Le travail des enfants

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La première loi sur le travail des enfants vit le jour en Angleterre le 29 août 1833. Elle s’appliquait à « toutes les manufactures de coton, de laine, de lin, d’étoupe, de chanvre, ou de soie, qui font usage de machines à vapeur ou de roues hydrauliques ». Elle prévoyait que :

« Nul enfant ne peut être employé avant l’âge de neuf ans.

« Nul enfant au dessus de treize ans ne doit travailler plus de quarante huit heures par semaine, ou plus de neuf heures dans un jour.

« Les personnes au dessus de dix huit ans ne doivent pas travailler plus de soixante neuf heures par semaine ou douze heures par jour ; elle ne doivent pas travailler entre huit heures et demie du soir et cinq heures et demie du matin.

« On donne une heure et demie pour les repas, mais ce temps n’est pas compris dans les neuf ou douze heures de travail.

« Tout enfant restreint à quarante huit heures de travail par semaine doit passer, au moins, deux heures par jour à l’école, chacun des six jours de la semaine ».

Le médecin de la localité devait de plus certifier que la constitution de l’enfant était bonne et capable de supporter les fatigues de l’atelier.

Dès lors, cette loi mit partout en Europe, la question à l’ordre du jour. En France, des voix s’élevèrent, provenant aussi bien des industriels eux-mêmes que du ministre de l’Instruction publique en 1833, car il n’était pas rare que les enfants soient obligés de travailler très dur et de faire de longues journées de labeur, alors qu’ils étaient encore très jeunes et n’allaient de ce fait pas à l’école.

Enquête sur les conditions de travail des enfants

C’est ainsi que le ministre du Commerce et des Travaux publics envoie le 31 juillet 1837 aux chambres de commerce, une série de questions « sur les conditions actuelles des enfans occupés dans les fabriques, la durée du travail auxquelles ils sont soumis et les règles nouvelles qu’il serait utile de leur appliquer dans l’intérêt de l’humanité, comme dans celui du commerce ». Il accompagne ces questions d’un exposé de la loi anglaise tel que reproduit ci-dessus. De 1837 à 1839, une enquête est donc menée en Seine-et-Oise par le préfet, qui répercute le questionnaire sur les maires de son département le 9 septembre 1837. A Pussay, la fabrique Boyard Fils répond à cette demande :

Réponse de Louis Boyard à l’enquête sur les conditions de travail des enfants

« Pussay, le 9 octobre 1837

Monsieur le Préfet,

J’ai sous les yeux votre circulaire du 3 septembre dernier ; suivant votre désir je vais avoir l’honneur de répondre aux questions qui y sont contenues.

Les garçons sont reçus dans nos fabriques à l’âge de 12 ans ; ils travaillent presque toujours avec leurs pères qui sont à leurs pièces ; ils peuvent en commençant gagner 40 à 50 c par jour, ce gain augmente au fur et à mesure qu’ils avancent en âge ; à 16 ou 17 ans lorsqu’ils sont adroits ils peuvent gagner autant qu’un homme savoir 30 à 40 sols par jour.

Les petites filles sont accoutumées de très bonne heure à tricoter avec leurs mères, celles qui continuent à tricoter et qui ne sont pas destinées par leurs parens à apprendre un métier soit de couturière, lingère etc… peuvent gagner 6 à 8 sols par jour lorsqu’elles ont fait leur première communion, un peu plus tard elles gagnent 2 F 50 c à 3 F par semaine mais les parents les envoient en service comme domestique aussitôt qu’elles sont assez fortes.

Il ne résulte aucune économie pour les fabricants de la substitution des enfans à des ouvriers adultes ; il y a plutôt perte pour le maître, l’apprentissage étant toujours onéreux en ce que l’ouvrage est moins bien fait.

Les ouvriers travaillent en hiver depuis 8 heures du matin jusqu’à 9 heures du soir, en été depuis soleil levé jusqu’à soleil couché.

Les enfans des deux sexes ne sont pas confondus dans les mêmes ateliers, les garçons travaillent avec leur père ou d’autres personnes chargées de leur apprendre leur état ; les petites filles avec leur mère.

L’instruction laisse beaucoup à désirer, les parens en général n’en sentent pas assez le prix, les enfans sont à l’école jusqu’à l’époque de leur première communion et n’y retournent plus après à l’exception de quelques uns en très petit nombre qui fréquentent les écoles du soir. Il en résulte que les enfans entièrement livrés au travail oublient vite le peu qu’ils ont appris.

La moralité des enfans est généralement bonne.

La loi anglaise serait difficile à exécuter dans notre fabrique, elle n’apporterait du reste aucune amélioration dans la position des enfans attendu que le travail qu’ils ont à faire n’est pas pénible ils sont presque toujours assis et ont besoin de plus d’agilité et d’adresse que de force ; si cette loi venait à être adoptée en France, il faudrait alors que les fabricants dans l’intérêt des enfans obligent ces derniers à consacrer à l’instruction le tems qu’ils ne passeraient pas à travailler.

J’ai l’honneur d’être avec respect Monsieur le Préfet

Votre très humble serviteur

Boyard fils ».

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Cette enquête concerne également la manufacture Dujoncquoy qui possède alors un établissement à Pussay et un autre, Ville-Lebrun, à Sainte-Mesme près de Dourdan, pour lequel il répond :

Réponse d’Alexandre Dujoncquoy à l’enquête sur les conditions de travail des enfants

« Filature de laines et fabrique de bonneterie d’Alexandre Dujoncquoy fils de Ville-Lebrun

Réponses aux questions de la 1ère série

N°1 Les enfans sont reçus dans la fabrique à l’âge de 9 à 10 ans.

N°2 et leur salaire est de 50 c.

N°3 Ce n’est pas par économie que l’on occupe des enfants dans les filatures ; les adultes ne pourraient faire l’ouvrage des enfants ; parce qu’ils n’ont plus assez de vivacité, de souplesse, de délicatesse dans les membres. De même les enfants ne peuvent faire l’ouvrage des hommes, ouvrage qui demande de la force et de la vigueur.

N°4 La durée du travail qui est la même pour les ouvriers de tous les âges, est de 12 heures par jour.

N°5 Les veillées ne se prolongent que jusqu’à neuf heures.

N°6 Les enfants de 10 à 13 ans de l’un et de l’autre sexe, travaillent dans les mêmes ateliers, à 13 ans les sexes ne sont plus confondus, les filles se livrent au dévidage des laines filées à l’épluchage et au trillage des laines en poil, les jeunes gens au tissage des bas, au tondage de la bonneterie.

N°7 Les enfants appartiennent aux ouvriers employés dans la fabrique, dans la proportion d’un cinquième (cette proportion est très variable).

N°8 Quant à l’instruction elle est pour ainsi dire nulle : peu d’enfans savent lire, la cause en doit être attribuée à la misère des parents qui n’ont jamais envoyé leurs enfans aux écoles ; ils suivent seulement les instructions religieuses à l’époque de leur première communion.

N°9 Il est bien difficile de juger de la moralité de ces enfans ; dans les ateliers ils sont assez dociles et le travail continuel les empêche de se livrer à aucun vice.

Devenus plus grands ils sont tous à leur tâche et le besoin de gagner les attachent à leur ouvrage ; ils sont presque tous laborieux et peu débauchés.

Quant aux filles se trouvant éloignées du commerce des hommes, il n’arrive jamais de désordres dans l’intérieur de la fabrique. On peut donc dire que quoi qu’occupés dans une fabrique, ces ouvriers et ouvrières ont beaucoup plus de moralité que ceux de la plus part des villes.

