités que la loi lui assure en raison de la perte de 14 chevaux « . Il n’y avait pas que les hommes pour souffrir de la disette des grains.

En l’an 4, un an après, Lecomte demandera une avance de 500 000 livres pour soutenir le bon entretien de son relais. L’administration accédera à sa demande car dit-elle «  il faut en ce moment de très gros fonds pour entretenir un relais de poste comme est entretenu celui de Mondésir, attendu la cherté des fourrages et autres choses de première nécessité « .

Il n’est pas le seul à éprouver des difficultés. Au moment où Lecomte fait état de la perte de ses 14 chevaux, le maître de poste d’Etampes fait constater l’état des chevaux qui composent son relais : il devrait avoir 38 chevaux pour que son relais soit complet, il lui en manque quatre. En outre huit chevaux sont reconnus hors d’état de servir et devraient être remplacés. Il a également éprouvé de grandes pertes dans l’exploitation de sa poste depuis le premier janvier 1793, tant par la mort de neuf chevaux, que par les dépenses que lui a occasionnées la cherté progressive des denrées, lesquelles calculées jusqu’au 1er vendémiaire an 3 (22 septembre 1794), se trouvent excéder la recette de 39 106 livres, 2 sols, 11 deniers.

A l’époque, il a lui aussi consommé toute l’avoine de sa récolte, il ne lui en reste plus à battre et les réquisitions sont donc indispensables pour qu’il puisse assurer le service, le défaut d’approvisionnement des marchés le mettant dans l’impossibilité de se procurer les denrées nécessaires. L’administration accepte de pourvoir au remplacement des chevaux soit par achat de gré à gré, soit si ça n’est pas possible par voie de réquisition. Quant à l’indemnité que le citoyen Duverger réclame pour les pertes qu’il prétend avoir faites dans l’exploitation de sa poste depuis le mois de janvier 1793 à cause de la cherté progressive des denrées, considérant que la loi a augmenté le prix des courses par cheval de poste, en proportion de la hausse survenue dans le prix des denrées, elle estime qu’il n’y a pas lieu à donner suite.

Qu’en est-il donc du maître de poste d’Angerville, également officier municipal ? les diverses relations que nous avons de lui semblent en faire un homme à poigne, qui ne se laisse pas faire et ne mâche pas ses mots. Contrairement aux autres maîtres de poste, il ne semble pas trop affecté par la pénurie de subsistance. Une seule réclamation émane de lui : le 12 nivôse an 2, il demande 35 septiers d’avoine par décade n’ayant d’avoine chez lui que pour faire ses semences. Le maire et les officiers municipaux signent le réquisitoire. Mais se rendant ensuite dans ses granges ils y trouvent environ 600 sacs d’avoine à battre. Ils font donc connaître aux citoyens administrateurs du directoire du district d’Etampes que Jean Henry Rousseau n’a pas dit la vérité, il ne peut lui en falloir pour ses semences qu’environ 170 sacs.

Le 22 vendémiaire an 3, il déclare qu’ayant beaucoup de chevaux malades et n’ayant pas de son pour pouvoir les alimenter, il fait convertir du blé en farine, afin de s’en réserver le son et que la farine servira à remplir ses réquisitions. L’agent national d’Angerville demande que le citoyen Rousseau fournisse ses réquisitions en blé et non en farine, mais il n’est pas sûr qu’il ait eu gain de cause.

Par contre, de nombreuses plaintes sont déposées contre lui, car il ne donne pas forcément des chevaux à qui en demande. Il possède 53 chevaux dans son relais y compris ses chevaux de labour. Le 5 brumaire an 3, le citoyen Legendre, conducteur de la diligence de Paris à Bordeaux, demande des chevaux au retour de Bordeaux, au postillon du citoyen Rousseau, Gabriel Perrot. Ce dernier lui répond par trois fois qu’il n’en a pas pour la diligence. Legendre demande que sa plainte soit envoyée à l’administration des postes et messageries, afin de réprimer de pareils abus qui tendent à ralentir le service public.

Le 26 brumaire an 3, le citoyen Jean Charles Tixier Pigelet négociant à Issoudun et venant de Paris, lui demande deux chevaux pour mettre à sa voiture afin de la conduire jusqu’à la prochaine poste, ce qu’il a essayé de faire depuis Paris. Le commis lui répond qu’il n’en aura que dans deux heures. Pigelet se déplace dans l’écurie et y trouve 40 chevaux. Il dénonce donc le citoyen Rousseau pour infraction à l’intérêt général.

Le 29 vendémiaire an 4, il fait attendre plus d’une heure le citoyen Legrand, député du département de l’Indre au corps législatif, pour lui refuser ensuite des chevaux, bien qu’il y en ait 22 dans son écurie. Il prétexte que 5 seulement sont destinés au service de la poste et attendent la diligence et que les autres servent aux labours. Le député s’adresse à l’agent national de la commune pour lui faire fournir sans délai les chevaux qui lui sont nécessaires.

Quelqu’un cependant à Angerville réclame ses grains à cor et à cri, de même que les pailles et fourrages qui lui sont indispensables pour entretenir les chevaux des troupes de passage : c’est l’étapière, Marie Catherine Gérard, veuve Damond. Le 29 pluviôse an 4, elle ne peut s’approvisionner de fourrage pour le service militaire, alors que le passage des troupes est considérable en ce moment. «  Selon la décision du ministre de la guerre, dans le cas où les préposés aux étapes n’auraient pu se procurer sur les marchés publics, chez les propriétaires et cultivateurs les denrées nécessaires à leurs services, il doit en être prélevé en cas d’urgence les quantités reconnues nécessaires pour assurer la subsistance des troupes de passage sur le contingent de la contribution en nature « . Et cette décision doit s’appliquer.

En l’an 5, elle menace d’interrompre son service ne recevant aucun fond des entrepreneurs généraux pour le département de Seine-et-Oise. Le président du conseil général d’Angerville l’appuie, d’autant plus qu’il ne cesse d’arriver journellement des militaires estropiés.

Elle répond également aux adjudications au rabais pour la fourniture des rations de vivres et de fourrages nécessaires aux brigades de gendarmerie nationale. La ration de vivres est composée de 28 onces de pain et de 8 onces de viande et la ration de fourrages de 15 livres de foin et un demi boisseau d’avoine mesure de Paris. En germinal an 3, la fourniture lui est adjugée à raison de 24 livres : 4 livres 10 sols pour les vivres et 19 livres 10 sols pour les fourrages.

Sources : Archives Départementales de l’Essonne – Série L

L 727 à 729 justices de paix du canton d’Angerville

L858 à 866 justices de paix du canton de Saclas

L 93 à100 délibérations d’Etampes

L 104 instructions nationles

L 105 municipalités, visites communales

L 117 réquisitions de chevaux

L 129 registre de délibérations du canton d’Angerville

L 709 tribunal correctionnel d’Etampes

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