N°10 Les enfans sont traités avec beaucoup de douceur ; s’ils sont coupables on leur inflige de petites amendes proportionnées à leur salaire et à la faute qu’ils ont commise. Ces amendes dépassent rarement 25 à 50 c.

Réponses aux questions de la 3ème série

1° Les enfants entrent à l’âge de 9 ans.

2° Quant à proportionner le nombre d’heures de travail à la force des enfans ; c’est tout à fait impossible dans une filature qu’ils travaillent moins longtemps que le reste des ouvriers ; les enfans, les adolescents, les adultes se livrent chacun à des travaux tout à fait différents, quoique concourant ensemble au même but, qui est de rendre la laine à l’état de filage. On ne peut donc sans agir ouvertement contre les intérêts du fabriquant, de l’adulte et de l’adolescent les priver des enfants pendant quelques heures.

3° Les enfans qui sont d’une complexion trop faible pour remplir un emploi, sont admis à un genre de travail moins dur s’il en existe dans la fabrique sans quoi ils ne sont pas reçus.

4° Les ouvriers de tous les âges peuvent facilement travailler 12 heures par jour ; sans que cela apporte aucun dérangement à leur santé, ni aucun obstacle à leur développement ».

Première loi en France sur le travail des enfants

Ces enquêtes aboutirent à la loi du 22 mars 1841 :

Art 1er : Les enfants ne pourront être employés que sous les conditions déterminées par la présente loi :

1° dans les manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique ou à feu continu, et dans leurs dépendances ;

2° dans toute fabrique occupant plus de vingt ouvriers réunis en atelier.

Art 2 : Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins huit ans.

De huit à douze ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt-quatre, divisées par un repos.

De douze à seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt-quatre, divisées par des repos.

Ce travail ne pourra avoir lieu que de cinq heures du matin à neuf heures du soir.

L’âge des enfants sera constaté par un certificat délivré, sur papier non timbré et sans frais, par l’officier de l’état civil.

Art 3 : Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du matin est considéré comme travail de nuit.

Tout travail de nuit est interdit pour les enfants au-dessous de treize ans …

Art 4 : Les enfants au-dessous de seize ans ne pourront être employés les dimanches et les jours de fête reconnus par la loi.

Art 5 : Nul enfant âgé de moins de douze ans ne pourra être admis qu’autant que ses parents ou tuteur justifieront qu’il fréquente actuellement une des écoles publiques ou privées existant dans la localité. Tout enfant admis devra, jusqu’à l’âge de douze ans, suivre une école.

Les enfants âgés de plus de douze ans seront dispensés de suivre une école, lorsqu’un certificat, donné par le maire de leur résidence, attestera qu’ils ont reçu l’instruction primaire élémentaire.

Art 6 : Les maires seront tenus de délivrer au père, à la mère ou au tuteur, un livret sur lequel seront portés l’âge, le nom, les prénoms, le lieu de naissance et le domicile de l’enfant, et le temps pendant lequel il aurait suivi l’enseignement primaire.

Les chefs d’établissement inscriront :

1° sur le livret de chaque enfant, la date de son entrée dans l’établissement et de sa sortie ;

2° sur un registre spécial, toutes les indications mentionnées au présent article.

Art 10 : Le gouvernement établira des inspections pour surveiller et assurer l’exécution de la présente loi. Les inspecteurs pourront, dans chaque établissement, se faire représenter les registres relatifs à l’exécution de la présente loi, les règlements intérieurs, les livrets des enfants et les enfants eux-mêmes ; ils pourront se faire accompagner par un médecin commis par le préfet ou le sous-préfet.

Cette loi avait le mérite d’exister, mais elle comportait de notables différences par rapport à la loi anglaise :

–         elle restreignait la surveillance aux ateliers comportant plus de 20 ouvriers ;

–         elle fixait l’âge d’admission dans les manufactures à 8 ans au lieu de 9 ans ;

–         elle admettait en général un travail journalier plus long ;

–         et surtout, les inspecteurs étaient bien impuissants à la faire exécuter. Les préfets avaient été chargés de nommer des commissions locales, non salariées, composées d’hommes très honorables et très dévoués, mais qui, remplissant des fonctions pour ainsi dire officieuses et honorifiques, ne se sentaient pas assez autorisés pour user du droit de poursuite qui leur était conféré ;

et elle ne fut que très peu appliquée, tant à cause des patrons, que des familles qui se voyaient privées d’une source de revenus.

Une nouvelle loi, prenant en compte ces imperfections, fut votée par la Chambre des pairs le 21 février 1848, mais la révolution éclata avant qu’elle fût soumise au vote de la Chambre des députés. Quand le calme fut rétabli, le gouvernement se préoccupa de la violation presque générale de la loi de 1841. Le Conseil général des manufactures fut consulté. Cela aboutit à la loi sur les contrats d’apprentissage du 4 mars 1851, loi qui se trouvait sur certains points en contradiction avec celle de 1841. De 1852 à 1864, les départements manufacturiers se plaignirent de l’exécution inégale de la loi et de l’absence de règlements. Les « Mémoires des Instituteurs » rédigés en 1861 parlent quant à eux de l’inexécution de la loi de 1841.

Le Conseil général de la Seine fut le premier à vouloir agir : il nomma et paya un inspecteur et un inspecteur adjoint pour vérifier la situation du travail des enfants dans les manufactures de son ressort. Le rapport remis par l’inspecteur à la fin de l’année 1865, « établissait que les contraventions à la loi étaient nombreuses, mais en même temps, il signalait comme un désir général et comme un mouvement spontané parmi les fabricants et les ouvriers, pour sortir de l’ancienne ornière. Il constatait que chaque jour un plus grand nombre de chefs d’industrie sentent la nécessité de prendre à cœur le bien-être et le développement moral des enfants qu’ils emploient ».

Application de la loi de 1841 dans les manufactures de Pussay

La loi prévoyait dans son article 10, d’établir des inspecteurs pour surveiller et assurer son exécution. Concernant l’arrondissement d’Etampes, la commission chargée de ces inspections et constituée en janvier 1842, se compose de MM. Mainfroy, conseiller général de Seine-et-Oise, Delanoue, adjoint au maire d’Etampes, Baron, curé de Notre-Dame et doyen du canton, Bourgeois, docteur en médecine à Etampes et Huet fils, ancien élève de l’école polytechnique, propriétaire à Etampes.

Le 29 septembre 1842, le Sous-préfet d’Etampes est en mesure d’adresser au Préfet un rapport sur les sept fabriques concernées par la loi dans son arrondissement, à savoir les fabriques de MM. Michelez à Lardy, Langevin à Itteville, Boyard, Forteau et Gry, Dujoncquoy fils à Pussay, Lemoine-Bouthemard à Saclas et Cauchois à Boissy-la-Rivière.

Concernant les fabriques de bonneterie drapée située à Pussay, ce rapport indique :

« Sur 20 ou 25 fabriques exploitées dans cette commune, il en est trois seulement qui occupent plus de 20 ouvriers et qui à ce titre soient soumises à la surveillance. Ce sont les fabriques de M. Boyard, de MM. Forteau et Gry et de M. Dujoncquoy.

« M. Boyard n’occupe que 4 enfants au-dessous de l’âge de 16 ans. 3 sont âgés de 13 et 14 ans et savent lire et écrire. Un seul âgé de près de 16 ans n’a jamais été à l’école. Ces enfants ne sont pas assujettis à un travail effectif de plus de 12 heures sur 24 et ne travaillent pas la nuit ni les dimanches et jours de fête reconnus.

« MM. Forteau et Gry n’ont dans leur fabrique que 4 enfants au-dessous de 16 ans. L’un a 11 ans, un autre 13 ans et deux ont 14 ans. Ces 4 enfants ont été à l’école et ne travaillent pas plus de 12 heures par jour, ni les dimanches et fêtes. Un 5e enfant, dont il ne faut parler que pour mémoire, n’est âgé que de 9 ans, mais cet enfant ne vient travailler que pendant quelques heures avec son père et fréquente exactement l’école de la commune.

« M. Dujoncquoy Fils occupe seulement 2 enfants, l’un âgé de près de 14 ans et l’autre âgé de 15 ans, qui tous deux ont été à l’école et ne travaillent pas plus de 12 heures par jour, ni les dimanches et fêtes.

« Ces trois établissements sont donc à peu de choses près quant aux enfants qu’ils emploient, dans les prescriptions de la loi de 1841. Il reste cependant à assujettir leurs directeurs à la délivrance des livrets et à la tenue du registre exigé par l’article 6 de cette loi et à la justification des actes de naissance prescrits par l’article 4 ».

Le 14 septembre 1843, le Sous-préfet d’Etampes remet un nouveau rapport au Préfet en lui précisant qu’il a lui-même fait, à diverses reprises, avec les inspecteurs de son arrondissement, des inspections, dont la dernière a eu lieu dans les premiers jours de ce mois :

« Les fabriques de bonneterie de Pussay, dont trois seulement sont sujettes à inspection, à cause du nombre d’ouvriers qu’elles occupent, ne donnent lieu à aucune observation nouvelle. Elles n’emploient toujours qu’un très petit nombre d’enfants au-dessous de l’âge de 16 ans, ces enfants ont reçu l’instruction primaire et la durée du travail n’excède pas celle fixée par la loi ».

En observation générale, il ajoute : « Pour lever la difficulté qui avait existé jusqu’à ce jour relativement aux livrets dont les enfants doivent être porteur, les soussignés ont pris le parti d’en faire fabriquer et imprimer un grand nombre conforme au modèle donné par l’administration supérieure. Ces livrets ont coûté chacun 25 centimes. Il en a été remis aux chefs d’établissement un nombre proportionné aux enfants qu’ils occupent, de manière à ce que non seulement les enfants aujourd’hui employés dans les fabriques de l’arrondissement soient munis immédiatement de leurs livrets, mais encore de manière à ce que les chefs d’établissement aient en leur possession un certain nombre de livrets disponibles pour les enfants qui entreront chez eux. La valeur des livrets a été remboursée par les maîtres des établissements sauf à eux à la retenir, s’ils croient devoir le faire, sur le salaire des enfants ». L’histoire ne dit pas ce qui a été fait, mais le salaire d’un enfant n’excédait pas 50 centimes par jour, voire moins pour les filles.

Les inspections se poursuivent les années suivantes, mais à partir de 1849, les rapports ne mentionnent plus les fabriques de Pussay. Très peu d’enfants au-dessous de l’âge de 16 ans y étaient employés et aucun au-dessous de 12 ans. Cela n’empêche pas les choses d’évoluer puisqu’en 1861, la fabrique Dujoncquoy rédige son règlement :

Règlement de la fabrique Dujoncquoy en 1861

« Pour nous conformer à la loi sur les Enfants dans les manufactures et en assurer l’exécution, nous établissons le règlement suivant, auquel les ouvriers sont tenus de se conformer.

Article 1er. La nature de nos travaux ne nous permettant pas d’occuper nos ouvriers moins de douze heures par jour, aucun enfant ne sera reçu s’il n’a douze ans accomplis. Pour se présenter, les enfants auront à se pourvoir auprès des Maires de leurs communes, d’un certificat indiquant leur âge et le degré d’instruction qu’ils ont reçus. S’ils sont admis à la fabrique, ce certificat sera changé contre un livret.

Article 2. Pour assurer le maintien des bonnes mœurs et la décence, les filles et les garçons ne travailleront point dans les mêmes ateliers et une punition serait infligée à ceux qui iraient d’un atelier dans un autre sans nécessité.

Article 3. Pour prévenir les accidents, les peigneurs de cardes, qui seuls sont exposés par leur imprudence et encore par la négligence de leurs vêtements, auront une blouse qui les couvrira entièrement et qui par sa confection ne laissera aucune prise aux engrenages.

Article 4. Il est expressément défendu de frapper les enfants, mais comme il est indispensable qu’il y ait des punitions pour assurer le travail et maintenir l’ordre dans l’atelier, des amendes seront prononcées contre ceux qui ne rempliront pas leurs devoirs. Le produit des amendes sera versé dans une caisse fermée et sera destiné à secourir les ouvriers malades.

Article 5. Les ouvriers doivent se rendre au son de la cloche et ne pas sortir avant le signal. Le matin un 2e coup sera donné après le 1er, au bout de dix minutes ; après chaque repas, il y aura cinq minutes d’intervalle entre le 1er et le 2e coup et ceux qui ne seront pas rendu à l’atelier seront mis à l’amende.

Tarif des amendes

L’amende simple sera pour les hommes, 15 centimes ; pour les pelotteurs et les chargeurs, 10 centimes ; pour les rattacheurs, 5 centimes.

Cette amende sera prononcée dans les cas suivants :

1° contre ceux qui arriveront après le 2e coup de cloche, ou partiront avant le signal ;

2° contre ceux qui iront d’un atelier dans un autre sans nécessité ;

3° pour ceux qui tiendront malpropres leurs métiers, cardes et planchers qu’ils ont à nettoyer ;

4° pour ceux qui frapperont les Enfants, ou contre les Enfants qui forceront leurs maîtres à se plaindre d’eux ;

5° et enfin, dans tous les cas imprévus qui pourront se présenter.

L’amende contre ceux qui manqueraient à leur travail pour ivresse, ou pour avoir introduit dans l’atelier, du vin ou des liqueurs spiritueuses, sera de la moitié de la journée.

Article 6. Les contre-maîtres seront chargés de mettre à exécution le présent règlement ».

Application de la loi dans les autres manufactures de l’arrondissement

Le rapport du 5 avril 1849 ne s’applique effectivement plus qu’à 6 usines :

–         la fabrique de lacets de M. Michelez à Lardy

–         la filature de M. Langevin à Itteville

–         la fabrique de guipure de M. Unsworth à Itteville

–         la filature de laine de M. Lemoine à Saclas

–         la filature de laine de M. Cauchois à Boissy-la-Rivière

Le 7 février 1851 le Sous-préfet d’Etampes informe le Préfet que l’arrondissement d’Etampes renferme 4 établissements industriels placés dans les diverses catégories auxquelles peuvent s’appliquer les dispositions de la loi relative :

1)      à Lardy une fabrique de lacets de soie (Michelet)

2)      à Itteville une filature de bourre de soie (Langevin)

3)      à Saclas une filature de laine (Lemoine)

4)      à Boissy-la-Rivière une filature de laine (Cauchois)

Le 11 octobre 1853, un arrêté est pris par le Ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics, pour réorganiser les inspections. Il est suivi d’un rappel à l’ordre sur les instructions et la tenue des réunions périodiques. La commission instituée dans l’arrondissement d’Etampes est composée de MM. Charpentier et de Selves, conseillers généraux, Courty, conseiller d’arrondissement, du Comte de Saint-Roman, maire de Méréville, du docteur Hache et de M. Linarès inspecteur des écoles.

Malgré cela, le Sous-préfet se plaint régulièrement de ce que les inspecteurs ne répondent pas à ses appels. C’est ainsi qu’il répond le 14 août 1856 au Préfet :

« Par votre lettre du 17 juillet 1856 vous me faites l’honneur de me demander un rapport pour le 15 août sur le travail des enfants dans les manufactures.

Il y a peu d’industries et de manufactures dans mon arrondissement ; cependant les prescriptions légales sont partout observées.

J’ai donné à différentes reprises des instructions aux commissaires cantonaux pour vérifier dans leurs tournées, la situation des établissements industriels à ce point de vue.

J’ai convoqué les membres de la commission de surveillance du travail des enfants dans les manufactures ; mais je dois dire que deux membres seulement ont répondu à mon appel : Mrs de Saint-Roman pour le canton de Méréville, de Selves pour le canton de La-Ferté-Alais.

Dans le canton de Milly il n’y a pas d’industries.

Dans le canton d’Etampes, il y a plusieurs manufactures, Mr Charpentier membre surveillant pour ce canton, n’a pas jugé à propos de venir à la réunion.

Partout les enfants vont à l’école et nulle part on ne leur demande un travail au-dessus de leurs forces et des prescriptions règlementaires.

J’ai remarqué que le concours des commissaires cantonaux était généralement plus efficace que celui des membres de la commission de surveillance.

Moi-même, j’ai fait plusieurs tournées et j’ai été à même de constater que la loi du 22 mars 1841 était bien observée ».

Le préfet le relance à nouveau l’année suivante. La réponse est identique à ceci près que cette fois il précise que les membres de la commission s’acquittent tous bien de la mission qui leur a été confiée et il signale tout particulièrement M de Saint-Roman à l’attention du Préfet.

Pourtant, le 13 septembre 1859, il fait à nouveau allusion au manque de réponse à ses demandes d’inspection : « Vous m’avez fait l’honneur de me demander par votre lettre du 27 juillet dernier quels ont été dans mon arrondissement les résultats de la surveillance de la commission gratuite chargée de l’inspection du travail des enfants employés dans les manufactures, comment elle a fonctionné, combien d’infractions elle a constatées, si l’on pouvait considérer la loi de 1841 comme recevant son exécution dans les établissements appartenant à mon arrondissement et s’il n’y aurait pas lieu de faire supporter la dépense de l’inspection salariée par les établissements industriels eux-mêmes dans le cas où cette inspection serait reconnue nécessaire par le gouvernement.

Je n’ai reçu jusqu’ici que deux réponses aux lettres que j’ai adressées aux membres de la commission ;il résulte de la réponse de Mr le Marquis de Selves, que la loi reçoit son exécution dans le canton de La-Ferté-Alais qui compte plusieurs manufactures ; qu’il n’y a pas lieu au moins en ce qui concerne ce canton à rien changer de l’état des choses et que les industriels supporteraient difficilement la dépense d’une inspection salariée ; celle de Mr Linarès inspecteur des écoles fait connaître à Monsieur le Préfet de Seine-et-Oise au contraire que l’inspection gratuite donne des résultats absolument nuls et que l’inspection salariée serait une mesure excellente et nécessaire, la seule qui puisse rendre possible l’exécution sérieuse de la loi de 1841.

Dans les pays industriels où on occupe les enfants en grand nombre, une active surveillance est indispensable parce que les parents sont d’accord avec les industriels pour éluder souvent la loi, mais dans mon arrondissement où les enfants sont occupés en petit nombre à l’industrie, et encore comme à Pussay non pas dans des ateliers nombreux, mais à la tâche dans leur famille, je ne pense pas qu’il y ait lieu à nommer des inspecteurs salariés, les industriels ne voudraient pas supporter les frais de cette inspection et l’état n’aurait pas un intérêt assez grand dans l’arrondissement d’Etampes pour le faire par lui-même ; je ne crois pas que les inspecteurs actuels aient relevé aucune contravention depuis qu’ils sont entrés en fonctions ; cela s’explique par le petit nombre d’établissements industriels et par le nombre si restreint d’enfants qui y sont employés ; mon avis, surtout en ce qui concerne l’arrondissement, est que la loi actuelle de 1841, est suffisante pour armer l’administration d’un contrôle suffisant et que faire supporter les frais d’inspection salariée par les établissements industriels serait une mesure mal vue… ».

En 1864, le Sous-préfet signale que, dans son arrondissement, la loi « s’est exécutée sur quelques points. Ainsi, les enfants ne sont reçus dans les manufactures qu’à l’âge de 8 ans et les heures de travail n’excèdent pas celles réglementaires. Mais les autres points sont souvent mis en oubli puisque des enfants de moins de 12 ans occupés dans des fabriques et notamment à Bouray, Itteville et Cerny ne fréquentent pas les écoles et que les maîtres négligent de leur délivrer des carnets.

Le nombre des manufactures, fabriques et autres est peu considérable. Par conséquent, très peu d’enfants y sont employés et il s’ensuit que l’exécution de la loi n’a qu’une très faible importance pour le pays… ».

En 1866, seules trois fabriques emploient encore des enfants : la fabrique de passementerie Michelez à Lardy, la fabrique de crins à Bouray et la fabrique de bourre de soie à Itteville. L’année suivante, il n’y a plus que les deux dernières

La loi du 19 mai 1874 et son application

Une nouvelle loi voit le jour en 1874, sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie :

Art 2. Les enfants ne pourront être employés par des patrons ni être admis dans des manufactures, usines, ateliers ou chantiers avant l’âge de douze ans révolus. Ils pourront être toutefois employés à l’âge de dix ans révolus dans les industries spécialement déterminés par un règlement d’administration publique rendu sur l’avis conforme de la Commission supérieure ci-dessous instituée.

Art 3. Les enfants jusqu’à l’âge de 12 ans révolus ne pourront être assujettis à une durée de travail de plus de six heures par jour, divisées par des repos. A partir de douze ans, ils ne pourront être employés plus de douze heures par jour, divisées par des repos.

Art. 4. Les enfants ne pourront être employés à aucun travail de nuit jusqu’à l’âge de seize ans révolus. La même interdiction est appliquée à l’emploi des filles mineures de seize à vingt et un ans mais seulement dans les usines et manufactures. Tout travail, entre neuf heures du soir et cinq heures du matin, est considéré comme travail de nuit. Toutefois, en cas de chômage résultant d’une interruption accidentelle et de force majeure, l’interdiction ci-dessus pourra être temporairement levée, et pour un délai déterminé, par la commission locale ou l’inspecteur ci-dessous institués, sans que l’on puisse employer au travail de nuit des enfants de moins de douze ans.

Art. 5. Les enfants âgés de moins de seize ans et les filles âgées de moins de vingt et un ans ne pourront être employés à aucun travail, par leurs patrons, les dimanches et fêtes reconnues par la loi, même pour rangement de l’atelier.

Art. 8. Nul enfant, ayant moins de douze ans révolus, ne peut être employé par un patron qu’autant que ses parents ou tuteurs justifient qu’il fréquente actuellement une école publique ou privée. Tout enfant admis avant douze ans dans un atelier devra, jusqu’à cet âge, suivre les classes d’une école pendant le temps libre du travail. Il devra recevoir l’instruction pendant deux heures au moins, si une école spéciale est attachée à l’établissement industriel. La fréquentation de l’école sera constatée au moyen d’une feuille de présence dressée par l’instituteur et remise chaque semaine au patron.

Art. 10. Les maires sont tenus de délivrer aux père, mère ou tuteur un livret sur lequel sont portés les nom et prénoms de l’enfant, la date et le lieu de sa naissance, son domicile, le temps pendant lequel il a suivi l’école. Les chefs d’industrie ou patrons inscriront sur le livret la date de l’entrée dans l’atelier ou établissement, et celle de la sortie. Ils devront également tenir un registre sur lequel seront mentionnées toutes les indications insérées au présent article.

Art. 11 – Les patrons ou chefs d’industrie seront tenus de faire afficher dans chaque atelier les dispositions de la présente loi et les règlements d’administration publique relatifs à son exécution.

Art. 15. Les patrons ou chefs d’établissement doivent, en outre, veiller au maintien des bonnes moeurs et à l’observation de la décence publique dans leurs ateliers.

Quinze inspecteurs divisionnaires rétribués par l’Etat, étaient chargés d’assurer l’exécution de la loi dans les quinze circonscriptions territoriales, mais les commissions locales instituées dans chaque département étaient gratuites. Les directeurs d’établissements pouvaient être poursuivis et punis d’une amende allant de 16 à 50 francs et en cas de récidive de 50 à 200 francs.

La loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels viendra la compléter: l’âge d’embauche y est fixé à 13 ans ou 12 ans avec le certificat d’études primaires et les enfants de moins de 16 ans ne peuvent accomplir plus de 10 heures de travail par jour, limitant l’exploitation du travail des enfants.

A la suite de la loi de 1874, la commission de surveillance mise sur pied, procède à une inspection le 5 novembre 1875 et envoie son rapport au préfet le 25 novembre :

« fabriques de bonneterie sises à Pussay

Trois établissements ont surtout fixé l’attention de la commission.

1° fabrique de Mme Veuve Boyard et Brinon

75 ouvriers dont 6 enfants y sont employés

2 de ces enfants ont 15 ans, 1 a 14 ans, 3 ont 13 ans, tous ont suivi l’école.

En hiver le travail a lieu de 7 h 1/2 du matin à 9 h du soir ; en été de 5 h du matin à 7 h du soir.

Il est divisé par deux repos.

Les ateliers sont fermés le dimanche. Le registre et les livrets prescrits existent et la loi est affichée.

2° fabrique de MM. Dujoncquoy, Jaquemet et Bigot

Elle compte 65 ouvriers dont 9 garçons et 7 filles.

5 garçons et 3 filles de 14 ans, 2 garçons et 3 filles de 13 ans, 2 garçons et 1 fille de 12 ans. Tous ont des livrets qui constatent qu’ils ont suivi l’école pendant plusieurs années.

Il n’y a pas de travail le dimanche. La loi est affichée et le registre est régulièrement tenu.

3° fabrique de M. Langlois-Marcille

20 ouvriers travaillent à l’intérieur de l’établissement, non compris ceux du dehors qui ont un métier à domicile.

Il n’y a qu’un seul enfant de 12 ans ; aucun de 12 à 15 ans. La commission a dû prescrire le livret pour l’enfant en question, la tenue du registre obligatoire et l’affichage de la loi.

Les autres établissements sont d’une moindre importance.

M. Lubin : un seul ouvrier, pas d’enfant.

M. Buret-Ballot : quatre ouvriers à l’intérieur, sans compter ceux du dehors, pas d’enfants.

M. Lejeune-Buffetault : 3 ouvriers à l’intérieur, sans compter ceux du dehors. Un jeune enfant de 9 ans qui suit régulièrement l’école ; il travaille environ trois heures avec son père pour n’être pas livré à lui pendant les récréations.

M. Hutteau : 6 ouvriers, pas d’enfants au-dessous de seize ans.

M. Peltier : 6 ouvriers, pas d’enfants.

Mme Veuve Buret-Belzacq : au nombre des ouvriers 2 filles mineures, une de 17 ans, l’autre de 20 ans, pas d’enfants au-dessous de 12 ans, ni de 12 à 16 ans.

M. Gry : il occupe 11 ouvriers, mais ni enfants, ni jeunes filles.

M. Lemaire : 14 ouvriers, 2 enfants, savoir : une fille de 13 ans ½ qui a suivi l’école ; 1 garçon de 15 ans de la commune de Grandville, près Pussay, qui a aussi suivi l’école.

M. Lejeune : 3 ouvriers, sans compter ceux du dehors, pas d’enfants.

Dans aucun des établissements ci-dessus, le travail n’a lieu le dimanche, ni les jours de fêtes reconnues.

Nous avons dû prescrire l’affichage de la loi dont les maîtres ne s’étaient pas encore procuré les exemplaires.

 

Plus tard, en décembre 1876, cette même commission écrit au Préfet :

« Notre rapport du 25 novembre 1875 vous a fait connaître l’état des usines , manufactures et ateliers de l’arrondissement d’Etampes dans lesquels des enfants sont employés et qui avaient été pour la première fois l’objet de notre inspection en vertu de la loi du 19 mai 1874.

A ce moment, les chefs d’établissement étaient à peine préparés à l’exécution de cette loi. Quelques-uns ne la connaissaient même pas. Elle n’était, à vrai dire, affichée nulle part ; les livrets et les registres d’inscription n’existaient que dans un très petit nombre d’établissements.

Sur les différents points, des satisfactions presque complètes ont été obtenues. La loi est affichée aujourd’hui dans tous les ateliers et manufactures. Les établissements principaux ont les livrets et les registres d’inscription. La formalité du livret est incomplètement remplie dans les ateliers de serrurerie, maçonnerie, menuiserie qui n’occupent chacun qu’un nombre très restreint d’enfants. Des chefs d’ateliers supposent, à tort ces livrets inutiles, parce qu’ils n’emploient que des enfants de la localité, ils les connaissent ainsi que leurs familles.

Le point capital est de veiller à ce que les enfants ne soient pas admis dans les manufactures et par les patrons avant l’âge de douze ans révolus, sans justifier qu’ils fréquentent actuellement l’école et qu’ils ne soient admis de 12 à 15 ans à un travail de plus de six heures par jour qu’en justifiant qu’ils ont acquis l’instruction primaire élémentaire.

A cet égard, nous devons dire qu’il n’existe qu’un très petit nombre d’enfants au-dessous de douze ans dans les usines et manufactures. Quant aux chefs d’ateliers ils évitent d’avoir des manœuvres ou apprentis au-dessous de cet âge. Mais parmi les enfants âgés de plus de 12 ans, on en trouve qui n’ont pas l’instruction primaire suffisante quoiqu’ils aient jusque-là fréquenté l’école. Il nous a été parfois représenté des certificats d’instituteurs se bornant à dire que tel enfant avait suivi l’école, sans ajouter qu’il avait acquis l’instruction primaire élémentaire ; une ou deux questions posées à l’enfant prouvaient immédiatement l’insuffisance de cette instruction.

 

La-Ferté-Alais

L’usine qui occupe le plus grand nombre d’enfants dans le canton de La-Ferté-Alais est la filature de bourre de soie de M. Sylvestre, aux moulins du Gué, commune d’Itteville près La-Ferté-Alais. Vingt neuf enfants y étaient employés à la fin d’octobre dernier, les uns au-dessous de 12 ans, les autres au-dessus ; ceux-ci munis de livrets et certificats constatant qu’ils savaient lire, écrire et compter. Pour les enfants au-dessous de 12 ans, M. Sylvestre fait tenir chez lui par l’un de ses employés une école pendant deux heures par jour et cet employé s’acquitte de sa mission avec soin. Cette manière de donner satisfaction à la loi est peut-être préférable aux allées et venues qu’occasionnerait l’envoi des enfants à l’une des écoles communales dont la plus voisine serait encore à une certaine distance de l’usine.

La fabrique de lacets exploitée par M. Michelez à Lardy est à peu près dans les mêmes conditions que l’année dernière. Elle n’avait à la fin d’octobre que 18 enfants au lieu de vingt, tous âgés de 12 à 16 ans et ayant suivi l’école. Seulement un certain nombre de livrets manquait.

Neuf enfants de 10 à 15 ans sont employés dans la fabrique de tissus de lin de M. Poulet à Bouray. Ceux qui n’ont pas encore l’instruction primaire élémentaire suivent l’école qui est dans le village même, pendant deux heures chaque jour. A défaut de livrets, nous avons vérifié l’exactitude de cette déclaration auprès de l’instituteur et de l’institutrice de la commune.

Les usines d’extraction de tourbe du Saussaye n’occupent pas d’enfants au-dessous de 15 ans.

 

Etampes

Les deux principaux établissements industriels d’Etampes employant des enfants sont les deux fabriques de lampes, exploitées l’une par M. Thibault au faubourg St Martin, l’autre par M. Gautier sur la promenade des Prés.

Dans la première qui est de beaucoup la plus importante et où le registre d’inscription des enfants est régulièrement tenu, nous avons trouvé, lors de notre visite du 16 novembre, notamment trois enfants qui, bien qu’âgés de plus de 12 ans, manquent de l’instruction primaire élémentaire. Le premier qui est le plus illettré atteindra sa 15e année le 1er janvier 1877 et est près d’échapper aux prescriptions de la loi. C’est un enfant originaire de Fretteval (Eure-et-Loir), orphelin de père et venu à Etampes avec sa mère depuis un an seulement. Nous n’avons pu que l’engager à suivre un cours d’adultes dans l’une de nos écoles. Le second qui est âgé de près de 16 ans a quitté l’école des frères de la doctrine chrétienne depuis 1873 ; il a travaillé d’abord chez un maître-couvreur de la ville et est entré depuis peu de temps à l’usine Thibault. Nous avons dû l’engager à retourner chez les frères pendant une heure ou deux par jour et nous avons appris depuis qu’il suit l’école du soir. Enfin le troisième, âgé de 13 ans, travaille avec son père chez M. Thibault. Vu l’insuffisance de son instruction son père a pris l’engagement de l’envoyer à l’une des classes du soir.

Chez M. Gautier nous n’avons trouvé que deux enfants ; l’un de 15 ans accomplis et l’autre de 16 ans ; tous deux munis de livrets et certificats.

Pour ce qui concerne les différents chefs d’ateliers, maçons, menuisiers, serruriers, couvreurs, etc., nous renvoyons à ce que avons dit plus haut.

Méréville

Filatures de laine de Guillerval et Saclas

La filature de laine de M. Gibier-Gaillard n’occupe aucun enfant.

Celle de M. Gaillard, à Saclas, n’a que 4 enfants, occupés à dévider et à peloter, travail très doux. Ils vont à l’école, ils ont fourni leurs livrets. Une fille de 19 ans, employée dans cette usine, travaille quelques fois la nuit.

L’usine de M. Vuillaume, à Saint-Denis commune de Saclas, n’a qu’un enfant de 12 ans, employé comme rattacheur et une fille de 17 ans. L’entrée de ces enfants étant récente, les livrets n’avaient pas encore été fournis. Cette omission a dû être réparée ainsi que celle de l’affiche de la loi. Il n’y a pas de travail de nuit dans cette usine.

Fabriques de bonneterie à Pussay

Dans aucune on ne travaille la nuit. Dans toutes la loi est affichée. Dans les principales les livrets et les registres d’inscription existent. Les fabriques de MM. Hutteau, Lejeune-Buffetault, Buret-Ballot, Lejeune-Imbault et Peltier-Vassort n’occupent pas d’enfants.

Chez M. Lemaire-Sevestre, qui occupe 16 ouvriers, il n’y a qu’une fille de 15 ans dont le livret est en règle.

Chez M. Gry-Boyard, qui occupe une douzaine d’ouvriers, il n’y a qu’une fille de 14 ans munie du certificat d’instruction primaire.

Chez Mme Veuve Buret (Louis) qui occupe 22 ouvriers, il y a un garçon de 14 ans et trois filles de 12, 13 et 17 ans, pour lesquels les livrets manquaient au moment de la visite.

L’usine de M. Langlois-Marcille, qui emploie une vingtaine d’ouvriers, n’a que deux filles de 14 et 16 ans.

Les deux usines principales de cette commune sont celle de MM. Dujoncquoy, Jaquemet et Bigot et celle de MM. Brinon et Boyard fils.

La première emploie environ 90 ouvriers dont 20 enfants, 12 garçons et 8 filles, ayant tous plus de 12 ans et ayant suivi l’école pendant un temps suffisamment long, sans cependant que les certificats d’instruction primaire aient été fournis. Les enfants sont partagés en trois classes, quant à la durée du travail qui est de trois, six et neuf heures suivant l’âge. Ils travaillent d’ailleurs avec leurs pères et sous leur surveillance.

La seconde, celle de MM. Brinon et Boyard, compte aussi environ 90 ouvriers dont 18 enfants, savoir : 10 garçons de 13 à 16 ans, 3 filles de 12 à 16 ans et 5 filles de 16 à 21 ans. Tous ont leur certificat d’instruction primaire. Quelques-uns continuent à suivre les cours d’adultes.

 

En résumé, des améliorations sérieuses ont été obtenues dans l’ensemble des usines, manufactures et ateliers de l’arrondissement. Une surveillance continue et active en amènera certainement d’autres et pourrait conduire, même par les seuls moyens de la persuasion, à l’exécution à peu près entière de la loi.

Nous nous permettrons à ce sujet d’émettre un avis sur le moyen de rendre la surveillance plus facile et plus fructueuse. Ce serait de substituer des commissions cantonales aux commissions d’arrondissement. Les fonctions de commissaires étant gratuites, il est sans inconvénient de multiplier le nombre des personnes qui veulent bien les accepter. Trois commissaires dans chaque canton pourraient sans déplacements difficiles, renouveler leur inspection plusieurs fois chaque année et rendraient évidemment des services plus réels que cinq commissaires nommés pour tout l’arrondissement.

Nous vous prions, Monsieur le Préfet, d’agréer l’hommage de notre respectueux dévouement.

Delanoue ».

L’année suivante, en 1977, les inspections ont à nouveau lieu :

« Filatures de laine à Guillerval et Saclas

L’usine de M. Gaillard à Saclas occupe deux garçons de 13 à 14 ans et 4 filles de 15 à 21 ans. Les livrets de ces enfants ont été présentés.

L’usine de M. Vuillaume à St Denis, commune de Saclas, n’occupe qu’un garçon de 13 ans et deux filles de 17 ans. M. Vuillaume a dû être invité à se mettre en règle en ce qui concerne l’affiche de la loi et la formalité du livret.

L’ancienne usine de Guillerval s’est dédoublée et en forme aujourd’hui deux : une teinturerie et un filature de laine.

La teinturerie est exploitée par M. Gibier-Gaillard et n’occupe ni garçons ni filles mineurs.

La filature est exploitée par M. Limet ; il y est employé 4 filles de 14 à 20 ans ayant reçu l’instruction primaire élémentaire.

Dans les filatures de Saclas et de Guillerval l’abstention du travail de nuit n’est pas strictement observée. Des observations ont dû être faites à ce sujet aux chefs d’établissements

« Pussay Fabriques de bonneterie drapée

Les manufactures de cette commune sont, comme l’année dernière, au nombre de onze. On n’y travaille ni la nuit, ni le dimanche. Les enfants qui y sont employés ont tous, sauf une seule exception, plus de 12 ans et ont été à l’école pendant un temps suffisamment long. La loi est affichée dans les ateliers, les registres d’inscription et les livrets existent. Mais le certificat qui devrait être délivré par l’instituteur manque ; parce qu’on a considéré que le certificat du maire, qui est imprimé au commencement du livret, constatant que l’enfant a fréquenté l’école, pourrait remplacer l’attestation de l’instituteur.

Voici le nombre de garçons et de filles mineurs employés dans ces diverses fabriques.

1° Usine de MM. Dujoncquoy, Jaquemet et Bigot. Un seul enfant de 11 ans qui suivra les cours de l’école du soir. Dix garçons de 13 à 15 ans ½ et quatre filles de 16 à 18 ans.

2° Usine de M. Langlois-Marcille. Une fille de 14 ans dans l’intérieur des ateliers et, de plus, six garçons de 12 à 16 ans travaillant dans le bourg sous la direction et dans la maison de leurs parents.

3° Usine de M. Buret-Ballot. Un garçon de 14 ans, une fille de 19 ans et, de plus, dans le bourg deux garçons de 13 et 15 ans.

4° Usine de M. Gry-Boyard. Une fille de 15 ans.

5° Usine de MM. Boyard fils et Brinon. Douze enfants de 12 à 15 ans, y compris ceux qui travaillent chez leurs parents.

6° Usine de Mme Veuve Louis Buret. Trois garçons de 13 à 15 ans.

Quant aux usines de MM. Peltier-Vassort, Hutteau, Lejeune-Buffetault, Lejeune-Imbault et Lemaire, elles n’occupent pas d’enfants ».

Premières et dernières pages du livret n° 252 appartenant à Albert Gastineau, né le 6 novembre 1877.

Le livret avait été délivré le 4 septembre 1890. En deuxième page le maire certifiait qu’il avait suivi l’école du 1er janvier 1883 jusqu’au 1er août 1890. Il décèdera le 21 septembre 1898 à l’âge de 21 ans ; il était ouvrier bonnetier, tout comme son père.

En 1881 le rapport indique :

MM. Dujoncquoy, Jaquemet et Bigot emploient 55 ouvriers, 42 de sexe masculin et 13 de sexe féminin, dont 2 garçons et 5 filles de 12 à 15 ans ayant le certificat, 1 fille de 15 à 16 ans et 3 filles de 16 à 21 ans. En observation il est noté que dans le nombre des ouvriers il existe une dizaine de sexagénaires.

M. Ménardière, successeur de M. Hutteau, emploie 15 ouvriers de sexe masculin, dont 2 garçons de 12 à 15 ans, l’un possédant le certificat et l’autre non, mais il est précisé que ce dernier est suffisamment instruit ; la formalité seule manque. Dès lors il est facile d’être en règle, en obtenant un certificat.

Charles Langlois emploie 1 garçon et 2 filles de 12 à 15 ans ayant le certificat, plus 1 fille de 16 à 21 ans.

Lemaire-Sevestre emploie 61 ouvriers, 14 de sexe masculin et 2 de sexe féminin, dont 1 fille de 12 à 15 ans ayant le certificat.

Gry-Boyard emploie 1 fille et 2 garçons de 12 à 15 ans ayant le certificat, plus 2 garçons et 1 fille de 15 à 16 ans.

Boyard fils et Brinon emploient 150 ouvriers, 125 de sexe masculin et 25 de sexe féminin, dont 10 garçons et 11 filles de 12 à 15 ans ayant le certificat, 4 garçons et 1 fille de 15 à 16 ans et 7 filles de 16 à 21 ans.

Peltier-Vassort emploie 5 ouvriers de sexe masculin, dont 1 garçon de 12 à 15 ans n’allant pas à l’école et 1 garçon de 12 à 16 ans.

Mme Veuve Louis Buret emploie 23 ouvriers, 20 de sexe masculin et 3 de sexe féminin, dont 1 garçon de 12 à 15 ans ayant le certificat et 1 fille de 15 à 16 ans.

En observation générale, le rapport souligne que « Les ateliers de Pussay sont généralement en règle ; on n’y travaille d’ailleurs ni la nuit, ni les dimanches. Les chiffres ci-contre [ci-dessus] sont ceux qui existaient lors de la visite faite par le soussigné au commencement de juillet ; la moisson les réduira pendant quelques mois. Du reste, la situation de l’industrie de Pussay est généralement amoindrie ; ainsi une fabrique qui faisait marcher 42 métiers en a supprimé 13. Nous n’avons pas porté sur notre état les fabriques qui n’emploient pas d’enfants ou de filles mineures ; ce sont celles de MM. Lejeune-Buffetault, Buret-Ballot et Lejeune-Imbault ».

Cependant, concernant les ateliers d’Etampes, le rapport observe que la loi « n’y est pas assez connue ; elle a été affichée dans les chantiers et ateliers, mais les affiches ont, en grande partie, disparu ; il serait utile que les instituteurs la fissent connaître et comprendre aux enfants, et, le plus possible aux parents ; on trouve généralement bonne volonté dans les familles, et si, pendant l’été, on obtient difficilement la fréquentation de l’école, on l’obtiendra au moins pendant l’hiver. C’est le besoin qui force les parents ayant nombreuse famille à placer leurs enfants pour se créer quelques ressources par leur travail ».

Les lois Jules Ferry de 1881 et 1882 rendent l’enseignement primaire gratuit, laïc et obligatoire de 7 à 13 ans. Ainsi, en 1899, Ernest Maisse peut écrire qu’à Pussay, « tous les enfants fréquentent actuellement une école : les familles ont compris les bienfaits de l’instruction … il serait impossible aujourd’hui de trouver un illettré parmi la jeunesse du village ».

Récompenses décernées aux apprentis, contremaîtres et manufacturiers

La Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures voit le jour le 22 septembre 1866 et elle est reconnue comme établissement d’utilité publique par un décret du 4 juillet 1868. L’article 1 de ses statuts énonce : « La Société a pour but d’améliorer la condition des Apprentis et des Enfants employés dans les manufactures, par tous les moyens qui, en respectant la liberté de l’industriel et l’autorité du père de famille, agiront en conformité de la pensée des lois sur l’apprentissage et sur le travail des Enfants dans les manufactures ». Par ailleurs, « Pour être membre de la Société, il n’est pas nécessaire d’être manufacturier ou d’employer des enfants à un titre quelconque, il suffit qu’on soit sympathique à l’amélioration du sort des enfants ». Son premier bulletin paraît avec l’autorisation du ministre de l’Intérieur en 1867.

Elle récompense, en séance solennelle, les personnes qui, par leur sollicitude pour les apprentis, l’ont aidé dans son œuvre, les contremaîtres et les contremaîtresses qui ont prodigué leurs soins aux enfants dont ils étaient chargés, enfin les apprentis qui se sont fait remarquer par une conduite et une moralité irréprochables. Elle décerne :

–         des mentions honorables et des mentions spéciales de reconnaissance

–         des médailles de vermeil, d’argent ou de bronze

–         des primes en argent et des livrets de caisse d’épargne.

Les différents lauréats sont groupés dans l’ordre suivant :

I

Institutions charitables

Fondées dans le but d’instruire, de moraliser, d’aider les apprentis (garçons ou filles) : Œuvres de Patronages, Orphelinats, Ecoles professionnelles, Pensions d’apprentis, etc. (sans distinction de culte).

II

Institutions manufacturières

Industriels qui se signalent par leur sollicitude pour le bien-être matériel et moral de leurs apprentis ou jeunes ouvriers

Première catégorie

Comprenant les Manufacturiers et Industriels ayant créé dans leurs établissements des institutions en vue de faciliter l’apprentissage, d’assurer la santé et l’instruction, tant générale que spéciale ou professionnelle, aussi bien que la moralité et l’avenir des Apprentis et jeunes Ouvriers.

Deuxième catégorie

Comprenant les industriels qui, sans avoir créé d’institutions ou organisé dans leurs ateliers des moyens permanents d’instruction générale ou spéciale, se sont fait remarquer par une sollicitude personnelle et attentive à l’égard des apprentis ou jeunes ouvriers.

Troisième catégorie

Comprenant les industriels et patrons chez lesquels le contrat d’apprentissage est exécuté loyalement et efficacement pour les jeunes apprentis et qui veillent avec sollicitude au bien-être de leurs jeunes ouvriers.

Quatrième catégorie

Comprenant les personnes et Associations étrangères à l’industrie qui, par dévouement pour l’enfance et la jeunesse ouvrière, sont venues en aide aux industriels comme auxiliaires des œuvres entreprises en faveur des apprentis ou apprenties.

III

Contremaîtres ou contremaîtresses

Qui font preuve à un haut degré d’intelligence et de dévouement envers les enfants qu’ils surveillent et auxquels ils sont chargés d’apprendre leur métier.

(Pièces à produire pour les candidats : 1° un certificat de bonnes vie et mœurs émané de l’Autorité administrative, 2° une proposition exposant les mérites du candidat et le nombre d’années de service adressés à la Société par le Patron qui l’emploie ou directement par un membre de la Société)

IV

Apprentis et enfants employés dans les manufactures

Des livrets de diverses valeurs et des médailles ou mentions seront décernés.

(Pièces à produire : une proposition exposant les mérites du candidat, nom, prénom, âge, années de service, etc. adressée à la Société par le Patron qui l’emploie ou directement par un membre de la Société)

Première catégorie

Apprentis présentés par des Patronages, Sociétés d’assistance paternelle, Ecoles professionnelles, Commissions locales du travail des enfants, Inspecteurs divisionnaires et départementaux, Industriels, qui se font remarquer par leur capacité professionnelle et une bonne conduite constante. (livre (parfois offert par le Ministre de l’Instruction publique ou la société pour la propagation des livres d’art), mention honorable, livret de caisse d’épargne de 10, 15, 20, 25 francs (une récompense exceptionnelle de 60 francs), parfois une médaille de bronze)

Deuxième catégorie

Anciens apprentis devenus ouvriers, qui sont restés dans la maison où ils ont accompli tout leur apprentissage. (médailles de bronze, d’argent, de vermeil, mention honorable, livre d’art, exceptionnellement un livret de caisse d’épargne de 25 francs

Prix spéciaux

Décernés par les comités annexes

Prix de l’œuvre de l’assistance judiciaire

Prix de l’œuvre des Sociétés d’assistance paternelle

Prix du comité des accidents de fabrique.

C’est ainsi que dans le bulletin de janvier – février – mars 1882, Alexandre César Marie, contremaître chez M. Hutteau, fabricant de bonneterie à Pussay, est récompensé avec cette notation : « Modèle de travail et de conduite, collaboration de 20 ans, utile aux apprentis. (Proposition de M. Subercaze, Inspecteur départemental). Médaille de bronze ». Nous reconnaissons là le chef si estimé et fondateur de la fanfare municipale de Pussay en 1881.

Il n’est pas le seul à être cité cette année-là dans le bulletin. Elie Bourdeau, apprenti chez Mme Veuve Boyard et Brinon, fabricants de bonneterie à Pussay, se signale à l’attention avec cette mention : « Déjà bon ouvrier, se conduit très bien. (Proposition de M. Linarès, Inspecteur divisionnaire à Orléans). Mention honorable ». Elie Arsène est né le 19 février 1866, il a donc 16 ans en 1882 et son père qui avait 25 ans à sa naissance était déjà ouvrier en laine.

François-Lambert Séjourné, contremaître chez MM. A. Brinon et Georges Gry, manufacturiers à Pussay, est à son tour nommé dans le bulletin de janvier – février – mars 1884 : « Entré en 1818 [sic, mais il est né vers 1810, ce qui laisserait à penser qu’il serait entré comme apprenti vers 8 ans ?] comme apprenti, a conquis tous ses grades dans la maison. Soins donnés aux apprentis. Modèle d’honorabilité. (Proposition de M. Platrier, Inspecteur départemental). Médaille de vermeil et mention spéciale de reconnaissance ».

Emile Thomin, ouvrier chez M. Ménardière, fabricant de bonneterie à Pussay est cité dans le bulletin de janvier – février – mars 1886, au titre des anciens apprentis, devenus ouvriers, qui sont restés dans la maison où ils ont accompli tout leur apprentissage : « Assiduité et excellente conduite. (Proposition de M. Linarès, inspecteur divisionnaire). Mention honorable ».

Dans le bulletin de janvier – février – mars 1887, dans la liste des membres nouveaux de l’année 1887, M. Linarès présente Lemaire (Sevestre), manufacturier à Pussay. Boyard Fils et Brinon sont toujours cités parmi les membres sociétaires.

En 1888, sont nommés :

–         Vincent-Antonin Dujoncquoy, contremaître chez M. Langlois, fabricant de bonneterie à Pussay, pour « 42 ans de services. Plusieurs apprentis formés. Grands mérites. (Proposition de M. Platrier, Inspecteur départemental). Médaille d’argent ».

–         M. Plançon, contremaître chez MM. Brinon et Georges Gry, fabricant de bonneterie à Pussay, pour « 12 ans de services dévoués aux apprentis (proposition de M. Linarès, Inspecteur divisionnaire). Médaille de bronze ».

–         Pierre Corpechot, apprenti chez M. Lemaire Sevestre, fabricant de bonneterie à Pussay : « Travailleur, sérieux, intelligent. (Proposition de M. Platrier, Inspecteur à Etampes). Livret de caisse d’épargne de quinze francs ». Il a 18 ans à l’époque ; en 1893 il est soldat en garnison en Ardennes à 23 ans et en 1896 il est ouvrier bonnetier.

–         Henri-Edmond Rebiffé, apprenti chez M. A. Brinon, ses fils et Georges Gry, fabricants de bonneterie et de chaussures à Pussay : « 5ème année. Studieux, instruit. (Proposition de M. Platrier, Inspecteur à Etampes). Un livre ». Il était né le 26 avril 1871 d’un père ouvrier bonnetier de 39 ans. Il se mariera en 1896 étant ouvrier bonnetier.

En 1890, sont nommés :

–         au titre de la troisième catégorie des institutions manufacturières, M. Brinon, manufacturier à Pussay est nommé avec cette mention : « Grand souci de l’hygiène et de l’amélioration des 50 apprentis de sa maison. (Proposition de M. Linarès, Inspecteur divisionnaire). Médaille d’argent ». Cette médaille sera rappelée dans les bulletins suivants jusqu’en 1899.

–         Cléophas Pichard, contremaître chez M. Ménardière, fabricant de bonneterie à Pussay : « 26 ans de service ; nombreux apprentis. (Proposition de M Pointeau, inspecteur à Etampes). Médaille de bronze ».

–         Elie-Désiré Bourgine, apprenti de 3ème année chez MM. Brinon, ses fils et Georges Gry, fabricants de bonneterie à Pussay : « Intelligent, travailleur, habile (Proposition de M Pointeau, inspecteur à Etampes). Livret de caisse d’épargne de quinze francs ».

–         Jules-Frédéric Barroy, ouvrier chez MM. Brinon, ses fils et Georges Gry, fabricants de bonneterie à Pussay : « 16 ans de services intelligents. (Proposition de M Pointeau, inspecteur à Etampes). Médaille de bronze ».

–         Louis-Désiré Roulleau, ouvrier chez M. Lejeune-Buffetault, fabricant de bonneterie à Pussay : « 32 ans de bons services. (Proposition de M Pointeau, inspecteur à Etampes). Médaille d’argent ».

Le bulletin existe jusqu’en 1914, mais les récompenses deviennent de moins en moins nombreuses et disparaissent même concernant Pussay. Il est vrai qu’après 1900, il n’existe plus qu’une seule manufacture à Pussay, celle de « A. Brinon, ses fils et Georges Gry ».

Sources :

Archives Départementales des Yvelines : 16M20 à 16M24

Bulletins de la Société de protection des apprentis et des enfants employés dans les manufactures dans Gallica

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